Chapitre 4

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Je franchis fièrement le portail de sécurité en présentant mon badge à un des agents puis je me dirige vers mon espace de travail. Durant mon passage, j'ai attiré certains regards vers ma petite personne en raison de ma tenue. Fred n'avait peut-être pas tord finalement, j'attise même l'attention de ce gros bonhomme qui m'avait clairement ignoré hier quand je lui demandais le chemin de la cafétéria. Avec peu de chance, j'espère que mon superviseur sera tout aussi admiratif et deviendra plus indulgent envers moi. Après tout, ne faut-il pas toujours rêver pour ne pas mourir de chagrin?

Après avoir achevé le rapport qu'il m'avait envoyé la veille, je vais le lui rendre à son bureau. Cependant, j'étais loin de me douter que mon frère serait présent quand monsieur Laventure m'a autorisé à entrer. Fred se lève en me voyant et envoie un regard glacial à mon superviseur. Ils s'échangent un bref air de défi puis une poignée de main ensuite mon frère quitte le bureau en me saluant.

Déroutée voire même déstabilisée par la scène à laquelle je viens d'assister, je ne prends pas la peine de saluer monsieur Laventure que je l'interroge sur la visite de Fred.

-Pour affaires! De toute façon, cela ne vous concerne pas. Il est venu me faire une proposition que j'ai refusée. Si vous n'aviez que ça à faire, je dois travailler à présent, les Jackson sont trop importunants à mon goût.

Je siffle et dépose le dossier sur la table avec nonchalance. Il n'a sans doute pas remarqué qu'il pouvait être bien plus encombrant que tous les Jackson réunis. C'est bien l'hôpital qui se fout de la charité!

Monsieur a encore décidé de faire le grand patron en m'appelant alors que je me dirigeais vers la sortie.

-Ici, c'est une entreprise respectable. Quand il vous viendra à l'esprit de porter ce genre d'accoutrement à nouveau, dirigez-vous vers le bar au coin de la rue, les escortes de luxe y sont admises aussi.

Il me regarde de haut en bas puis se remet à son ordinateur.

-Votre mère et votre sœur doivent être heureuses alors, toutefois merci du conseil, je penserais à les rejoindre quand je serai au chômage, répliquai-je, vexée par ses propos.

Je déglutis en voyant son air se durcir et ses éclairs furieux sur moi, il s'apprêtait à ouvrir la bouche pour m'achever mais je ne lui laisse pas le temps en préférant la fuite.


Assise dans mon bureau, je repense aux récents propos de mon chef, ma tenue n'a rien de vulgaire autrement ma mère m'en aurait parlé ce matin quand on prenait le petit-déjeûner. Elle l'avait même complimenté, ce qui est rare.

La porte s'ouvre pour interrompre mes pensées, mon superviseur s'avance et s'assoit face à moi alors que je ne l'ai pas invité. Il cherche mon regard et le soutient après l'avoir trouvé. Quand il me regarde ainsi, j'ai l'impression d'avoir le jeune Roland devant moi, celui qui s'amusait à rire et à faire la fête avec sa bande et qui me souriait, me parlait lorsqu'il venait chez moi pour jouer ou pour voir mon frère. Je sens la température augmenter malgré la climatisation, je croise mes jambes et fais pression sur mes cuisses.

Pourquoi ne puis-je plus soutenir son regard? Pourquoi ai-je envie qu'il m'embrasse à l'instant? "Parce que tu es folle!"

Il continue de me déstabiliser, je pense qu'il a répéré ma gêne car il se met à me fixer plus intensément comme s'il voulait continuer à me torturer. Finalement, il me sourit et se laisse aller contre la chaise.

-Comment s'appelle votre petit-ami, mademoiselle Jackson?

Il aurait perdu la mémoire, apparemment. Je ne comprends pas son comportement, d'abord, il m'insulte et se met en colère ensuite il vient dans mon bureau en me souriant pour faire la conversation.

-Je n'en ai pas, monsieur.

-Voilà qui est dommage! Personne ne vous veut ou aviez-vous peur de vous engager?

-Ni l'un ni l'autre.

Son téléphone sonne à l'instant, je soupire de soulagement. Sans prendre le temps de présenter ses excuses, il quitte la pièce en répondant à son appel. Quant à moi, je me remets au travail lorsque mon téléphone sonne à son tour: il s'agit de Lucy. Sachant déjà le motif de son appel, je ne lui réponds pas, ceci fut vain car la connaissant, elle ne va pas me lâcher aussi facilement. Le portable se met maintenant à cartonner, furieuse, je le prends et le mets en mode silencieux.

-Un admirateur trop collant?

Je sursaute au son de sa voix, je ne l'ai pas entendu revenir. Il reprend place face à moi. Je décide alors de fermer l'appareil au lieu de me justifier auprès de lui. Je le dépose dans un tiroir.

Constatant mon silence face à sa question, il devient monsieur grognon:

- Si vous refusez de laisser vos problèmes de prétendant ou de votre ex devant la porte d'entrée du bâtiment, la prochaine fois, activez le mode silencieux, la sonnerie m'a littéralement tiré de mon bureau.

-D'accord monsieur.

Il fronce les sourcils puis me demande:

-Vous prenez quoi au déjeûner?

"Ce qu'il m'est possible de manger." Je lui réponds spontanément, trouvant ses questions de plus en plus étranges.

-Justement, c'est l'heure du déjeûner, allons voir ce qu'il vous sera possible de manger à la cafétéria.

Ecarquillant les yeux, je me surprends à me pincer. Que lui est-il arrivé?

-Ne faites pas cette tête, il ne s'agit que d'un simple déjeûner entre collègues, d'autant plus que Nathalie a annulé à la dernière minute et je déteste la solitude.

Il se lève sur ces mots. Comprenant finalement que je joue le rôle d'une réserviste, je le rejoins. Il me prend par la taille, ce qui me surprend, je me garde toutefois d'émettre un quelconque commentaire pour ne pas réveiller le méchant monsieur Laventure qui m'a blessée tout à l'heure. Nous nous dirigeons ainsi vers la cafétéria sous le regard étonné des autres employés.

Tu M'appartiens!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant