Chapitre 12. Les Timides

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"Les timides
Quand ils chavirent
Pour une Elvire
Ont des soupirs
Ont des désirs
Qu'ils désirent dire
Mais ils n'osent pas bien"

Un lundi soir classique chez les Castelle, Deen fait le dîner, Violette lui parle de son boulot. Elle est architecte et ne travaille donc pas du tout dans le même domaine que son mari, qui lui poursuit sa carrière dans la musique en réalisant et produisant des clips.

J'attends sagement qu'on passe à table en aidant Romy à finir ses devoirs, quand Léonard décide de venir nous déranger.

— Naël, me fait-il d'une voix très sérieuse en fixant ses yeux bleus sur moi, Il faut qu'on parle entre hommes.

J'explose automatiquement de rire. Si moi je ne me sens pas un homme à dix-huit ans, je me demande comment il y arrive à huit.

— Léo dégage ! s'agace Romy, Tu vois bien qu'on est occupés !

Le petit garçon ignore soigneusement sa sœur et s'assoit sur la chaise en face de moi.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? je lui demande.

— J'en ai marre d'être le seul garçon, je veux un petit frère. Mais j'arrive pas à convaincre Maman. Elle dit que trois c'est bien. Je ne suis pas d'accord, trois c'est nul. J'ai des sœurs nulles, je veux un frère cool.

Romy lève les yeux au ciel et je souris avec amusement. Ils ne l'ont vraiment pas raté celui-là.

Deen voulait cinq enfants, je crois que Violette n'était pas contre, mais elle a eu du mal à retomber enceinte entre Romy et Léo. Et je sais que Deen ne veut pas être un père trop âgé par rapport à ses enfants, donc ils ont décidé de s'arrêter au troisième.

— T'es vraiment un idiot, gronde Romy, même si Maman avait un autre bébé, si ça se trouve ce serait une fille. Et puis papa serait trop un vieux père.

— Ouais mais mon copain Timéo, sa maman elle a eu un bébé avec un autre monsieur que son papa. Maman elle pourrait faire pareil.

Intervention paternelle dans trois, deux, un...

— Ça ce sera pas possible jeune bandit ! Ta mère va pas aller attraper un bébé avec un autre monsieur pour te faire plaisir.

Léo s'exclame que c'est complètement injuste, qu'il doit supporter ses sœurs qui crient toute la journée, que les filles sont bêtes et que son copain Timéo a un petit frère.

— Moi je préférerais une petite sœur, lance Romy, Un petit frère c'est pénible, ça raconte des gros mythos, et en plus si c'est un garçon c'est encore Papa qui va choisir le prénom.

La grande main de Deen se pose sur la tête brune de sa fille et lui frotte les cheveux.

— Dis donc gamine, t'as un souci avec le prénom que j'ai donné à mon fils ?

— Ouais ? T'as un souci avec mon prénom ? enchérit Léonard.

Il faut dire que... C'est un choix un peu spécial. Mais bon, c'est une référence qui parle à l'ancêtre.

— Léonardo DiCaprio était le plus grand acteur de sa génération, tu devrais être fière que ton frère s'appelle comme lui, lance Deen, Au moins il a un modèle dans la vie. Toi tu t'appelles Romy, c'est qui ton modèle dans la vie ?

J'ai envie de lui dire qu'une très grande actrice des années 1950-1970 s'appelait Romy Schneider, mais elle est morte à quarante ans. Ce ne serait pas forcément très réjouissant pour une pré ado.

— C'est Maman mon modèle, et j'ai pas besoin de m'appeler comme elle pour avoir envie de l'imiter. Vous êtes trop chiants tous les deux...

Elle referme vigoureusement son cahier sous le regard attendri de son père, et me jette un coup d'œil agacé alors que je ris de cette conversation qui n'a aucun sens.

Ce qu'on laisse à nos mômesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant