Chapitre 18. L'art et la manière

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"Belek c'est facile, on peut t'effacer
J'ai la mif à rincer, le reste je m'en bats les couilles
Comme ôter la vie d'un insecte
En vrai la vie c'est qu'un essai
J'prendrai les armes s'il faut sauver mes marmots
En vrai la vie c'est qu'un essai"

Je viens de finir de tout avouer. Ma daronne est pâle comme un linge, mais pas de peur. La colère dans son regard ferait flipper n'importe qui.

Mon daron lui, n'a pas desserré les dents depuis que j'ai commencé à parler.

J'attends que la tempête me tombe dessus, mais elle vient pas.

Puis soudain mon père se lève. Il se fout juste en face de moi et me fixe de longues secondes avant de lâcher :

— T'as compris maintenant ?

Je hoche la tête. Oui j'ai compris.

— On va régler ça, répond-il, Prends tes affaires on descend. Tu rentres à la maison. 

J'obéis sur le champ et je l'entends échanger quelques mots avec Deen et Vio. Je crois qu'ils lui disent de pas faire de folie.

Ce qui me surprend le plus, c'est que ma daronne a toujours rien dit. C'est pas son genre de rester silencieuse.

Quand je ressors de « ma » chambre, la première chose qui me perturbe c'est le regard de Vio, on dirait qu'elle a pas envie que je parte.

Mais c'est pas ici chez moi.

Deen dit rien, mais il me donne une brève tape dans l'épaule.

J'ai envie de leur dire de se détendre, c'est pas comme si je partais à l'autre bout du monde.

— Fais gaffe à toi, gamin.

Putain Vio est au bord des larmes. Sah c'est ouf, on se voit tout le temps. C'est vraiment ridicule d'être mal parce que je pars.

Alors pourquoi j'ai mal au cœur ?

— Faites pas cette tête...

Mon regard se pose vite fait sur les photos de famille et des gosses sur les murs du salon. J'étais bien ici, quand même. 

Vraiment c'est idiot d'avoir ce sentiment.

— Ilyes, dépêche toi de dire au revoir, on va pas y passer la nuit, grogne mon daron dans le couloir.

Vio meurt d'envie de me prendre dans ses bras, c'est écrit sur son visage. Alors c'est moi qui le fait, rapidement mais avec suffisamment de force.

— Sois prudent. Notre porte t'est toujours ouverte. C'est chez toi ici.

Je hoche la tête et Deen me donne une accolade maladroite.

— Vous... Je... hum... Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Après une ébauche de sourire gêné, je détale rapidement. En vrai il y aurait plein de trucs que je voudrais leur dire, mais je sais que ça sortira jamais.

Avant que je passe la porte, j'entends simplement Deen marmonner un truc zahma « J'avais dit pas de cœurs brisés ».

Quelque chose me dit qu'il ne dit pas ça pour le chat qui dort tranquillement sur le canapé.

*****

Dans la voiture, le silence prend tellement de place qu'il m'écrase un peu.

Je réfléchis à ce qu'il va se passer maintenant, Amir est encore à Toulon, Nej a voulu rester à Chamonix avec les cousins. Je suis seul avec mes parents, qui veulent « régler ça ».

Ce qu'on laisse à nos mômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant