Bonus #8 Jade

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Hier après-midi. J'errais sur les réseaux dans l'espoir de trouver une réponse à la question qui me ronge depuis quelques mois. C'est stupide. Ne faites pas cela. Je suis tombée sur un compte Instagram partageant des échanges de messages entre amoureux.

Prise d'une fièvre curieuse, je me suis mise à les parcourir les uns après les autres. De nombreuses fois mon corps a vibré tandis que je découvrais la puissance de certains sentiments traduits par quelques mots bien choisis. Et je me suis demandée quelle était la dernière fois où un message d'Ilyes m'avait mise dans un tel état.

Étant à distance l'un de l'autre, la plupart de nos conversations se font par sms, j'ai donc remonté nos échanges et senti une drôle d'aigreur emplir mon œsophage.

« Tu finis à quelle heure » « Je t'appelle ce soir » « J'ai regardé les horaires de train je serai là vers 22h vendredi » « Peux pas te répondre chu au stade avec Nabil » « Dsl j'étais au foot ». Et au milieu de toutes ces informations sans aucune saveur ni la moindre importance, quelques « Tu me manques » de ma part auxquels de simples « Viens à Paris » répondaient.

C'étaient donc ça les messages d'un couple installé depuis six ans ?

J'ai regardé à nouveau les messages sur Instagram, réalisant que ces gens vivaient pour la plupart les prémices d'une histoire d'amour, ces moments où tout est plus fort, où le moindre mot peut avoir un écho colossal, où le simple fait d'effleurer la main de l'autre donne l'impression de se liquéfier.


Dans ces moments, on a peur de se disputer, parce qu'on a peur que l'autre nous en veuille, et ne veuille plus de nous, on redoute encore de le blesser. Désormais, nous n'avons plus peur, peut-être pas assez. Les disputes composent 70% du temps que nous passons ensemble. Quand nous sommes loin l'un de l'autre, j'ai envie de le voir et pourtant je le redoute, parce que je sais à quel point je serai fatiguée en revenant.

Ilyes dormait à côté de moi quand j'ai fait ce constat, j'ai réalisé que c'était le seul moment du week-end où je n'avais pas besoin d'être seule, où sa présence m'était vraiment agréable.

Je me suis demandée quand j'étais tombée amoureuse de lui pour la dernière fois. Quand son regard m'avait fait chavirer et bégayer pendant quelques secondes. L'été dernier peut-être, pendant le voyage en Égypte pour l'enterrement de son grand-père qu'il n'a jamais vu vivant. Nous avions passé trois jours tous les deux à visiter Le Caire et, j'ignore si c'était dû à la découverte d'une partie de ses racines, mais jamais Ilyes ne s'était ouvert de la sorte avec moi.

J'y ai repensé hier après-midi. J'ai tenté de me raccrocher aux souvenirs de ces douces soirées égyptiennes durant lesquelles je m'émerveillais en l'écoutant parler, à ce que j'ai ressenti lorsqu'au détour d'une conversation, il m'a révélé qu'il ne pouvait s'imaginer faire sa vie avec quelqu'un d'autre que moi.

Mais comment peut-on faire notre vie ensemble si aucun de nous n'est prêt à sacrifier ce qu'il a construit loin de l'autre ?


Et loin de moi l'idée de le blâmer, grâce à Mathieu, grâce à son travail acharné, grâce à son père, Ilyes est aujourd'hui arrivé là où personne ne l'attendait.

Si seulement Paris ne me rendait pas si triste.

Vivre en ville, dans une ville aussi grande, m'étouffe. Je ne rêve jamais que de montagnes brûlées par le soleil, d'horizons où ciel et mer se confondent, de terrasses chaudes où l'on discute très tard le soir, de réveils dans la lumière tamisée des persiennes. C'est comme si mon corps réclamait le Sud par tous ses pores dès l'instant où je reste plus d'une semaine au-dessus de Valence.

Ce qu'on laisse à nos mômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant