Mise au point

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Tous étaient assis autour de l'immense table dans le QG souterrain. Jacques avait toujours les mains attachées dans le dos, et ses yeux étaient rivés sur ses chaussures. Personne, excepté ceux qui avaient assisté à la scène, ne comprenait ce qu'il se passait. William, l'air sombre, gardait son poing fermé devant sa bouche. Le regard de Stephan allait de Jacques à William, puis à Alice, avant de recommencer à scruter Speedo.
<< _ laisse-moi deviner. Speedo t'a agressé parce que tu as couché avec Alice ?
_ Nous n'avons pas couché ensemble...
La réponse d'Alice n'était qu'un murmure, mais tout le monde l'avait entendue. William répondit d'une voix forte, mais sombre.
_ Peu importe ce qu'il s'est passé avant. Peu importe les raisons de son acte. D'ailleurs, je ne lui en tiens pas rigueur. Je pense que j'aurais pu faire pareil. La raison pour laquelle je vous ai convoqué est différente... Comment expliquez-vous qu'un humain parvienne à mettre KO un méta humain ?
Personne ne répondit, tandis que Jacques rougit de honte. William se leva et alla jusqu'à lui pour le détacher. Ce dernier se frotta les poignets, laissant échapper un faible « merci », sans relever la tête. William reprit la parole en retournant à sa place.
_ Lily, explique-leur les principes du judo, s'il te plait.
Lily-Rose le regarda, perplexe, puis se racla la gorge.
_ Pour faire simple, le judo utilise la force de l'adversaire pour le vaincre. De même que la lutte, par exemple. Mais là, c'était plus une étude des faiblesses de l'adversaire. Tu as su le prendre par surprise, sur une situation à laquelle il ne s'attendait pas. Il n'a simplement pas su comment réagir ensuite. Ce qui t'a laissé le temps d'effectuer ta clé de bras, puis ton étranglement sanguin. Belle maîtrise.
_ Merci. Ce ne sont pas des arts martiaux. Enfin si, mais pas vraiment. Le TIOR, technique d'intervention opérationnelle rapprochée. Et même si Jacques m'avait clairement sonné, j'ai eu le temps de récupérer juste assez pour voir la faille. Le reste n'a été qu'instinctif.
_ Tu comptes te vanter de m'avoir vaincu encore longtemps ?
_ Je ne me vante pas. Je vous présente un problème important.
_ Et je pense avoir compris lequel.
_ Moi aussi.
Stephan et Monsieur Diggs se regardèrent. Une fois encore, ils s'étaient compris d'un regard. La complicité entre ces deux hommes surprit William.
_ Tu penses qu'un homme entraîné pourrait nous défaire, n'est-ce pas ?
William acquiesça du chef, et la voix d'Erik, pleine d'assurance, retentit, vite suivie de celle d'Adrien, pleine de frime.
_ Ça ne pourrait pas se produire avec moi.
_ Ni avec moi.
William leva un sourcil, puis quitta sa chaise.
_ Je ne m'amuserais à défier ni Flexi-Kick ni Chevalier Liberté. Je ne défierais même pas Monsieur Diggs. Mais vous deux, je veux bien vous montrer. À qui l'honneur ?
Le soldat se tenait bras écartés, attendant, sûr de lui. En un éclair, Golgoth se leva de sa chaise et se rua sur lui en lançant son poing droit. Sa force de frappe lui permettait d'enfoncer un char d'assaut, le soldat allait apprendre à voler. Mais le poing n'atteint jamais sa cible. William, décalant sa tête, saisit l'avant-bras du géant de ses deux mains, et pivota, entraînant le corps de son ennemi dans une torsion qui ne lui laissa d'autre choix que de chuter en avant. Sans l'avoir lâché, William se laissa tomber sur son adversaire et lui fit une autre clé de bras. Erik essaya de se débattre, mais la douleur fut telle qu'il comprit vite qu'il devait être docile, sous peine de se faire briser la clavicule. Étendant le bras gauche, il frappa trois fois au sol, signe de réédition. William le relâcha et se releva, puis fixa Mutating en le pointant du doigt.
_ Au suivant.
Adrien se raidit.
_ Non, c'est bon... Je te fais confiance...
Tous rigolèrent, tandis qu'Erik mit une grande tape dans le dos de William, qui manqua de s'effondrer.
_ Tu es brillant ! Il faudra nous apprendre tout ça !
_ Non, pas moi.
Ils le regardèrent tous, surpris. Les abandonnait-il ?
_ Je pense que Stephan, Monsieur Diggs et Lilly sont plus aptes que moi à vous apprendre ces choses-là. Disons deux heures tous les soirs.
Alain se racla la gorge.
_ Tu sais, William, ton père a toujours respecté nos vies privées. Mais là, tu les ignores. Nous sommes des super héros, mais pas tes soldats. Continue à essayer d'entraver nos libertés, et nous quitterons l'équipe. C'est ça que tu cherches ?
L'équipe se mit à murmurer son approbation, et William resta bouche bée. Son regard se porta sur Stephan, cherchant son aide. Ce dernier fit oui de la tête et se leva.
_ Hier, William m'a parlé d'un projet. Un grand projet. Un projet immobilier. Je pense qu'il est temps que tu leur en touches deux mots.
Tous regardèrent Stephan, puis William. Même le Majordome semblait intrigué.
_ Bien... Comme vous le savez, le terrain ici est immense. Et il faut que vous puissiez vous entraîner beaucoup plus, sans pour autant négliger vos familles, vos emplois, vos études et vos passions. Alors j'ai eu l'idée de déboiser certaines parcelles de terrain. Le but étant d'y construire des maisons pour vous, ainsi qu'un foyer pour sans-abris, un gymnase pour l'équipe nationale de gym et, pourquoi pas, la branche artistique de la fac de Saint-Quentin en Yvelines. Ce projet sera peut-être le plus difficile à réaliser, mais ça doit être faisable. Qu'en pensez-vous ?
_ J'en pense que ça va te coûter un bras, et au moins deux ans, mais que ça doit être faisable.
Monsieur Diggs avait l'air de réfléchir à ce qu'il devrait faire pour faire aboutir ce projet.
_ Oui, au moins deux ans pour voir tous les bâtiments sortir du sol. Peut-être plus pour que l'université accepte de déplacer une branche de son enseignement dans une enceinte privée. Mais ce n'est pas impossible. Dois-je m'y atteler de suite ?
_ Ça peut attendre la fin de la réunion, je dirais. Alain, Isa. Qu'en pensez-vous ?
Le couple se consulta du regard, puis fixa William. Alain s'exprima.
_ Non. Cela ne nous intéresse pas. Nous n'avons déjà pas accepté ma mère à la maison, nous ne vivrons pas ici.
Isabelle renchérit.
_ Comprends-nous bien. Outre les risques d'être démasqués en regroupant autant de choses ici, nous tenons à notre liberté, et à notre indépendance. Pourquoi vivrions-nous tous ensemble ? Nous ne sommes pas de la même famille, après tout. Nous ne sommes que des collègues.
William se raidit, et tous le virent.
_ Que des collègues ? Stephan, tu es bien le parrain de leur fils aîné ?
_ Oui.
_ Erik, tu es bien le parrain de leur fille cadette ?
_ Oui, bien sûr...
_ Givre, Animan. Vous aviez bien dit que Monsieur Diggs, parce qu'il gardait vos enfants quand c'était nécessaire, était un excellent tonton ?
_ Oui, mais...
William coupa Isabelle sèchement.
_ Mais vous n'êtes pas en famille ? Très bien. J'en prends bonne note. La cohésion ne vous dit rien, alors que vous passez votre temps libre et vos missions ensemble, normal. Je vais donc vous laisser vous démerder avec la gestion de votre temps entre les loisirs, la famille et le travail. Et quand l'un d'entre vous mourra au combat, vous vous débrouillerez encore pour sa famille ! Bordel, vous ne vous êtes même pas vraiment concertés ! Vous n'avez même pas demandé à vos enfants ! Ils en ont peut-être marre, eux, d'être loin de chez vous, ou loin de vous ! Putain d'égoïstes ! Je veux mon petit confort, payer un crédit et des impôts, parce que comme ça, je peux dire que je suis chez moi !
Stephan intervint.
_ Tu ne crois pas que tu t'enflammes un peu ?
_ Tu veux que je m'enflamme ? Vous voulez tous que je m'enflamme ? OK, alors je vais m'enflammer juste pour vous ! Si vous voulez, je peux même devenir un immonde connard ! Je pourrais par exemple vous faire remarquer que les locaux, les moyens, le fric qui vous font vivre sont à moi maintenant ! Et que si je le souhaite, vous pourriez tous aller vous faire enculer ! Au lieu de ça je m'investis pour vous ! Allez vous faire mettre ! >>
Sur ce, William se retourna et quitta la salle, alors que Stephan l'appelait. Le vétéran regarda Alice, et elle le comprit immédiatement. Elle se leva à son tour et partit en courant derrière le soldat.

Team Patriot 1 - HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant