Blood.

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Les tapisseries, ternies et figées dans le temps, du milieu des cafés, entre tasses et télévisions, le bar et l'entrée. Le faux cuir collait à mes bras dénudés. La chaleur m'étouffait, rappelant l'immonde transport en commun quotidien me faisant office de permis chaque jour. Et les peintures face à moi semblaient me juger, pour les atrocités commises, pour tout ce que j'aurais voulu oublier, pour tout, et revenir en arrière. Les semaines passées, ont été si belles mais si destructrices. En rien à peine, quelques sourires et paroles délicates, Rayane s'était insurgé dans mon esprit, combinant toutes les conneries écartées par mon système immunitaire.

Ils me fixaient, décoration immunisée de ce restaurant où j'en suis l'habituée. Là, ici-même, faisant partie du décors en figuration des murs rougies. Les tableaux période renaissance explosaient en reconnaissance d'une redondance insoutenable. La vérité est bien telle : avions-nous droit à une seconde chance ? L'avenir, le futur proche, n'attendant plus que son arrivée, pour le déterminer. Et cette décoration oppressante me distrayait dans l'attente. Celle qui, insoutenable ne pouvait durer plus longtemps, ou mon subconscient délirerait bientôt, inventerait des combinaisons nouvelles, en proie à déployer la vérité à notre monde.

La vérité une et unique, celle perçue et enregistrée par mon disque dur. J'eus envie de dérailler, griller de l'intérieur, rien que pour railler de ma mémoire, les semaines écoulées, et tous ces fabuleux moments partagés en sa compagnie. Il n'aurait pas dû en être autrement, et rien n'aurait dû arriver. Depuis le départ, j'aurais dû partir, rejoindre Alexis, comprendre qu'il en aurait été mieux ainsi. Mais il avait fallu que mon système nerveux poursuive ces connards de sentiments. Ceux là-mêmes ayant tout fait rater. Ceux que je m'efforce encore d'oublier, sans y parvenir, évidemment.

La vérité de cette nuit, celle qui m'a tué, celle qui a tout brûlé, même l'impensable. Objectivement, j'aurais pu émettre aucune objection à son départ, ou à l'arrivé de mes deux soleils. L'un repoussant le mal, l'autre imprégnant le bien.

Lequel des deux me correspondait ?

Écouter quelle partie de son stupide corps ? Le cœur, la raison ? Et ma tête cessait de fonctionner en sa présence, elle semblait mise en quarantaine, dans un lieu reculé de la galaxie, là où personne n'y met les pieds, même pas moi.

Surtout pas moi.

Deux êtres opposés, deux médaillons de ma propre face. Deux éclipses permanentes d'une même terre détruite. Comment étais-je censée y survivre, comment étais-je censée continuer, là, maintenant que tout est déjà détruit ?

Lequel seulement aurait pu reconnaître la lune que j'étais ? Lequel aurait pu rebâtir les fondations ? Je n'y trouvais aucune solution, aucune réponse, aucun consentement.

Après tout, qu'avais-je demandé en rencontrant Rayane et Alexis ? Essayer d'avoir les deux, faisait-il de moi une horrible personne ?
Rien n'était plus sûr, je n'étais qu'une nana paumée et effrayée par les conneries qu'elle a fait. Mais on ne pouvait revenir en arrière. Et moi j'attendais comme une conne, que la situation change, sans être capable pourtant d'y remédier. En étant parfaitement incapable, les éclipses s'enchaînaient et se succédaient, j'assistais, impuissante à la descendance aux enfers.

L'attente, qu'il arrive me prenait à la gorge en ce jour de lendemain, d'une tromperie insoutenable. Ma tête m'élançait, d'une gueule de bois digérée à la va-vite. Il n'était pas revenu, du moins, nos chemins ne s'étaient plus recroisés.

La transe d'Alexis s'élança en travers du restaurant. Mon poux s'affola soudainement, tel une biche prise dans les phares d'une voiture élancée à pleine vitesse. Ce que j'eus envie de couper ces foutus fils.
'' - Salut mon ange. '' je souriais et venais l'embrasser, après s'être assis, nous commandions un café pour moi, un thé pour le monsieur. Alexis avait une sainte horreur du café, déclenchant chez moi certaines réactions de moquerie.
'' - Je suis vraiment contente que tu sois rentré. '' je le regardais dans les yeux, le chocolat fondu de ses prunelle semblait pur et véritable. J'eus un véritable pincement au cœur.
'' - Mais c'est beaucoup trop.
- Pourquoi tu dis ça ? '' il joignit ses mains entre elles, signe déployant qu'il m'écoutait attentivement.
'' - Imagine que tu ais un problème avec ton travail dorénavant. Je m'en voudrais vraiment que tu perdes ça à cause de moi. '' il leva les yeux au ciel, tique commun de mauvaise éducation.
'' - Je ne pense pas en valoir la peine.
- Arrête donc tes conneries. Si je suis là c'est parce que j'en ai envie. '' il prit mes doigts entre les siens, me surchauffant l'épiderme de la peau.
'' - Et puis j'en avais marre de tous ces anglais, leur bouffe est vraiment détestable. '' le rire dans sa voix m'indiquait qu'en parenthèse de son voyage express dû à mon manque d'affection, il ne m'en voulait pas.
'' - J'avais besoin de retrouver mon pays, mon air natal. Alors ne t'en fais vraiment pas.
- Ce n'était pas qu'à cause de moi ?
- Non désolé. '' il m'offrit le plus beau sourire qui lui était donné d'avoir. Pourtant, en cet instant de complicité, l'image de son sourire fit irruption à l'intérieur de ma tête, ravageant tout sur son passage.

DemonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant