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Point de vue de Peter Clarke :

Katherina dort.
Pas moi. Je n'y arrive pas.

J'ai trop de questions sans réponses dans la tête pour arriver à trouver le sommeil. Alors moi qui pensais tout savoir sur Katherina et sa famille, je me suis fourré le doigt dans l'œil.

Je suis presque certain que Katherina me cache quelque chose. Elle prétend être quelqu'un qu'elle n'est pas. Elle ment. Reste à démêler le vrai du faux.

J'ai la gorge sèche. J'ai besoin de boire. Mon regard se pose sur la bouteille de vodka laisser pour compte par terre. Katherina boit trop. Beaucoup trop. Elle est enceinte, merde !

Elle n'a pas vraiment l'instinct maternel, c'est le moins qu'on puisse dire.

Je me lève, enfile un boxer, et sors de la chambre.

Katherina a forcément plus à reprocher à sa mère qu'un vulgaire coup de fil qui a, selon elle, tué son père.

J'entre dans la cuisine, pour me rendre compte que je ne suis pas le seul à faire des insomnies. Elena Grey. La mère de Katherina.

— C'est toi, Peter ? , demande celle ci, ne me distinguant pas bien dans l'obscurité.

J'allume la lumière, et répond.

— Oui. J'avais soif, alors...

— Les verres sont là. Sert toi, fait comme chez toi, sourit elle.

— Merci.

Je me sers, légèrement embarrassé d'être si peu vêtu. Néanmoins, je décide de passer outre ma gène pour me renseigner.

— Vous et Katherina... , je commence, tâtant le terrain.

Elle a l'air disposée à aborder le sujet, puisqu'elle répond :

— Notre relation est tendue. Son père était son idole, tu sais. Quand il est mort, elle... pour elle, je suis responsable de sa mort. 

J'acquiesce, indécis. Elle et sa fille soutiennent la même version. C'est trop beau pour être vrai.

— Elle vous aime, pourtant, je reprends.

Elle se tend imperceptiblement.

— C'est elle qui vous l'a dit ? Elle vous a parler de moi ?

Elle est soudain très sèche.

Un instinct inconnu me pousse à répondre.

— Non. Elle ne parle jamais de vous, mais... une fille aime sa mère, ça va de soit.

Alors elle se détend.

— Et une mère aime sa fille, c'est entendu.

Elle m'adresse un sourire manifestement forcé.

— Katherina est compliqué à vivre, je le sais. Peut être qu'il vaudrait mieux pour vous que...

Je fronce les sourcils.

— Que ?

— Que vous ne soyez pas aussi proche d'elle. Je vais me coucher, bonne nuit.

Elle me plante là.

Je reste estomaqué. Vient elle réellement de me déconseiller de sortir avec sa fille ?

Il y a anguille sous roche. Qu'est ce qui ne tourne pas rond dans cette famille ?

Je repose mon verre, et décide de visiter la maison. Peut être que ça me permettra d'en savoir un peu plus.

Les pièces que je visite sont impersonnelles et blanches. Bien rangées, immaculées. Une famille de quatre enfants a t'elle réellement vécue ici pendant vingt ans ?

Néanmoins j'entre finalement dans la bibliothèque. Alors la, c'est le choc. Elle est immense, et lorsque les murs ne sont pas obstrués de livres, c'est de photos dont ils sont tapissés. Personne ne semble être venu ici depuis des années.

J'observe les photos. Katherina et ses frères pris sous le même angle, chaque 12 janvier. Puis Hannah qui apparaît sur les photos à son tour. Une file de cadres contenant des diplômes de la première place du « concours national de mathématiques », remis à Katherina Lauren Mia Grey.

Après avoir contemplé les photos et m'être rendu compte qu'Alexander Grey, le père de Katherina, ne figure nul part, j'explore le reste de la pièce.

Un piano à queue trône dans le centre de la pièce. Je m'en approche. Il ne semble pas avoir servi depuis des années. De vielles partitions de Ravel, Bach ou encore Mozart s'empilent sur le dos de l'instrument.

Je m'installe sur le siège poussiéreux, et commence à déchiffrer la partition qui est installé sur le chevalet. En un quart d'heure, je la connais sur le bout des doigts.

La mélodie est mélancolique. Non, pas mélancolique, lugubre.

Point de vue de Katherina Grey :

Peter n'est plus dans le lit. Le connaissant, il a du aller explorer la maison à la recherche de réponses à ses questions.

Je soupire, avant de me m'être en quête du jeune milliardaire.

Une lointaine mélodie me guide jusqu'à la bibliothèque. Elle me donne mal à la tête. Il faut qu'elle cesse. Elle est rattachée à trop de souvenirs.

J'ouvre à la volée la porte de la bibliothèque, pour découvrir Peter assit devant l'instrument, dos à moi.

Je me prends la tête avec mes mains.

— Arrête ! Stop, arrête !

Il retire aussitôt les mains du clavier, comme sous le coup d'une décharge électrique.

Je m'approche, mon mal de tête s'accentuant.

Peter, alors, n'existe plus. À sa place est placé Alexander Grey.

Absorbée dans mes souvenirs, je murmure les mots qui, il y a 18 ans, m'avaient condamnés à 72 heures d'emprisonnement dans la bibliothèque.

— Vous jouez bien, Colonel, mais je joue mieux que vous.

— Vraiment, Katherina ? Prouve le moi.

Le colonel s'écarte du piano, et m'ordonne de prendre sa place, ce que je fais.

— Joue pour moi. Joue mieux que moi.

Je pose mes petits doigts sur le clavier.

Malheureusement, à la moitié du morceau, mon auriculaire dérape, et je fais une fausse note.

La colère du colonel est sans borne. Il me condamne à jouer le morceau jusqu'à ce que j'y arrive avec une justesse et une technique digne d'un pianiste professionnel.

Cela m'a pris 72 heures.

Je reviens dans le présent lorsque Peter dit :

— Katherina ? Katherina !

Je secoue la tête.

— Désolée. Je vais bien, tout va bien. Je me suis laissée emporter, cette pièce regorge de souvenirs. Ne rejoue jamais ce morceau, il est sinistre. De plus, tu ne le joue pas bien.

Il hausse les sourcils.

— Tu rigole, je le joue parfaitement.

— Non. Je... j'ai connue quelqu'un qui le joueras toujours mieux que tu ne le feras jamais.

Point de vue de Peter Clarke :

— Qui ? Ton père ?

Katherina a l'air complètement ailleurs. Elle est perdu dans ses souvenirs. Vous jouez bien, colonel, mais je joue mieux que vous. Qu'est ce que cette phrase signifie ?

Elle sourit.

— Mon père ? Oh non. Je... la personne dont je parle le jouais beaucoup beaucoup mieux que lui.

Son sourire s'agrandit.

— Ah, Papa, vas bien te faire foutre.

Sur ce, elle sort.

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