Dîner romantique

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Lorsque l'ascenseur s'ouvrit, William tomba sur le majordome qui l'attendait, un cintre avec costume sous housse à la main. Le soldat fixa le cintre, réalisant qu'il ne s'agissait pas de sa tenue militaire. Il regarda autour de monsieur Diggs et vit son sac à dos d'intervention par terre, à côté d'un sac plus petit. Haussant un sourcil, il fixa l'homme en face de lui, espérant une explication.
<< _ Je suis allé t'acheter ce costume. Et je l'ai déjà retaillé. Il devrait t'aller sans problèmes.
William le regarda, surpris.
_ Dans ton sac d'intervention se trouvent aussi ton uniforme et ton armement.
William était bouche bée.
_ En préventif. Si nous venions à avoir un incident dans la soirée, et que vous deviez revenir en urgence. Au moins, vous auriez eu le temps de vous changer. L'autre sac, c'est au cas où vous passeriez une nuit à l'hôtel. Il y a dedans tes rangers, des affaires de rechange, une trousse de toilette, et même des préservatifs. Sait-on jamais.
_ À ce point ?
_ Sait-on jamais.
_ Je pense que tous autant que vous êtes, vous mésestimez nos intentions...
_ Si tu le dis.
_ Et donc le costume ?
_ Noir, classique. Chemise blanche, cravate noire. Tes lunettes de soleil seront du plus bel effet avec.
_ Je ne sais pas faire un nœud de cravate.
_ Je te le ferais. Un double, comme ton père me l'a appris. Et je te l'apprendrais aussi. À la douche, maintenant. >>
Le majordome sortit une télécommande de sa poche et activa la chaîne hi-fi, qui se mit à chanter « Fat Bottom Girl ». Encore du Queens. William laissa un petit rire s'échapper tandis que Monsieur Diggs lui fit un clin d'œil en lui indiquant la salle de bain d'un geste de la main. Prenant le chemin qui lui était indiqué, il commença à se déshabiller, laissant ses affaires par terre. Se glissant dans la cabine de douche, il vit du coin de l'œil le vieil homme accrocher le cintre à la poignée de la porte et ramasser les vêtements par terre. Puis la buée lui boucha la vue.
Quand il en sortit, une serviette et des sous-vêtements l'attendaient sur le lavabo. Il se sécha et les enfila, puis alla prendre son costume. L'enfilant, il constata qu'en effet, tout était à sa mesure. Lorsqu'il fut en pantalon et chemise, monsieur Diggs vint le voir, cravate à la main, et commença à la lui nouer autour du cou. Quand William fut habillé et chaussé, le vieil homme le regarda des pieds à la tête.
<< _ Tu ressembles à ton père au même âge. En moins bien rasé, peut-être.
_ Et en plus beau aussi.
_ Sans parler de ta modestie naturelle. Allez beau gosse, ton rencart devrait bientôt venir te chercher. Dépêche-toi.
Alors que William allait quitter sa chambre, Monsieur Diggs le rappela. Il lui jeta deux boites en métal, son téléphone portable et une oreillette Bluetooth.
_ Un porte-cartes/porte-billets, une boite à cigarette, même si je t'ai mit une cartouche dans ton sac, ton portable et ton oreillette. Dans la poche intérieure droite de ta veste se trouvent ton briquet et ton coin. Les boites peuvent donc aller dans la poche intérieure gauche. Ton code, pour ta nouvelle carte de crédit, est le 1418. Bonne soirée, William. Prends soin de toi.
_ Merci Monsieur Diggs. Bonne soirée à vous aussi.
Le soldat dut se retenir de courir, se disant que si Alice l'attendait dans le hall d'entrée, il aurait l'air idiot. Mais ce ne fut pas elle qui l'attendait. La Team Patriot au grand complet, moins le majordome et la belle Alice. Ils y allèrent tous de leurs blagues stupides et de leurs conseils avisés, avant de l'encourager. Il eut beau leur expliquer que ce n'était qu'un dîner, ils semblaient tous croire que ce soir serait le grand soir du non-couple. Dehors, un moteur rugit et un coup de klaxon retentit. Le carrosse était avancé. Sous les applaudissements de son équipe, William quitta la bâtisse. Dehors, devant le parvis, accoudée au capot de la Ferrari, Alice, avec une magnifique coiffure, et visiblement un décolleté profond.
_ Allez, monte. Comme je t'invite, je conduis. En selle.
William sourit, et se dirigea vers la voiture. Ouvrant la portière, il s'assit à côté d'elle, ferma sa portière et la regarda, tandis qu'elle guidait la voiture vers la sortie de la propriété. Une magnifique robe noire mettait en valeur son corps. Le décolleté n'était pas si plongeant que ça, juste ce qu'il fallait. Et une fente dans le tissu laissait voir sa jambe droite pratiquement jusqu'à sa hanche. Il fit courir son regard jusqu'à ses pieds, et vit qu'elle ne portait ni bas ni collants, mais que ses chaussures à talons étaient lacées autour de sa cheville et de son mollet. Et au vu de la taille du talon, il allait galber les jambes et ses fesses d'une délicieuse façon. L'esprit de William se mit à vagabonder tout en fixant la jambe, et Alice le remarqua.
_ Soit tu touches, soit tu ne regardes pas, mais fais quelque chose. Tu ressembles à un pervers, là.
_ Désolé.
William se ressaisit, rougissant.
_ Tu es sublime, en tout cas. Où allons-nous ?
_ Dans un délicieux restaurant. Tu connais l'Abbaye des Vaux de Cernay ?
_ De nom seulement. Il parait qu'on y mange bien.
_ Un régal, tu vas adorer.
Alice alluma la radio, et tandis qu'un léger fond tente de mettre une ambiance un peu plus décontractée, William et Alice fixèrent la route.

Le directeur de salle les fit s'asseoir à une table, et William fut surpris. Il pensait qu'ils mangeraient en tête à tête, mais il se retrouva à la droite de la jeune femme, tandis que les deux autres chaises étaient retirées. Les cartes leur furent apportées, et celle de William n'avait pas de prix.
_ Ce n'est pas à la femme d'avoir une carte muette, normalement ?
_ Si, sauf quand c'est la femme qui t'invite, gros macho.
_ Forcément, présenté comme ça...
Ils prirent le temps de commander leur repas. Entrée, hors-d'œuvre, plat principal, fromage et dessert. Puis le sommelier vint leur proposer la carte des vins. Alice choisit son vin en connaisseuse, ce qui surprit le sommelier qui s'adressait à William. Leur table commençait à attirer les regards de tout le monde, employés comme clients, parce qu'ils allaient à l'encontre des conventions, et William commençait à se sentir mal à l'aise. D'autant plus que ce monde n'était pas le sien. Les entrées furent servies Et le sommelier remplissait le verre des clients dès qu'ils étaient vides. Il y avait même une femme responsable du pain, et une autre pour lisser la nappe.
_ Tu n'as pas l'habitude, pas vrai ?
_ Toi si ?
_ Non, mais je m'adapte vite. Le repas te plait ?
_ Les entrées étaient délicieuses, et le vin est un régal. J'ignorais que tu étais douée en œnologie.
_ D'un autre côté, tu ne sais pas grand-chose sur moi.
_ Je sais que tu es une héroïne, et que tu rêves du grand amour. Je sais aussi que tu conduis une Ferrari comme peu de personnes. Et enfin, après t'avoir vu dans ta robe, je sais que tu es très attirante.
_ Parce que tu en doutais ?
Le haussement de sourcil qui se dessina sur son visage contribua à rendre le tableau sublime. Son cou gracieux se perdait derrière des Anglaises dont le roux scintillait à la lumière des bougies et du soleil couchant.
_ Bien sûr que non. Mais il y a des choses que j'aime qu'on me montre plusieurs fois.
_ Gourmand ?
William sourit tandis que les hors-d'œuvre étaient débarrassés, et que leur plat principal était sorti des cloches. Ils mangèrent leur repas tout en se dévorant du regard et en parlant.
_ Et maintenant que ta situation va mieux, tu vas essayer de te remettre avec ta femme ?
Manquant de s'étouffer, William fit passer son morceau de viande avec un verre de vin, puis regarda la jeune femme. Tête baissée, visiblement triste, elle refusait de le regarder.
_ Pourquoi cette question ?
_ Et bien, maintenant tu as une vie merveilleuse à lui offrir. Un boulot sans contraintes réelles, une luxueuse maison, un compte en banque bien garni. Le rêve.
_ Elle s'est remariée y a six mois, et son nouveau mari et elle attendent leur premier enfant. Je pense que ce n'est pas vraiment le genre de message qu'on envoie quand on a envie de se remettre ensemble, non ?
_ Effectivement. Mais... Tu aurais aimé ?
_ Non. Nous n'avons pas réussi notre mariage, mais au moins, nous avons réussi notre séparation. Je peux voir mes enfants quand je le souhaite, et je ne vais pas m'en plaindre.
_ Tu l'aimes encore ?
_ Elle aura toujours une place à part dans mon cœur.
Voyant qu'Alice tournait la tête, il reprit immédiatement.
_ Forcement qu'elle aura toujours une place à part dans mon cœur. C'est ma première femme, ma première ex-femme, mais surtout, c'est la mère de mes enfants. Ça crée au moins une affection, une tendresse. Enfin, je ne sais pas comment t'expliquer ça...
_ Mais tu te sens disponible émotionnellement ?
_ Oui.
_ En clair, tu tiens à elle, mais sans l'aimer.
_ Voilà !
_ D'accord. T'as connu beaucoup de femmes, avant elle ?
_ Non. Elle a été la première... Et pour anticiper toutes questions, jusqu'ici elle a aussi été la dernière...
_ Dur... Je peux être très indiscrète ?
_ Au stade où nous en sommes... Vas-y.
_ Ça fait combien de temps que tu n'as pas... ? Enfin, tu vois ?
_ Non.
Alice se mit à chuchoter.
_ Ça fait combien de temps que tu n'as pas tiré un coup ?
William la regarda, surprit.
_ Depuis la conception de ma fille. Et elle a six ans.
_ Ça fait long, ça. Ça doit te démanger un peu, non ?
Retenant un rire, William finit son plat en répondant.
_ Pire que ça, je pense que je ne sais même plus comment on fait.
Ils rirent tous les deux tandis que leur table était débarrassée. Le chariot de fromage leur fut présenté, mais ils n'en prirent pas. Leurs desserts allaient donc être préparés.
_ Mais je ne doute pas que la prochaine femme qui aura la lourde tâche de me dépuceler à nouveau se fera une joie de refaire mon éducation. Et toi ?
_ Moi ? Je n'ai jamais couché avec aucune femme, je te remercie.
_ Même pas Armelle ?
_ Même pas. Je ne suis pas son genre.
_ Comment tu le sais ?
_ J'ai voulu essayer, pour voir si ça me plairait. Il n'y a pas de mal.
_ En effet. Mais ce que je voulais savoir, à la base, c'est si tu avais déjà été mariée ou fiancée, ou un truc du genre.
_ Fiancée, une fois.
_ Ha ? Pourquoi ça n'a pas fonctionné ?
_ Ses pouvoirs se sont déclenchés.
_ Ho... C'est qui ?
_ Ghetto Blaster...
_ Le mec qui balance des rafales soniques ?
_ Oui, Ghetto Blaster...
_ Tu as couché avec ça ? Alors là, chapeau... J'ignorais que tu étais une aventurière...
_ Hey ! Il n'était pas comme ça avant. C'est notre séparation, ça l'a déprimé, et il s'est rabattu sur la bouffe...
_ Si tu le dis... Et la dernière fois que tu as... Tu vois ce que je veux dire ?
_ Avec un homme, un sex-toy ou ma main ?
_ Comme tu veux.
_ Vendredi soir, avec mon canard vibrant.
_ Gourmande.
Leurs desserts leur furent servis, et ils les avalèrent en un temps record. Ils ne prirent pas de café, et Alice régla l'addition, tandis que d'une poignée de main William laissa un pourboire généreux au directeur de salle. Alors qu'Alice quitta la salle d'un déhanchement volontairement exagéré, William se surprit encore à avoir des pensées obscènes. Arrivés au petit salon, ils échangèrent un regard.
_ Tu te sens à ta place, ici ?
_ Non, et toi ?
_ Pas plus. Tu voudrais qu'on aille ailleurs ?
_ Il y a un endroit dans lequel j'aime me rendre, mais je dois te prévenir. Un lundi, à cette heure-ci, ce sera plein des hommes de mon ancien peloton.
_ Vraiment ? Alors qu'est-ce qu'on attend ? Je suis sûr qu'ils ont plein d'anecdotes à me raconter sur toi ! En route ! >>
Et c'est bras dessus bras dessous qu'ils quittèrent l'abbaye des Vaux de Cernay pour prendre la direction de Rambouillet.

Team Patriot 1 - HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant