Tu M'appartiens!

Chapitre 56

Je n'ai jamais pensé que ce serait aussi douloureux. J'avais vu cette souffrance dans les yeux de Sasha mais jamais, je n'avais cru que cela me serait arrivé. Pourquoi fallait-il que je le perde le jour même où je l'avais enfin accepté? Je m'apprêtais pourtant à annoncer la bonne nouvelle à mes proches tandis que maintenant, je ne fais que pleurer.

Je rassemble mes derniers vêtements en me tenant les côtes, il faut dire que même après un mois, je ne m'en suis pas toujours remise. Le médecin m'avait prodigué tout un tas de conseils mais comment les suivre si je voulais mourir à petit feu? Je comptais boucler ma valise quand une ombre surgit près de moi.

-Laisse, je m'en charge.

-Roland, je vais y arriver, m'énervai-je.

Depuis mon réveil, ils m'ont tous traité comme une âme fragile. Je surprenais parfois ma mère à veiller sur moi la nuit en me lisant des histoires absurdes. Je n'ai pas revu mon frère et Sasha mais David m'avait fait comprendre que maman les avait éloignés de moi. Lucy et sa famille m'encadraient comme ils pouvaient mais cela n'avait pas pu diminuer ma peine.

-Je sais que je dois être pénible à tout le temps vouloir te faciliter la tâche mais je ne peux faire autrement. Je ne veux que ton bien.

Il a raison de se trouver pénible parce que j'ai eu droit à un Roland totalement différent à mon réveil dans ce lit d'hôpital. Entre quelques disputes entre maman et lui, elle avait fini par l'autoriser à me voir. Il avait même fait la paix avec David. Cependant le problème, c'est qu'aucun d'entre nous n'a eu le courage d'en parler. Le connaissant, je sais qu'il a préféré agir comme s'il n'avait jamais existé même si cela me réconforte un peu de ne pas avoir à affronter la réalité mais d'un autre côté, j'ai mal de le voir aller bien comme si j'étais la seule à avoir perdu ce bébé.

Je le laisse quand même boucler ma valise. Je le regarde la prendre avant de le suivre jusqu'aux escaliers. Une fois dans le salon, je souris en voyant tout ce petit monde qui m'attendait. Je dois avouer que je suis touchée.

-Vous m'attendiez parce que je vous ai mis en retard ou parce que vous vouliez vraiment me faire part de ce comité?

-Allez, soeurette! Arrête de bouder. J'espère sincèrement que *Les Arcadins* sont aussi magiques que le dit Roland sinon je ne vois pas d'où viendrait ce miracle qu'on espère tous depuis un mois, me dit Lucy en prenant le sac de Julia.

Pour me changer les idées, Roland avait eu l'idée de tous nous embarquer dans un voyage "paradisiaque". J'ai été étonnée d'apprendre que même nos mères seraient de la partie.

-Avance que je t'embrasse ma belle, me dit David.

Je vois Roland se raidir et prétexter sortir nos valises pour me laisser seule avec lui. Depuis ma sortie de l'hôpital, on avait préféré rester amis, il a pu récupérer sa bague parce qu'il semblerait qu'une confusion avait eu lieu de la part du médecin, le jour de mon admission. Il me serre dans ses bras en faisant attention à ne pas me faire mal.

-Tu vas me manquer et surtout envoie-moi des photos.

-Je n'y manquerai pas et s'il te plait, veille bien sur Fred et Sasha. Je m'en veux tellement. S'il n'y avait pas eu toute cette histoire, jamais ma mère ne se serait comportée de la sorte avec eux.

-Calme-toi, ma belle. Je pars à Paris et à mon retour, je m'assurerai qu'ils vont bien. Ne te culpabilise pas car rien de tout cela n'est de ta faute. On va dire que Fred avait franchi certaines limites et ta maman avait préféré l'arrêter puis, quant à Sasha, nous savons bien qu'elle ne l'aimait pas beaucoup, dit-il avec une petite grimace.

Je m'esclaffe devant son air moqueur  mais un râclement de gorge me ramène à la réalité. Roland m'attendait sagement près de la porte. C'est donc l'heure de partir. Le mini-bus de Lucy roulait devant nous avec les bagages tandis que tout le monde avait opté pour nous retrouver dans bus de la compagnie Jackson. Chacun avait tenu à contribuer activement dans ce voyage, ma mère, étant celle qu'elle est, avait imposé ses deux conditions, nous devons assurer le trajet avec le bus et le jet de la société. Elle n'appréciait pas l'idée de la première classe en avion et personne ne sait pourquoi d'ailleurs.

Entre les plaisanteries de Monica et les blagues de Julia, je m'efforce de garder la tête hors de l'eau mais je n'y arrive pas. Je repense à ma part de responsabilité dans la mort de mon enfant, Roland voulait seulement me parler du suicide de Camilla et comme une folle, je me suis précipitée sur cette maudite voiture. Je repense à la conversation que j'avais surprise, sur mon lit d'hôpital, entre sa mère et lui. Ils parlaient d'elle, malheureusement, je n'ai pas pu vraiment savoir de quoi il en retournait.

***

-Ma chérie, tu occuperas la chambre du rez-de-chaussée et pour les autres, veuillez me suivre s'il vous plait.

Tout le monde s'est mis à suivre Veronica, la mère de Roland à l'étage. Je restais un moment devant la chambre qu'elle venait de m'assigner en m'interrogeant sur ses critères de repartition.

-La porte ne va pas s'ouvrir toute seule, tu le sais au moins.

Je sursaute avant de feindre un petit sourire. Il vient vers moi et fait tourner la poignée. S'inclinant en une révérence, il m'invite à entrer avant de récupérer mes valises au sol.

-Elle est charmante! remarquai-je en faisant le tour des yeux.

-C'est la plus belle du domaine. Maman l'avait faite aménager en pensant qu'au moins une fois sur deux, sa future belle-fille et moi viendrions séjourner ici durant les vacances.

J'ai eu un léger mouvement de recul, ainsi sa mère avait agencé cette chambre dans l'attente d'une femme pour son fils?

-Mais pourquoi me l'a-t-elle laissée?
-Nul besoin de te faire un dessin, Nina.
-Roland, je...
-Je sais, tu n'es pas encore prête à me recevoir ta vie. J'avais compris et je serai patient.

Il me demande d'être prête dans une heure pour la visite des lieux avant de partir. Tout le monde sait que l'amour maternel peut dépasser l'entendement toutefois cela ne peut m'expliquer comment Veronica a-t-elle pu pardonner à son fils ses atrocités. J'avais vu la relation de ma mère avec Sasha se détériorer depuis la première tragédie, aucune d'entre elles n'a pu oublier.  Alors comment Veronica peut-elle continuer en dépit de la mort de ces deux êtres? Ne lui a-t-elle pas, ne serait-ce qu'une fois, rappelé que tout a été de sa faute?

Je m'assieds sur le lit et me surprends à me demander comment maman a-t-elle vécu la perte de son autre petit-fils? Elle n'en a jamais parlé non plus. Je soupire en regardant mon portable. Il me semble qu'il est temps pour moi de me remettre à la vie. Ils ont mis tout leur espoir dans ce voyage et je compte en profiter pour qu'ils me laissent au moins tranquille durant ce séjour. C'est avec ses dernières pensées que je m'allonge sur le lit, bien décidée à faire une petite sieste.

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*Les Arcadins: ce n'est autre qu'un lieu que j'ai voulu inventer , en m'inspirant d'un endroit en Haïti que j'ai voulu rendre exceptionnel.