Affectation, nom de code et rencard

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Cela faisait déjà une demi-heure que William attendait dans la cuisine. Les larmes avaient fini par cesser de couler, mais les interrogations continuaient de tourner dans sa tête. Avec ce qu'il avait appris, il n'envisageait pas de reprendre sa vie d'avant. Il était accro à l'adrénaline, à n'en pas douter, et il s'était engagé pour de mauvaises raisons. Mais son sens moral avait vite pris le dessus, et il se sentait utile dans son métier. Mais cela ne lui suffisait plus depuis quelque temps déjà. Il voulait en faire plus, et il en avait peut-être la possibilité. Mais de savoir que ce n'était pas lui qui déciderait de son avenir le minait. Il alluma sa septième cigarette, en envisageant de plus en plus de vider la cave à vins dans l'évier de la cuisine, pour ne plus jamais être tenté. Il voulait reprendre sa vie en mains.
Il ouvrit l'immense frigo, et prit deux bouteilles de vin. Brisant leurs goulots sur l'évier, il commença à vider les bouteilles, quand un raclement de gorge se fit entendre. Dans le même mouvement, il lâcha les bouteilles, se retourna et dégaina son pistolet automatique et son couteau, pour se retrouver face à la Team Patriot.
<< _ Et bien, t'es du genre stressé, toi.
Mutating avait les bras en l'air, mais le sourire aux lèvres.
_ Disons plutôt que je suis toujours sur mes gardes. Désolé...
_ Voudrais-tu bien ranger tes armes, nous avons à parler.
William rengaina, tout en scrutant le Chevalier Liberté, essayant de lire une réponse sur son visage.
_ Les nouvelles sont si mauvaises que ça ?
_ Assoyons-nous. Il reste de la pizza ?
_ J'ai tout mangé ce week-end. Je vous fais des pâtes ?
_ Non, tu t'assois. Moi je fais des pâtes. C'est moi, le majordome. Stephan, parle-lui.
Tandis que Monsieur Diggs prit une grosse casserole, le reste des protagonistes s'assirent autour de la grande table en chêne de la cuisine. William s'assit en bout-de-table, et fixa ses mains qu'il posa à plat sur le bois, dans l'espoir d'apaiser ses tremblements. Mais ce fut la main d'Alice sur les siennes qui le calma. Il la regarda, et ils se sourirent, puis il reporta son attention sur Stephan.
_ Alors, le verdict ?
_ Tu n'as pas de pouvoir, aussi ne pouvons-nous pas t'envoyer en première ligne. Pour l'instant. Mais nous avons besoin d'un pilote de génie pour le transport et le soutien aérien. Nous avons aussi besoin d'un tacticien, et de quelqu'un habitué à former et entraîner une équipe. Et nous pensons que tu as toutes les compétences, et connaissances, pour ce poste.
_ le pilotage reste à travailler, quand même.
_ Merci Erik. Bref, si tu l'acceptes, nous souhaiterions que tu nous rejoignes dans l'équipe.
_ Histoire que mon financement soit justifié ?
_ Ou parce que tu as vraiment le potentiel. Alors ?
William sourit, et ses yeux devinrent rouges.
_ Bien sûr que j'accepte. Je n'allais quand même pas rester assis devant ma console de jeux, un coca à la main, pendant que vous alliez bastonner.
_ Bien. Maintenant, il va te falloir un nom de code, tu le sais ?
_ Sérieux ? Pourquoi ? Je ne suis pas un héro.
_ Eh bien, maintenant si. Même si c'est juste en pilotant un ADAV, tu intègres officiellement l'équipe, il est normal que tu aies ton nom de code. Et ton uniforme.
Un sourire carnassier se dessina sur le visage du militaire.
_ J'ai déjà un uniforme, et avec trois euros d'investissement, ce sera parfait.
_ Trois euros ? Pour acheter quoi ?
_ Une bande patronymique, avec mon nom de code dessus.
_ Parce que tu as déjà choisi ? Vends-nous du rêve.
_ Souris, Adrien, mais tu connais la différence entre un soldat et un militaire ?
Le jeune homme resta figé, la bouche ouverte.
_ C'est bien ce que je pensais. Quelqu'un peut me répondre ?
Stephan leva la main, ainsi que Monsieur Diggs, ce qui ne surprit pas William. S'il savait que le majordome avait été militaire sous les ordres de son père, il restait persuadé que Stephan avait un passif dans l'Armée. D'ailleurs, vu son âge, il avait dû faire son service militaire, tout comme Alain.
_ Vas-y, Stephan, éclaire ce métamorphe irrespectueux.
_ Un militaire sert sa carrière, un soldat sert son pays.
_ Ouais, et un barman sert un demi !
_ Putain, ta gueule Adrien ! Tu ne respectes donc rien ? Fermes donc ta putain de gueule, gros con !
_ Calme-toi, frangin. Il est comme ça, on n'y peut rien. Certains naissent avec les yeux bleus, lui est née con. On n'y peut rien.
_ Allez vous faire foutre.
_ Fermez-la. Juste, fermez-la. Puisque je dois vous superviser, vous entraîner et vous coacher, je vais vous enseigner la cohésion, que vous le vouliez ou non. Alors maintenant, je vais finir mon explication, même si un petit rigolo a pété l'ambiance et l'effet. Un militaire est un carriériste, un soldat est un combattant. Je serais donc Soldat ! Enfin, si vous êtes d'accord...
Il vit plusieurs têtes hocher et acquiescer, et Adrien semblait perdu dans ses pensées, cherchant à comprendre le sens profond de la révélation de William. Quand il pensa avoir tout saisi, il leva le pouce en l'air avec un grand sourire.
_ Ça claque !
_ Alors à table.
Le majordome arrivait avec les pattes, et tout le monde entreprit de mettre la table. Ils passèrent un repas agréable, parlant de tout et de rien, blaguant et rigolant. Stephan et Monsieur Diggs firent même des blagues, ce qui surprit agréablement le nouveau chef d'équipe. Il se dit que ce devrait être ça, un repas en familles. Et quand Alice lui fit du pied, il sourit sans rougir. La seule chose qui lui manquait était cette bouteille de vin hors de portée. Il la fixait de temps en temps avec envie, mais parvenait à en détacher son regard avec l'aide de toute sa volonté. Vers quatorze heures, le repas prit fin. William aida à débarrasser la table, puis s'assit sur le parvis du manoir, avant de s'allumer une cigarette. Il expira sa première bouffée par les narines, puis entama un décompte, de cinq à zéro. Et c'est à cet instant précis qu'Alice posa une main sur son épaule.
_ Tu comptais quoi ?
_ Ton arrivée.
_ Tu es sérieux ?
_ Oui.
_ Je suis si prévisible que ça ?
Faisant la moue, elle s'assit à côté de lui.
_ Non, pas sur tout. Par exemple, je n'arrive pas à deviner quand tu voudras payer ta dette de ce matin.
_ Le restaurant, ou le nettoyage des ADAV et de l'écurie ?
_ Les deux.
_ Je comptais commencer le nettoyage demain, parce que je suis certaine que tu commenceras les entretiens individuels cet après-midi. Je me trompe ?
_ En effet, c'est ce que j'avais prévu.
_ Bien, mais alors débrouille-toi pour être dans ton plus beau costume ce soir à dix-neuf heures, d'accord ?
William haussa un sourcil, un sourire s'étirant sur son visage.
_ Tu m'autorises la tenue de sortie de l'armée ? Mon costume n'est pas vraiment propre...
_ Tant que tu es beau comme un camion, ça me va. À ce soir, chef.
Elle se leva et rentra dans la demeure, percutant presque le majordome au passage.
_ Ha, Monsieur Diggs, vous tombez à pic !
_ Je peux faire quelque chose pour toi ?
_ Oh oui... Deux choses, en fait. Vous touchez votre bille en repassage ?
Le quinquagénaire haussa un sourcil, surpris, puis regarda son smoking parfaitement repassé. William sourit.
_ J'aurais besoin que vous me prépariez ma tenue terre de France pour ce soir, je dois être prêt à dix-neuf heures. Elle est dans une housse dans ma chambre, aile ouest, deuxième étage.
_ Votre TDF ? Pourquoi ?
_ J'ai... Un rencard...
_ Pas avec mademoiselle...
_ Si.
_ Ho... J'espère qu'il n'en sortira rien de mal. Ni pour elle ni pour toi... Ni pour l'équipe...
_ Je l'espère aussi... Je peux vous demander autre chose ? Pourriez-vous dire à Stephan que je souhaiterais le voir en salle de réunion dans cinq minutes, s'il vous plait ?
_ Bien sûr. Je peux te poser une question ?
_ Je la devine.
_ Pourquoi pas la chambre de ton père ?
_ Je le savais. Justement parce que c'est la chambre de mon père.
_ Y es-tu entré, au moins.
_ Oh oui... Je ne me suis jamais senti aussi espionné... Mais ça m'a fait chaud au cœur, de voir qu'il ne m'avait jamais quitté des yeux.
_ Il a fait plus que ça. Il a intercédé en ta faveur auprès de l'Armée. Pour que tu aies ton poste, et surement aussi pour que tu sois le dépositaire du savoir mortel qui te permettrait de tuer tous les membres de la Team Patriot. J'en suis persuadé.
_ Je commence à le croire aussi. Je pense même qu'il avait tout prévu depuis le début. Je me sens manipulé...
_ As-tu trouvé sa lettre ?
_ Oui. Mais je n'y ai pas touché. Je ne me sens pas prêt pour ça...
_ Tu viens de vivre une expérience bizarre, traumatisante et surement blessante aussi. Laisses le temps à tes plaies de cicatriser, d'accord ? Quand tu seras prêt, tu la liras.
_ Et comment je saurais que je suis prêt ?
Le majordome sourit, fit demi-tour et partie à son repassage.
_ Tu le sauras. Je préviens Stephan, puis je vais repasser. Fais ce que tu as à faire, Soldat. >>

Team Patriot 1 - HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant