Chapitre 6. Soirée Ratée

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« On sait, on sait qu'ça va être naze, mais on sort quand même
On fait la même chose toutes les semaines
Tout, tout, tout, tout c'qu'on ramène à la maison c'est des problèmes »

Mon frère discute depuis de longues minutes avec un groupe de filles qui « adorent ce qu'il fait ». Il est clairement dans son élément quand il doit parler de ses passions. Je reste pour ma part avec Amir, nous avons beau ne pas nous apprécier, dans ce contexte, appartenir à la même famille et être mal à l'aise dans cette ambiance à la fois ultra bobo et super guindée nous rapproche énormément.

— La meuf, là-bas, je lui fais en indiquant une fille en robe bleue marine, Elle veut ton corps.

Amir jette un regard dans sa direction, la fille rougit aussitôt et fait mine d'être absorbée par une discussion.

— Bof, répond-il, Je suis pas un gros fan des petites duchesses. Elles veulent s'amuser un peu avec des gars malpolis, et puis elles ramènent un Stanislas ou un Charles-Henri de mon cul à leur daron quand il faut se marier.

C'est une vision très raccourcie, mais bon, Amir aime bien mettre les gens dans des cases. C'est tout à fait son genre de penser comme ça.

— Parce que tu veux te marier toi ? je lui demande, Tu peux juste la soulever ce soir, tu t'en branles du mec qu'elle ramènera à son père.

Elle jette encore un regard dans notre direction, c'est fou comme ce mec attire les filles. Je pense que c'est cette attitude nonchalante et cette dualité permanente entre son côté gosse de riche et son côté racaille.

— Ouais, je verrai si j'ai envie. Viens on bouge, elle me gave avec son regard affamé là.

Il me pousse dans la pièce voisine et récupère une bouteille de whisky au passage. Amir sait faire honneur à ses gênes d'alcoolique.

— Naël n'a pas invité Jade ? je demande en me rendant soudain compte de son absence.

En même temps, une gamine de quatorze ans au milieu de tous ces jeunes fraichement majeurs, qui débattent sur Le Capital de Marx ou sur le sujet de l'épreuve de philo de leur dernier concours...

— Si, répond Amir, Mais... elle n'a pas voulu venir. Je peux pas trop t'expliquer...

— Elle le kiffe depuis qu'elle a douze ans.

L'adolescent écarquille les yeux.

— Comment tu le sais ?

C'est fou ce que les garçons peuvent être aveugles quand il s'agit de sentiments. Vraiment. Le crush de Jade sur Naël est aussi évident que le fait que ce ne soit pas réciproque.

— Oh je t'en prie Amir, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Elle déprime depuis qu'il a une copine.

Il a l'air vexé, Jade a dû lui confier ça comme si c'était un secret et il avait l'impression de savoir quelque chose que tout le monde ignore.

— Tu l'aimes bien Jade ?

Après tout, peut-être qu'il est en kiffe sur elle.

— Bah ouais. Elle est hnina. On s'entend bien.

Je lui adresse un petit haussement de sourcils.

— Roh mais non pas comme ça. C'est une bonne pote.

Pour une fois je n'ai pas envie de faire chier Amir. La plupart des gens ici me regardent de travers, je préfère rester avec lui. Ça me donne un peu la sensation d'être avec Ilyes. Il me manque.

— Toi tu kiffes Naël ? me demande soudainement le garçon.

S'il y a bien un truc que je déteste chez les jumeaux Akrour, ce sont leurs yeux. Toujours l'impression d'être passée aux rayons X. C'est insupportable.

Ce qu'on laisse à nos mômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant