Prudence et Audace

37 - Partie 2 - MERCREDI 4 MAI

Johan raffermit sa prise autour de son mug et baissa les yeux. Il se sentait fragile et vulnérable en ces instants, une sensation qu'il n'avait que peu l'habitude de connaître. Depuis le moment où il avait fait la rencontre de Louise, il avait compris qu'ils en arriveraient à cette conversation un jour. Et pourtant, il avait tout fait pour la repousser au maximum. Il y avait quelque chose chez cette jeune femme qui le touchait profondément. Sa douceur, sa timidité, sa prudence. Et pourtant pas une seule fois il n'avait vu en elle une gamine ou une adolescente. Dès que son regard croisait ses yeux clairs, il savait à quel point il la respectait. Il ne lui semblait pas avoir déjà croisé quelqu'un de si sincère, si perçant, quelqu'un qui écoutait tant sans juger, mais qui surtout analysait à chaque micro-seconde qui s'écoulait. Mais Louise était comme ça, et ça le fascinait. C'était parce qu'elle était ainsi qu'il avait eu peur que cette conversation n'arrive plus vite que prévu. Mais non, il avait bien joué ses cartes, et nous étions trois mois plus tard.

Même si cela pouvait être difficile à comprendre, Johan savait au fond de lui qu'il n'avait pas menti. Quoi que l'on puisse en dire, il connaissait ses raisons, et cela n'avait rien avoir avec le mensonge. Certes, il avait omis la vérité. Mais c'était le mieux pour tout le monde, pour Louise, pour Arnaud et pour lui. Car même si le tatoueur avait dû mal à se l'avouer, l'une des raisons pour lesquelles il avait tût l'existence d'Arnaud, c'était bel et bien parce qu'il ne se sentait pas encore prêt à ressasser le passé. Se servir du jeune âge de son fils pour le préserver ou de sa relation avec Louise pour la protéger comme prétexte était bien pratique. Cela permettait à l'adulte qu'il était de nier un peu plus longtemps la réalité: les années avaient beau s'écouler, le passé n'en était pas plus simple à digérer.

Le brun finit par relever les yeux, cherchant dans ceux de Louise le courage de se lancer. Elle comprit immédiatement à son regard que les choses n'étaient pas aussi simples pour lui qu'il essayait de le faire croire. En une seconde son attitude changea, et elle s'adoucit, à l'écoute, oubliant le ton défensif qu'elle avait pu avoir quelques secondes auparavant.

-Tu n'as pas à m'expliquer maintenant, murmura-t-elle en posant tendrement sa main sur la cuisse du tatoueur.

-J'ai envie de t'expliquer, j'ai envie que tu saches... Mais ça fait longtemps que je n'ai pas raconté toute cette histoire, avoua-t-il en ravalant sa fierté.

Elle hocha la tête, acquiesçant sans toutefois le presser à continuer. Depuis leur rencontre, il avait été celui qui avait fait preuve de patience à de nombreuses reprises. C'était désormais son tour à elle, et elle était prête à l'attendre si c'était ce dont il avait besoin.

-C'est pas vraiment quelque chose que je raconte en fait, se reprit-il. Ma famille sait comment j'en suis arrivé là parce qu'ils ont tout suivi, pareil pour certains de mes amis que je connaissais déjà à l'époque comme Yannick ou Carrie. Et puis ceux qui sont arrivés après connaissent les grandes lignes parce qu'ils les ont entendus comme ça, vite fait, qu'ils ont compris quelques éléments au fur et à mesure. Je crois que la dernière fois que je me suis vraiment posé comme là pour expliquer les choses... ça devait être avec Zac, au tout début quand on s'est connu.

-Je sais pas pourquoi je pensais que vous aviez grandi ensemble avec Zac ...

-Non, en vrai on s'était déjà croisé avant, on était à l'école ensemble mais il a toujours été dans la classe en-dessous de moi. C'est quand j'ai arrêté de voyager partout et de faire du mannequinat, quand je suis rentré ici qu'on a vraiment fait connaissance. Ma sœur sortait avec Yannick à l'époque et Zac faisait parti du groupe de potes de Yannick. On s'est croisé en soirée la première fois, et on a bien sympathisé. Puis on s'est recroisé et un jour je lui ai demandé de l'aide, je savais qu'il tatouait et je voulais qu'il m'aide à compléter un tatouage. Ça s'est fait puis après on a commencé à vraiment être amis et non plus de simples potes, et il est venu travailler pour moi et ça a juste fortifié notre relation, expliqua doucement le jeune homme.