My soul.

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Il m'avait réveillé.

Des bruits, parvenant de l'étage inférieur venaient à moi, comme signe qu'il s'était finalement levé, sûrement d'une gueule de bois monstre, que la soirée d'hier, il l'avait franchement raillé de son disque dur. J'enviais en cet instant-même qu'il soit comme ça, qu'il ait cette nature détachée, que mon système nerveux n'aura jamais la chance de posséder. Et mon dos soudainement me redressait dans mon lit, contre mon gré malgré tout, il fallait l'avouer, je m'inquiétais.

Les questions de la veille revinrent également à moi, et cette situation-là ramènera à mon foutu intérieur, la faiblesse, la détresse que j'ai ressenti, lorsque nous avons fait l'amour ensemble, lorsque j'ai donné mon amour propre à ce gardien d'univers fantastique, et qu'il m'avait tout repris, après avoir tout bousillé. Donner son corps, son âme, sa vie à quelqu'un, remontait chez moi, comme l'une des pires erreurs de ma vie. Et rester inflexible à mon entourage, aurait dû me protéger d'un revers de manche similaire. Rayane n'aurait jamais dû faire partie de ma vie, lui et sa beauté fatale, lui et son caractère imbattable. Moi alors il m'avait vaincu, et paraissait-il que s'en était fini.

J'allais me faire violence, me persuader, me convaincre par tous les moyens qu'il n'en aurait pu être autrement.

Je devais oublier Rayane.

Mes pieds m'amenèrent d'eux-mêmes, contre une volonté vers sa présence infaillible. Il surplombait la cuisine, tête encastrée dans les mains, cheveux tirés, vêtements sales, la dégaine parfaite des lendemains de soirées. Au pire, celles n'ayant aucune raison d'exister. Après tout, pourquoi s'était-il mit misère de cette façon-là ? N'avait-il tout simplement pas un problème singulier avec l'alcool ? Que ses géniteurs, qui qu'ils soient, lui auraient transmis ? N'agissait-il alors que par détresse et abandon ?

Aucun amour, à proprement parlé ne lui a été déposé, et plus que n'importe qui d'autre, méritait ce que depuis toujours on lui réfutait. J'aurais voulu être cette femme-là, celle qu'il aimerait jusqu'à s'en rompre l'estomac, celle qui l'aimera, sans alors y consentir, et j'aimerais par dessus tout, être à la hauteur pour lui, et assumer nos démons, ensembles. Lui et moi, aurions pu être divins, à s'entendre, à se comprendre, quitte à se déchirer, pour des raisons fondées. Mais avais-je suffisamment les épaules larges envers ce miracle ?

Je n'ai jamais cru aux miracles.

Alors lorsque je franchissais le pas de la cuisine, que certainement ma présence envahit soudainement son calme personnel, il divagua vers moi, comme pour me distinguer derrière une dizaine de verres, à danser autour de lui. Pourquoi alors, s'il ne s'attachait à personne, était-il là à me fixer, que dis-je, à me détester ?

Pourquoi Rayane, tu peux m'expliquer ?

Ma bonne étoile, ma maman alors me regardait, par dessus ses quelques mèches rebelles, elle qui là-haut, observait tous mes faits et gestes. Pardonne-moi maman. Elle qui, avait mis tous ses espoirs en moi, en plus de mon grand-frère si prestigieux. Enfant déjà, la différence nous liait, rien que la danse semblait capable de nous unir, la discipline seulement, m'apprit à m'affirmer, jusqu'à alors, le dépasser.

La volonté incassable, celle-ci même que Nadège m'avait transmise, dans mes gènes, dans mon tempérament, dans mon éducation, aujourd'hui mon comportement me menait loin de cette divinité.

Je me promis alors de me battre, de comprendre enfin comment mon cœur avait décidé, sans m'en avertir de fonctionner. Et que désormais, j'essayerais de ne plus être simple spectatrice de cabaret. J'allais m'apprêter à lancer le premier pas, vers un destin sulfureux, un destin au regard vert assassin, et qui en cet instant même, semblait me transpercer de toute sa volonté.

DemonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant