L'ancien peloton

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Sortant de la voiture, William réalisa que si la voiture avait attiré l'attention, Alice attirait aussi beaucoup de regards. La convoitise se lisait dans beaucoup d'yeux, des femmes désireuses de posséder le même physique, et beaucoup d'hommes désirant la posséder tout court. Il ne put s'empêcher de se sentir un peu jaloux, et il la saisit par la taille.
Il y avait un attroupement devant l'entrée du bowling-billard-jungle laser de Rambouillet, et William reconnu tout de suite les voix. Contournant le troupeau avec Alice à son bras, il se dirigea vers le videur.
<< _ Mais putain, on vient là tous les lundis.
_ Calmez-vous monsieur, crier ne changera rien à la situation. Quand on est aussi nombreux, il faut réserver.
_ Mais c'est réservé. Ils ne le savent simplement pas.
La voix de William portait quand il haussait le ton, et ce soir il choisit de se faire entendre.
_ J'ai une réservation pour une quarantaine de personnes tous les lundis jusqu'à la fin de l'année.
Le groupe se retourna à l'unisson, et tous crièrent de joie, tandis qu'il se mit face au videur.
_ Au nom d'Arcus.
Le vigile regarda sa liste puis s'écarta de l'entrée. Sans se retourner, William, qui tenait toujours Alice par la taille, fit signe à son peloton de le suivre et se dirigea vers la caisse. Le patron le reconnut et sourit, tandis que son adjoint commençait à sortir les boules et les queues de billard. Il se retourna alors, toisa ses hommes, puis s'exprima.
_ On a toute la salle, comme tous les lundis. Servez-vous !
Sous les acclamations de ses hommes, il emprunta les escaliers, accompagnant Alice aux billards. Une fois à l'étage, il posa sa veste de costume sur un tabouret de bar, à côté d'une table, et tandis l'autre tabouret à Alice. Elle s'y assit en croisant les jambes, dévoilant sa jambe droite. Une lourde main s'abattit sur l'épaule du soldat. Se retournant, il fit face à un homme blond, trapu, à la mâchoire carrée et court sur pattes, dons les favorites mangeaient le plus gros des joues.
_ Ça fait plaisir de vous revoir Mon Lieutenant.
_ Moi aussi, Chef Vasquez.
_ Quand on a appris votre mutation express, vendredi matin, ça nous a tous fait un sacré choc. Rien ne nous avait préparé à ça...
_ À moi aussi.
_ Je parie que c'est le Capitaine Durand ! Ce connard a toujours essayé de tirer le mérite à lui. Dans quel bureau merdique vous a-t-il muté ?
_ Ce n'est pas lui le fautif. Et je ne peux pas dire que je me suis retrouvé dans un bureau merdique. Je gère une équipe plus petite, mais très dynamique.
_ Et cette charmante créature, c'est qui ?
_ Une de mes nouvelles collègues. Je vous présente Alice.
Ils se firent la bise, et l'homme huma son parfum.
_ Enchanté, mademoiselle. J'aime beaucoup votre parfum. Il me rappelle quelque chose.
_ Ange ou démon, le secret, de Cacharel.
_ Il vous va à ravir, mademoiselle.
_ Appelez-moi Alice.
_ Appelez-moi quand vous voulez.
Et alors qu'ils rigolaient comme des bossus, le reste du peloton arriva avec les queues et les boules de billard. Leur faisant face, il les laissa tous poser leurs affaires, et attendit en silence qu'ils se rassemblent spontanément autour d'Alice, du Chef et de lui-même. Puis il ouvrit les bras.
_ Mesdames, messieurs, soldats de tous grades, mes amis, mes frères d'arme et de sang. Comme vous l'avez constaté, je ne suis malheureusement plus des vôtres au peloton. Mais je ne vous ai pas oublié. Vous êtes tous gravés dans ma mémoire à jamais. J'ignore qui est mon remplaçant, mais j'espère que vous lui avez fait un bon accueil. Le must serait même que vous l'ayez invité ce soir avec vous.
Une main se lève dans l'assemblée.
_ Présent et dans les rangs !
_ Parfait. Nous pourrons discuter autour de la table de billard. Maintenant, si vous vous rappelez le camp de la Courtine, l'hiver dernier, j'ai une vieille dette à payer. Le 1re Classe Marmot étant le plus jeune du peloton, il va prendre vos commandes. C'est ma tournée générale !
Une ovation se fit dans les rangs, mais il les appela au calme d'un mouvement de main.
_ Peloton, garde-à-vous !
D'un seul homme, tous se figèrent dans la position réglementaire.
_ Rompez les rangs !
Marmot cria, suivi des autres qui lui répondirent en cœur.
_ Par Darwin !
_ Vive l'évolution !
Puis le peloton salua de la tête, et les hommes se dirigèrent vers le jeune Marmot, pour passer commande. Fendant la foule, un jeune homme s'approcha de William. Arrivé à bonne distance, il le salua, et Will lui rendit son salut.
_ Lieutenant Martin, au rapport.
_ Repos. Nous sommes entre collègues après tout.
_ Je n'ai pas cette prétention. De même que je ne prétends pas être votre remplaçant. Vous êtes irremplaçable. Je ne suis que votre successeur.
_ Irremplaçable, voyez-vous ça... Je présume que ce n'est pas le Capitaine Durand qui vous a dit ça...
_ En effet. Il était plutôt ravi de vous voir partir. C'est vos hommes qui me l'ont fait comprendre.
_ Gagnez leur respect, et faites-vous aimer d'eux, et ce sera officiellement vos hommes.
Le Chef Vasquez se permit d'intervenir.
_ Ho, mais il y travaille.
_ Vous l'avez déjà chahuté ?
_ En fait, je lui ai dit que personne ne l'écouterait tant qu'il n'aurait pas fait ses preuves.
_ Et ?
_ Il a tombé le béret et s'est approché de moi. Je me suis réveillé un quart d'heure plus tard... Personne n'a rien vu venir. Et pour cause...
_ Je suis télépathe, je l'ai sonné mentalement. Alors avant que vous me demandiez pourquoi j'ai choisi le treillis comme uniforme, quand j'aurais pu porter quelque chose de plus héroïque, c'est simple : mes pouvoirs peuvent être utiles dans cette profession. Je ne les ai jamais cachés, tout le temps de l'école des officiers, et j'ai eu ce poste sans soucis.
_ Ça se comprend. Je vous préviens, si vous voulez que votre carrière décolle, laissez le Capitaine tirer la couverture à lui. Il aime ça.
_ C'est noté. Puis-je proposer que le Chef et moi vous défiions, votre petite amie et vous ?
William tourna la tête vers Alice, et cette dernière avait les yeux baissés et les joues rouges.
_ Ce n'est pas ma...
_ Avec plaisir.
Alice avait rejoint William et avait posé ses mains sur les épaules du jeune homme.
_ On va vous mettre la pâté.
Vasquez regarda la jeune femme, mi — surpris mi — interloqué. Ils mirent les boules en place, et Marmot vint prendre les commandes. Trois bières et une sangria. Ils commencèrent à jouer, et Alice se défendait plutôt bien. Les parties s'enchaînèrent, le score se tenait, et l'alcool coulait à flots. Au bout de deux heures, Alice s'éclipsa pour aller aux toilettes, suivie par les cinq autres femmes du peloton. Vasquez et Martin se tournèrent immédiatement vers William.
_ Alors là, mon salop !
_ Chef !
_ Laissez, Martin. Entre nous, on se tutoie. Et nous devrions en faire autant tous les deux. Tu voulais dire, Yves ?
_ Tu viens ici en compagnie d'Étincelle ! Nom d'un chacal !
_ Non, ce n'est pas elle.
_ « Ange ou démon, le secret, de Cacharel », et « On va vous mettre la pâté ». Crois-moi, quand une nana me fait du bouche-à-bouche après que j'ai pris une rafale plasmique dans la gueule, je me souviens de son parfum, et de sa première réplique envers les criminels qui couraient vers nous. Sans parler de son décolleté.
_ Et elle dégage des ondes cérébrales de pyromancienne.
