23/ ✿ LOUNA ✿

3.3K 110 8
                                    

"On regarde mais on a la flemme de voir                                                                                                                Le navire coule et ils disent qu'c'est un problème de voile" (Point d'Interrogation)

Entrain de consumer la cigarette qui consumait ma vie, je regardais Paris. Ken m'avait rejoint. J'avais la haine contre Elena qui avait pu dire ça, sûrement à son mari. En plus, Gabriel l'avait entendu alors peut-être même devant lui aussi. Elle avait la haine contre moi. J'avais la haine contre elle. Je me demandais quand cela prendrait fin. La seule chose que je savais, c'est que je ne ferais pas le premier pas.

Quand j'eus terminée ma cigarette, je la posais dans le cendrier et posais mes coudes sur la rambarde prête à faire ma confidence. Ici, à Paris, seul Moh était au courant de ce que je m'apprêtais à dire.

J'inspirais deux trois fois faisant le plein de courage.

-Quand j'avais dix ans, j'ai découvert que j'avais un cancer, lâchais-je en même temps qu'une première larme roula sur ma joue.

Je m'arrêtais déjà sentant le regard de Ken sur moi. Je ne pouvais pas affronter son regard. Je ne voulais pas voir la pitié dans ses yeux.

-Au début, mes parents étaient au petit soin avec moi. Ils me protégeaient de tout et tout semblait tourner autour de moi. Elena, ma sœur est devenue jalouse. Je ne peux pas lui en vouloir pour ça. Au fur et à mesure que j'ai grandi, tout ça me pesait. Je n'en pouvais plus qu'on me voit comme la fille malade. Quand j'ai eu 16 ans, j'ai pété un câble et un soir j'ai fait une tentative de suicide. C'est Adriano, qui m'a trouvé. Il m'a sauvé la vie. A partir de ce moment-là, mes parents étaient sur mon dos, ma sœur aussi. Je me suis mise à traîner avec Adriano alors qu'au début je le détestais parce qu'il m'avait empêché de mourir. Puis on est devenu amis, on passait tout notre temps ensemble – j'esquissais un sourire – on faisait la fête, on se bourrait la gueule et quand je rentrais je me faisais défoncer. Puis mon état s'est dégradé et lors d'une visite à l'hôpital, le médecin m'a dit qu'il ne me restait plus beaucoup de temps alors j'ai continué les conneries encore plus souvent. Je me suis même retrouvée au commissariat un jour. J'allais mourir de toute façon, alors à quoi bon se faire chier et attendre. Adriano et moi on était amoureux, enfin surtout lui, parce que moi je pouvais rien lui promettre, j'allais mourir. Quand j'ai eu 18 ans, cela faisait 8 ans que je prenais le même traitement, j'en avais plus que marre et un jour sans savoir pourquoi, le médecin m'a annoncé que j'étais sur la voie de la guérison. Deux mois plus tard, j'étais guérie. Sans savoir pourquoi. C'est là que mes parents sont partis à Paris et moi aussi. Nouvelle vie, nouveau pays, nouvelle ville.

Mon regard fixé sur Paris au bout de mon monologue, mon visage ravagé par les larmes. J'étais allée au bout. Certes, j'avais fait plus court qu'avec Moh, mais je ne m'étais pas interrompue.

Enfin après plusieurs minutes de silence, je tournais la tête vers Ken. Après un simple coup d'œil, il s'approcha et me prit dans ses bras.

-Je sais pas quoi dire, chuchota-t-il dans le creux de mon cou.

-Dis rien, dis-je.

Je me détachais de lui et il me fixa. J'étais satisfaite qu'il ne m'est pas sorti un pauvre « désolé ».

-C'est à cause de ça que tu es fâchée avec ta sœur ?

J'haussais les épaules.

-Disons qu'elle n'a jamais apprécié ma relation avec Adriano parce que selon elle, il me manipulait, il avait de mauvaises influences sur moi. Mais c'était faux, j'étais complètement sûre de ce que je faisais. Et ce que je voulais, c'était vivre, autant que je pouvais avant de mourir. C'est pour ça que j'aime les fêtes, la vie, boire, danser, rigoler, parce que je sais que du jour au lendemain tout peut arriver.

Il acquiesça.

-Tu as raison.

-Je peins parce que c'est ce qui m'a fait tenir pendant que j'étais malade. Je passais mon temps à peindre, dessiner et prendre des photos pour exprimer mes émotions.

-Je me disais aussi qu'il y avait beaucoup d'émotions dans tes toiles, ajouta-t-il.

Je souris légèrement.

-Pourquoi tu as voulu me dire ça ? Me demanda-t-il alors.

Je me souvenais d'hier soir.

-Peut-être parce que toi et moi, on ne pourra jamais être amis, dis-je en le citant mot pour mot.

Au début, je crus le voir rougir mais je chassais cette idée. Ce n'était pas possible, le grand Nekfeu qui rougit !

Il sourit malicieusement et nous rentrâmes à l'intérieur.

-Je vais y aller, dit-il alors.

J'étais presque déçue qu'il parte mais finalement il était là depuis hier soir 20h00. Nous avions passé beaucoup de temps ensemble mais cela ne m'avait pas du tout déplu. J'avais aimé. Ouais, je m'étais sentie bien. Bien, comme cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie ainsi.

Il m'embrassa sur le front plus longtemps que nécessaire et partit.

Quand il ne fut plus là, je me dirigeais dans la chambre de Gabriel qui dessinait sur son petit bureau que j'avais acheté pour lui. Il ne m'avait pas entendu arriver alors je m'installais derrière lui pour voir ce qu'il dessinait mais ce que je vis me stoppa.

Sur une feuille qui n'était plus blanche, trois bonhommes étaient dessinés. Au centre, il y a Gabriel, puis deux bonhommes l'entouraient. Une femme et un homme. En-dessous, du bonhomme de droite, il y avait écrit : LOUNA. Sous le bonhomme de gauche, Gabriel avait écrit avec ses petites mains : KEN.

Mon corps presque tout entier en trembla. Que pouvais-je lui dire ?

Que tu n'es pas sa mère ! Et que Ken n'est pas son père !

-Coucou ! M'exclamais-je alors.

Il sursauta.

-On va y aller, tu vas mettre tes chaussures ?

Il acquiesça et posa le crayon qu'il tenait. Il sortit de la chambre pour filer dans l'entrée.

Comme il n'était plus là, je pris son dessin, le plié en quatre et le rangeais dans un tiroir de la commode de ma chambre.

Un problème de plus.

C'est vrai que ma vie avait besoin de ça ?!

Galatée // NEKFEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant