Ce qu'on laisse à nos mômes

Chapitre 14. Reuf

"C'est pour mes frères et sœurs d'une autre mère
On a acquis le statut d'famille
Mon reuf a toujours couvert mes arrières
J'continuerai de mentir à sa petite amie
Ma mère peut l'engueuler comme si c'était son fils
S'il s'tape, je vais sauter d'office dans la mêlée
Même si mes habits coûtent cher, c'est la même
Même si c'est lui qu'a cherché la merde
C'est vrai qu'il est pas réaliste, j'ai les boules de le voir
Décevoir ses rents-pa et perdre son temps"

Hakim me laisse entrer sans rien dire dans la maison et après avoir rapidement embrassé Nejma et Maya, je file à l'étage.

Ilyes m'ouvre la porte, la mine un peu sombre.

— Ah. Tu te rappelles que j'existe, grogne-t-il.

Je ne réponds pas et lui saute au cou. Il reste raide un premier temps, puis je le sens progressivement se détendre, puis sa grande main tapote mon dos.

— T'as retrouvé ton Sneazz, t'es contente ?

Hochant la tête je le serre un peu plus fort. C'est triste à dire, mais je crois que j'aime plus Ilyes que mon propre frère.

— Tu comptes me lâcher à un moment donné ou pas ?

Comme je ne bouge pas il repousse mes épaules pour me dévisager. Ses prunelles polaires me passent aux rayons X, j'ai l'habitude mais c'est toujours désagréable.

— Qu'est-ce que t'as.

— Tu m'as manqué.

Il hausse un sourcil à la fois étonné et un poil moqueur. Comme s'il avait la sensation que je n'étais pas très honnête.

— Tu m'as évité toute la semaine, viens pas dire après que je te manque.

Ilyes est très rancunier, c'est l'un de ses gros défauts, il est capable de ressortir des trucs qui datent de plusieurs années quand il se prend la tête avec quelqu'un. On ajoute ça au fait qu'il soit extrêmement fier et têtu... Ça donne des réconciliations extrêmement compliquées.

— Mais c'était vraiment particulier cette semaine... J'étais tout le temps à l'hôpital. C'était pas contre toi.

— Ah ouais, et mon zinc tu pouvais le voir cette nuit lui, là y'avait pas de question d'hôpital. Sah depuis que t'es allée chez eux t'as changé. Avant on passait tout notre temps ensemble, t'étais de mon côté. Maintenant tu passes ton temps avec l'autre pédé de Naël, j'ai Berthier qui me dit que "je devrais prendre exemple sur tes efforts au lycée", tu m'attends plus à la sortie... Tu sors plus. Là je suis sûr que t'es venue parce que t'avais personne d'autre avec qui passer ta soirée et que t'avais pas envie d'être seule.

Ah oui, il est vraiment fâché contre moi.

J'avoue l'avoir un peu fui depuis que j'ai embrassé son frère. Mais parce que j'étais mal à l'aise, pas parce que je ne voulais pas le voir.

— Il faut que je t'avoue quelque chose...

— Quoi ?

Deux solutions, soit il n'en aura rien à foutre et il va comprendre pourquoi j'ai agi bizarrement, soit il va m'en vouloir à mort. Mais bon, autant être honnête.

— Après l'anniversaire de Naël, je suis venue ici, Amir et moi on était bourrés et t'étais pas là. Alors il a dormi avec moi. Et... on s'est embrassés. J'étais mal à l'aise depuis, je savais pas comment te le dire, ni même si je devais t'en parler.

Ilyes bug pendant quelques secondes. Retire sa casquette, recoiffe d'un geste de main ses cheveux courts, la remet, le tout en me dévisageant comme s'il me voyait pour la première fois.