_ Oui, bon, c'est bien elle. Mais vous devez garder le secret. Jurez-le-moi.
_ Juré.
Le Chef Vasquez le fixa.
_ Jure-le !
_ Juré. Donc, ta nouvelle affectation, c'est la Team Patriot ?
_ C'est mon héritage. Mon père l'a créé, et il est mort. Dans son testament, j'en hérite. Et je suis franchement perdu...
_ Veinard. Non seulement tu gères la Team Patriot, mais en plus tu sors avec Étincelle !
_ Yves, on ne sort pas ensemble.
_ Pas encore. Mais elle a l'air pas mal accroc. Vous vous connaissez que depuis vendredi ? Don Juan, va !
_ Chut chut chut !!! Elle revient !
Et tandis que William prenait sa choppe pour la finir à grandes gorgées, Alice passa derrière lui en lui pinçant une fesse. Alors qu'il manqua de recracher sa bière par le nez, elle se saisit de la queue de billard, et se prépara à jouer, le corps penché en avant, le décolleté révélant sa magnifique poitrine tandis que la robe galbait ses fesses. Le billard était vide, mis à part la boule blanche et la boule noire, à faire rentrer en une bande. Alice visa et frappa. La boule blanche frappa la noire, qui rebondit contre une bande avant de s'arrêter au bord d'un trou. Alice toussa, et la boule noire tomba. Elle fixa William, et lui fit un clin d'œil. Une étincelle discrète venait de leur donner la victoire.
_ Et bien, messieurs, on dirait bien que nous avons gagné ! Quelle était la mise ?
_ Il n'y en avait pas.
_ Dommage. La prochaine fois, on intéressera la partie. Allez, Will, on se rentre ?
Elle se pencha vers lui, minaudant comme une chatte. Yves sourit, se retenant de rire, tandis que Will rougit et que les hommes de son peloton se mirent à siffler.
_ Oh oui... Oui, on... On y va. Messieurs, ce fut un plaisir de vous revoir. Ce soir, c'est moi qui paie. Pour la semaine prochaine, n'oubliez pas que c'est réservé à mon nom. Allez, au revoir à tous !
Il régla la note tandis qu'Alice fit chauffer le moteur. Il la rejoignit dans la Ferrari, et ils partirent sur les chapeaux de roues.
_ Ils sont sympas, tes collègues.
_ Anciens collègues.
_ Ho, ne t'en fais pas, tu continueras à travailler avec eux, puisque la Team Patriot travaille avec eux. Que t'inspires ton successeur ?
_ C'est un télépathe, et il me semble fier de tenir ce poste. Maintenant, y sera-t-il efficace, je n'en sais rien, mais je l'espère. Tu leur as plu, tu sais ?
_ Ah oui ? Et toi ?
_ Il a fallu du temps pour qu'ils m'acceptent.
_ Idiot. Je t'ai plu, à toi ?
_ Oui. Tu as été ravissante et séduisante. Le duo auquel j'ai du mal à résister.
_ Je ne t'ai pas trop allumé ?
_ On aurait dit que tu étais vraiment très amoureuse. Et un peu en rute, aussi... Mais ça m'a bien émoustillé, pour rester poli. Je ne pensais pas dire ça, mais... Si tu avais envie de... Tu vois ce que je veux dire... Boire un dernier verre, tout ça...
_ T'as un bar dans ta suite ? D'ailleurs, tu as bu ce soir. Je croyais que tu arrêtais ?
_ Une bière...
_ D'un litre... Je veux bien venir boire un dernier verre, si tu marches aux sodas. Si nous devons avoir une relation, si tu veux qu'elle soit sérieuse, soigne-toi. Ce n'est pas négociable.
Le regard de la jeune femme se fit dur, mais ça ne suffit pas à cacher sa peur. William posa sa main sur la cuisse nue de la jeune femme.
_ Promis. Juré. Alors, tu montes boire un verre ?
_ D'accord. >>
Un grand sourire illumina le visage de l'héroïne, tandis que William croisa les bras derrière la tête.

Team Patriot 1 - HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant