Chapitre 32 : Dépasser ses limites

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J'achève la dernière traction avec les bras qui tremblent avant de me laisser tomber par terre, essoufflée. 

Derek: C'était pas trop mal mais ça reste vraiment peu. On va enchaîner avec les abdominaux. Assis toi en face de moi.

Stiles jette un œil inquiet au téléphone qu'il tient dans les mains.

Stiles: Elle peut même pas se reposer 2 minutes?

Peter tourne la tête vers lui en le regardant par en dessous ce qui a pour effet de mettre définitivement fin aux remarques de mon meilleur ami. Énervée par la tournure que prend cet entrainement, je fais ce que Derek me dit de faire et il s'accroupit en face de moi pour me maintenir les genoux.

Derek: On va commencer par une série de vingt.

Je trouve encore l'énergie de répondre entre mes dents.

Moi: Tu veux me faire payer d'avoir taxé ton Nutella, avoue.

Derek a un sourire en coin. Heureusement, Stiles est trop loin pour m'avoir entendue mais Peter retient lui aussi un rictus amusé. Je commence l'exercice. Je préfère celui là que les tractions, c'est quand même plus accessible. Mais au bout de la moitié, le même manège se reproduit.

Peter: On va te planter sorcière. Que les flammes fondent ta chair. Que tes entrailles repartent en enfer.

Derek: C'est poétique.

Peter: Hum.

Le verbe planter me fait aussitôt ressentir la lame dans mon ventre lorsque Pierre voulait m'offrir en sacrifice. Je grimace pendant que je monte et je descends encore, les mains de Derek sur mes genoux. Mais l'évocation des flammes détourne juste assez ma concentration pour que je perde le rythme de ma respiration. 

Encore deux montées-descentes. J'entends le portable en train de lancer des alertes entre les mains de Stiles. 

Peter: Fille de Satan.

Les casseroles dans la cuisine ouverte se décrochent du mur et certains ustensiles glissent des plans de travail pour se jeter sur le sol dans un fracas assourdissant. Stiles sursaute et manque de laisser tomber le smartphone. Peter me fixe avec intensité. 

Derek: Plus que trois Mel, concentre toi!

Comment peut-on insulter quelqu'un de la sorte? Comment peut-on me comparer au Diable? Qu'est ce que je leur ai fait à ces gens? Je ne les connais même pas! J'achève la série et me laisse aller contre le sol, la respiration affolée. Derek me lâche les genoux et se relève.

Derek: Tu as 30 secondes pour te reprendre. Si ton pouls n'est pas assez descendu, on refait une autre série. Sinon, on passe à l'exercice suivant.

Stiles ne peut s'empêcher d'intervenir de nouveau.

Stiles: Attendez c'est pas logique! Si son pouls bat vite c'est qu'elle est encore fatiguée!

Peter soupire si fort qu'on l'entend grogner vers la fin.

Peter: Si tu l'ouvres encore Stiles, ton propre pouls ne sera plus un soucis pour nous tous. 

Stiles s'enfonce dans le canapé. 

Stiles: Scott va me tuer...

Pendant ce temps je fixe le plafond en essayant de me calmer. D'habitude je récupère vite mais ce soir cela ne marche pas. L'effort conjugué à la tension mentale continuent de m'abrutir d'adrénaline. Au bout de 30 secondes, les tabourets hauts et la table basse tremblent encore sur leurs pieds comme si ils étaient soumis à un mini séisme.

Derek: Bon, on recommence.

Je me remets en position assise les mains croisées derrière la tête en serrant les dents. Je n'ai jamais été du genre à me plaindre sous l'effort, ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer. Mais Derek ricanne en souriant.

Derek: Non. On reprend à partir des tractions.

Un grondement bien humain s'échappe de ma gorge mais on dirait un chat en colère. Je dois m'y reprendre à deux fois pour attraper la barre.

Derek: Cette fois tu en fais 15.

Une minuscule once de désespoir s'insinue dans ma tête. Déjà que j'ai eu du mal à arriver jusqu'à 10 toute à l'heure alors 15!

Peter: Le bûcher est déjà prêt. La lame de cérémonie appelle le sang. Les gens comme toi doivent mourir.

Pendant que je fais mes tractions mon souffle devient de plus en plus saccadé. Cette fois, ce sont les vitres qui commencent à trembler et menacent de se briser. Stiles siffle d'appréhension en regardant la baie vitrée au fond de la pièce. Mais Peter continue sans s'arrêter.

Peter: Meurt sorcière.

Dans un élan de lucidité à ma cinquième traction, je me demande pourquoi ces mots me font autant d'effet. Parce qu'ils me rappellent mon traumatisme de début d'année? Parce qu'ils sont terriblement injustes? Ou simplement parce qu'ils sortent de la bouche de Peter? Plus il parle et plus j'ai l'impression d'être seule, terriblement seule. À la septième traction, c'est à peine si j'arrive à me soulever de quelques centimètres. J'ai beau essayer d'aspirer de l'air mais rien n'entre dans mes poumons. Mes mains sont moites et tout le reste de mon corps trempé de sueur. Quand Derek parle, j'ai l'impression qu'il le fait à travers un oreiller et que le son me parvient de très loin.

Derek: Allez Mel! On n'a pas toute la nuit!

Une de mes mains glisse sur la barre de métal. Il me faut de l'air. Vite. Au fond de la pièce, Stiles se lève  d'un bond et jette le portable sur le canapé alors qu'il s'est mis à émettre une alarme stridente.

Stiles: Elle fait une crise de panique! Il faut la descendre!

Peter se lève d'un bond lui aussi .

Les vitres de la baie vitrée qui occupe tout un mur du loft se fendillent les unes après les autres. Je devrais lâcher la barre mais ma main reste crispée dessus. Une sorcière. Je suis une sorcière et on veut me brûler pour cela. On veut me jeter vivante dans les flammes comme si on me renvoyait aux enfers. Comme si j'y tenais l'origine de mes pouvoirs. La haine envers moi et si forte qu'elle en devient écœurante. Elle se repent comme une maladie, un cancer qui atteindrait toutes les personnes autour de moi.

Dans un dernier effort, je coupe ma respiration anarchique et attrape de nouveau la barre à deux mains. 

Une maladie ça se soigne.

Je décide que je ne me laisserai pas abattre ni terroriser par cette nouvelle menace.

Tout en me hissant sur la barre pour continuer la série de tractions, je grogne entre mes dents.

Moi: Une fille de Satan hein? Il vont apprendre à me craindre dans ce cas!

Les vitres cessent de se fendiller et plus rien ne bouge de manière magique dans la pièce. Sur le canapé, l'application mobile de Peter indique que mon rythme cardiaque redescend. Au bout d'une minute, c'est Derek qui est obligé de m'arrêter.

Derek: C'est bon Mel, t'as dépassé les vingt tractions...

Je me laisse tomber par terre et je reprends ma respiration en posant mon front contre le sol frais. J'ai la tête qui tourne mais une nouvelle euphorie s'empare de moi: celle d'avoir surpassé mes limites. Stiles soupire en mettant ses mains sur ses genoux comme si il venait de courir un sprint. 

Stiles: YES! T'as réussi!

Peter froisse dans ses mains le papier qu'il était en train de lire mais il n'a pas le temps de le jeter à la poubelle qu'il prend feu dans ses doigts. Surpris, il le laisse tomber sur le sol et me regarde. Je tourne la tête vers lui et le fixe de mes yeux violets.

Moi: Plus jamais.

Peter me fait un clin d'oeil.

Peter: Plus besoin.




Mélissandre Heartwood T2 : Le sabbat des sorcièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant