Chapitre 4. Dix Leurres

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« Maman, j'fais plus d'études, j'suis dans le tiekson
J'suis dealeur, j'suis dealeur
Chérie, phone pas les stups, j'suis dans bail bre-som
J'suis dealeur, j'suis dealeur
De bonne famille, là d'où je viens, la vie m'laisse sur la faim
Je prends des risques, fais des chiffres, shit brun
Personne me tient la main, j'ai plus d'cash, plus rien
J'ai si peur, j'ai si peur »

Quand je traverse le lycée pour aller dans ma classe, je sens pas mal de regards se fixer sur moi, des murmures aussi. "C'est le boug qui a défoncé Moussa pour la nouvelle prof bonne". Je me contente de répondre par quelques regards genre "Tu veux quoi toi ?".

Pendant le premier cours, l'ambiance est vraiment chelou, une sorte de démangeaison collective de parler de tout ça, mais tout le monde se contente de se regarder en chien de faïence. Moussa est pas là, forcément il a été viré directement. Mon cas est encore étudié.

Ça se poursuit de la même manière toute la matinée, les gens m'évitent sauf mes trois potes qui s'en battent royalement les couilles apparement.

— Ils t'ont dit quoi les keufs ? me demande Cheikh alors qu'on sort pour déjeuner.

— Walou, réponds-je, Ils ont pris ma déposition, il m'ont vite fait dit que c'était plus intelligent de les appeler plutôt que de faire justice soi même. J'ai dit que je m'en battais les couilles de la justice, j'en avais juste ras le cul de cette histoire avec la prof.

Il hoche la tête, on se pose dans un coin pour fumer un spliff, je lui fille sa maille.

— Tu flippes pas que Moussa se venge, zahma il demande à ses gars de se ramener et ils te défoncent la gueule ?

Je lui réponds par un mouvement de bouche vers le bas. Non je flippe pas. Je me suis renseigné un peu sur Moussa, sah c'est un pauvre gars. Il vit tout seul avec sa daronne, une putain de crackhead. Il enchaine les bahuts de merde et les problèmes. J'ai bien conscience d'avoir beaucoup plus de chance que lui. Le pire truc que j'ai vécu dans ma vie c'est d'entendre ma mère chialer le soir, alors qu'elle faisait semblant d'aller parfaitement bien toute la journée.

— Bon, fait Cheikh, J'ai un gros truc à te proposer.

Il m'explique alors que vu les ventes que je fais à Paul Bert, faudrait que j'étende le truc aussi aux lycées privés du 14. Il me file plus de came, j'en vends plus, plus de blé pour nous deux.

*****

C'est à partir de cette semaine là que j'ai commencé à sécher régulièrement pour bicrave un peu partout. Très vite, avec Cheikh, on a commencé à se faire masse d'oseille. J'ai intégré son réseau et ça marche vraiment bien.

Je sais vraiment pas pourquoi je fais ça, peut-être pour l'adrénaline que ça me fout, les transactions rapides, éviter les condés, courir quand on entend une sirène. Ça marche à fond. Je dépense rien, je continue de tout planquer, parce qu'on sait jamais.

En plus Cheikh compte grave sur moi pour niquer les mères des gars qui jouent pas le jeu, il a vu comment je me battais. D'ailleurs maintenant les cons du lycée me respectent à mort. À croire qu'il suffisait que je hagar un des mecs les plus violents pour être tranquille. La prof de français est en arrêt depuis trois semaines, c'est un mec qui l'a remplacée.

Je ne vois plus Nabil et Antho qu'au foot, c'est con, on est potes depuis qu'on a sept piges, mais je sens qu'ils me jugent. Nabil m'a clairement dit que j'avais trop changé, il comprend pas pourquoi je deal alors que j'ai pas besoin de fric. Sah par rapport à lui je me sens un peu mal. Ses parents ont pas du tout de thune, et même lui il bibi pas. La dernière fois j'ai essayé de foutre cent balles dans son sac de foot. Mais la semaine suivante, il me les a redonnées en me disant qu'il était pas question qu'il accepte ce genre d'argent sale. Pourtant Nabil fume tout le temps, c'est fou que ce soit lui qui me juge le plus.

Ce qu'on laisse à nos mômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant