Prudence et Audace

20 - SAMEDI 2 AVRIL

-Laisse, laisse, on rangera demain, indiqua Johan à Louise qui ramassait les verres abandonnés sur le bahut.

Il était un peu plus de trois heures du matin et la fête touchait à sa fin. Quelques gouttes de pluie commençaient à tomber alors que les derniers invités venaient de partir. Les pieds lourds, le tatoueur monta les escaliers pour rejoindre sa chambre. Sa chambre. Il y a quelques années, Johan et sa sœur Emilie avaient décidé d'emménager ensemble, dans cette charmante maison avec trois chambres. Même si aujourd'hui il n'y vivait plus, son ancienne chambre restait sa chambre. Pourtant, lorsqu'il ouvrit la porte avec l'envie désespérée de s'affaler dans son lit moelleux, il tomba sur Emilie, bordant sa meilleure amie comme elle l'aurait fait avec une enfant de trois ans. Soufflant, il referma la porte, celle de sa chambre, et attendit impatiemment, adossé contre le mur ocre du couloir, que sa sœur le rejoigne.

-Désolé, mais elle est vraiment dans un sale état et elle s'est disputée avec son copain donc elle ne veut pas rentrer chez elle...

Ce n'était pas faute de lui avoir dit qu'il était trop tôt pour s'installer ensemble.

-Génial, ironisa Johan fatigué. Je dors avec toi du coup ?

C'était une demande plus pour la forme qu'autre chose, mais il sut à la moue désolée et aux lèvres pincées de la brune qu'il avait bien fait de la poser.

-A vrai dire ... Yannick dort avec moi.

Son frère lui fit les gros yeux : génial, il ne manquait plus que ça !

-Après tout ce qui s'est passé entre vous, tu es sûre que c'est une bonne idée ?

-Écoute, je ne veux pas de leçons de morale et encore moins de ta part et à une heure pareille. Il te reste une place dans le lit de Louise ou le canapé. Maintenant bonne nuit, conclut-elle en tournant les talons, sans même lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit.

Le garçon se frotta les yeux, fatigué et agacé, d'autant plus qu'il sentait toujours au niveau de sa tête la fin des effets de l'alcool. Après avoir récupéré son sac abandonné dans l'entrée, il remonta les escaliers jusqu'à la salle de bain. Il croisa Louise qui en sortait, vêtue d'un legging noir et d'un tee-shirt large bleu marine. Sous le regard détaillant de son ami, elle plaqua subitement son sac contenant ses affaires contre sa poitrine, s'agrippant à lui comme pour faire partir sa gêne. Johan reprit ses esprits d'un battement de cils, lui souriant gentiment comme pour s'excuser de l'avoir mise mal à l'aise et entreprit de la rassurer.

-Je crois qu'Emilie t'a déjà montré ta chambre ?

Elle hocha la tête.

-Okay super. Du coup s'il y a quoi que ce soit, n'hésite pas à me réveiller, je serai sur le canapé du salon.

Louise changea une nouvelle fois de position. Là, dans cette chambre inconnue aux murs jaune pastel, elle n'arrivait pas à trouver le sommeil malgré l'heure avancée qu'indiquait son téléphone : 4h12. Elle avait soif. Et elle pensait à Johan. Et à ce que Zac lui avait dit avant de partir. Ça n'avait pas de sens. Et Johan dormait sur le canapé. Elle ouvrit les yeux pour regarder la place vide à ses côtés. Elle n'aurait pas aimé dormir dans un canapé alors qu'une place dans un lit était libre. Mais avait-elle envie de partager son lit avec Johan ? Se sentait-elle de dormir à côté de lui ? Elle ferma les yeux avant de les rouvrir aussitôt, espérant ainsi chasser les images de Johan et elle, proches, allongés dans un lit, que son imagination tentait d'imposer à son esprit. Comme si elle en avait envie. Elle soupira et se retourna, remontant la couette jusque sous son cou. Mais le sommeil ne vint pas. Elle regarda une nouvelle fois l'heure : 4:26. Elle n'arriverait pas à dormir. Un débat interne explosa alors au fond de son esprit, affrontement d'envies, de raison et de peurs. Finalement, elle repoussa la couette loin d'elle, sortit des draps et se décida. En passant devant la porte du placard, recouverte d'un miroir, elle jeta un coup d'œil à son reflet. Son pyjama était-il ridicule ? Après tout ce n'était qu'un pyjama ... Et puis Johan n'était pas son petit ami et il n'y avait rien d'ambiguë n'est-ce pas ? Elle n'avait donc pas d'efforts à faire pour lui paraître jolie, pensa-t-elle. Malgré tout, elle arrangea ses cheveux avant de passer le seuil de la porte.