Tu M'appartiens!

Chapitre 58

-Ma chérie, que fais-tu ici?

-Je passais et comme par hasard, j'ai appris que tu devais me parler de quelque chose.

-Tu as du mal entendre, Veronica m'expliquait le fonctionnement de son domaine. Tu n'as aucune idée du travail qu'exige l'entretien de ce lieu.

-D'accord, je présume alors que tu as ressenti le besoin de crier pour exprimer ton admiration des lieux et pour mieux l'aider à tout gérer. Comme notre relation n'est pas assez solide, tu ne voyais pas l'intérêt de me tenir au courant que tu comptais rester ici.

Elle ne relève pas mon ton sarcastique et se déplace vers moi pour imposer son autorité. Veronica, quant à elle, ne s'est pas manifestée jusqu'à présent.

-Tu as l'air plus pâle qu'hier. Va te reposer maintenant. Plus tard, nous irons faire des courses.

-Maman, tu ne comptes vraiment pas me parler de ce que j'ai entendu?

-Patricia, puisqu'elle est là, autant lui raconter toute la vérité. Si elle la découvre d'une autre façon, ce sera toi la perdante. Tiens-tu vraiment à perdre sa confiance? essaie de proposer Veronica.

Ma mère se retourne pour lui faire face, hochant la tête de son fameux air de défi:

-Je ne te permets pas de t'immiscer entre les affaires de ma fille et moi. Tu n'as nul droit de prétendre savoir ce qui est juste pour nous. D'ailleurs, je te remercie de me laisser avec mon enfant. Va jouer à la maman parfaite avec le tien de préférence.

Veronica se retire sans émettre le moindre mot. Je n'ai pas aimé le ton qu'avait employé maman pour lui parler mais ça, je me garderai de le lui dire afin de découvrir ce qu'elle me cache. Je suis Veronica pour verrouiller la porte avant d'ordonner à ma mère de parler franchement.

-Tu te souviens de cette histoire avec Camilla, n'est-ce pas?

Je me contente de hocher la tête pour qu'elle poursuive.

-Il semblerait qu'on t'ait appris qu'elle était enceinte...

-Fred me l'avait dit, rectifiai-je.

-Cela revient au même! Cependant, il t'a menti sur l'autre aspect. Camilla ne s'était pas suicidée et Roland n'était pas le père de son enfant.

-Comment peux-tu le savoir?

-Nina, calme-toi! Je le sais parce qu'on s'était rencontré le jour de son accident.

-Que dis-tu?

-Assieds-toi, on a beaucoup de choses à se dire... Tu te rappelles de Paul, l'ami de ton frère? Il était à la soirée des fiançailles.

J'acquiesce.

-Il semblerait que Camilla et lui entretenaient une relation secrète, les choses ont un peu dérapé quand Paul a découvert que ton frère s'était allié à elle pour qu'elle amène Roland dans son lit à une soirée. Dans la querelle, on a su des semaines plus tard que Camilla était enceinte, ayant accusé le coup, Paul a demandé à faire un test pour prouver sa paternité parce qu'il ne lui faisait plus confiance. D'ailleurs, même ton frère avait douté, c'est pourquoi il était venu tout me raconter: de ses manigances jusqu'à la grossesse de Camilla.

Je suis choquée de découvrir que Camilla m'avait doublement trahie: d'abord, elle s'allie avec mon frère pour briser mes espoirs puis elle avait osé coucher avec celui que j'aimais pour ensuite m'envoyer des photos. J'ai fini par conclure qu'elle n'avait jamais été mon amie et si elle était encore vivante, je lui aurais craché toute ma colère au visage.

-Comme une adulte responsable, j'ai contacté Camilla qui m'a alors donné sa version des faits. Malheureusement, elle avait déjà déclaré à Roland que son enfant était de lui, alors Veronica a dû faire les suites nécessaires. Elle avait fini par m'accuser d'avoir piégé son fils. Pour dissiper les doutes, on a dû emmener Camilla chez le médecin qui a pu, à travers des examens, nous dire que la grossesse remontait à des semaines bien avant qu'elle ne couche avec Roland.

-Et la suite? Comment est-elle morte?

-Roland a été l'affronter, il l'a confrontée à ses mensonges. Elle m'avait téléphoné ce jour-là, elle pleurait tellement. Elle se maudissait de s'être mise dans cette situation. Je l'ai rencontrée dans un petit restaurant discret où nous avons planifié le reste. Elle devait voir Paul pour tout clarifier, malheureusement au retour, elle a eu son accident. Il semblerait qu'elle ait perdu le contrôle de son volant, elle avait été transportée à l'hôpital mais elle a succombé à ses blessures. Vu que ses parents ont cru qu'elle était sur la route pour acheter des antidépresseurs, nous avions préféré garder toute l'histoire pour nous.

-Si je crois bien à ton histoire, tout cela remonte avant la fin du lycée alors pourquoi n'étais-je pas au courant de tout ce qui se tramait?

-Tu étais bien trop occupée à aider ta sœur avec ses problèmes de famille que tu n'as pas remarqué la méchanceté de ton frère puis tu en voulais tellement à Camilla que tu avais commencé à sécher les cours pour ne plus la revoir sans te douter qu'elle était morte.

-Je ne comprends pas pourquoi tout a été mis sous silence. A leur cérémonie de diplômes, tout semblait pourtant normal. Vous m'aviez même dit qu'elle était à l'étranger.

-Camilla devait partir pour de bon car si quelqu'un venait à tout apprendre, nos noms seraient trainés dans la boue. Alors pour ne pas éveiller de soupçons, ils ont feint d'être toujours amis et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles Veronica insistait autant pour vous avoir sur les photos de son fils. Cela pourrait lui servir de preuves si les autorités venaient enquêter. Son fils ne devrait pas être le seul à payer, disait-elle.

Je me contente de tout assimiler puis sans piper mot, je me lève du fauteuil et sors de cette pièce. Beaucoup de choses viennent se bousculer encore une fois dans ma petite tête, je n'étais pas prête à acquérir ce flot d'informations. Je me maudis de n'avoir rien remarqué, je n'avais même pas vu que Camilla ne venait plus en cours parce que j'étais trop occupée à la détester. Je suis aussi monstrueuse que Fred. Je m'en veux de ne pas avoir été là pour elle lorsque mon frère l'avait mise dans ce pétrin. Je vais m'allonger sur le lit pour laisser éclater mes sanglots.

****

Je n'arrive toujours pas à croire que ma famille pouvait garder autant de secrets enfouis. Je n'arrive surtout pas à croire que ma mère avait pris part aux mauvaises actions de Fred alors que si cela avait été moi, elle ne les aurait jamais cautionnées. Je revis toutes ces fois quand elle m'avait tiré les oreilles pour une tâche mal accomplie ou encore quand elle critiquait mes choix vestimentaires pour m'imposer les siens.

Je devrais pourtant habiter dans ma nouvelle maison, celle que j'avais achetée pour vivre avec mon enfant, j'aurais été heureuse malgré tout mais là, c'est carrément le chaos dans mon esprit. L'idée d'appeler la décoratrice pour annuler la chambre d'enfant vient m'effleurer. Une vague vient me caresser les orteils, j'éclate de rire sous le comble de mes émotions. Je ne sais plus à quoi penser maintenant, je deviens carrément folle, j'essuie mes larmes tout en riant.

-Je vous remercie d'ajouter cette lumière au paysage que vous aviez terni avec vos larmes.

Je vois un grand brun me surplomber de toute sa hauteur, il portait des lunettes qui ne me laissaient pas distinguer ses yeux.

-Vous aviez pour habitude d'espionner les jeunes filles en détresse?

-Non, seulement les plus belles. Je suis Harry, me dit-il en me présentant une main.

-Vous devriez vous baisser un peu si vous espérez que je vous la rende.

Il me sourit et s'asseoit près de moi en m'offrant sa main. Je la prends en lui souriant:

-Enchantée Harry, je suis Nina.

-Alors petite sirène, vous êtes sortie de l'eau pour mieux envouter les hommes par votre rire?

-Un point pour vous.

Il éclate de rire. Nous nous mettons à évoquer l'histoire de Sybil dans le "Journal d'un vampire" lorsque nous fûmes interrompus:

-Je vois que vous aviez déjà fait connaissance.