35. Pris sur le fait

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— Non mais vraiment ! C'était complètement fou ! m'exclamé-je.

Mon père, qui est venu nous récupérer un quart d'heure après la fin des répétitions, rigole. Peut-être plus encore que Madeleine, qui semble un peu gênée par ma vague de compliments.

Depuis qu'elle a laissé ses collègues, je n'arrête pas de lui dire à quel point je l'ai trouvée géniale. Sincèrement, sa prestation m'a laissé sur le cul. Je lui en veux même un peu de ne pas avoir chanté devant moi plus tôt.

Bon, bien évidemment, je n'oublie pas mon angoisse à l'idée de voir Madeleine devenir une étoile montante qui me laisserait comme un con, tout seul, le cœur brisé (métaphoriquement uniquement, enfin j'espère).

— Maman rentrera tard.

C'est vrai qu'avant que papa m'amène au conservatoire, elle nous a dit qu'elle allait passer une soirée entre filles avec quelques amies. C'est trop cool. Comme ça elle ne viendra pas nous faire chier avec les anecdotes honteuses de mon enfance.

— Elle t'a fait ton repas.

Madeleine me regarde (nous sommes tous les deux assis sur la banquette arrière. Je ne voulais pas la laisser toute seule au fond) et hausse un sourcil. Cela fait quelque temps que je suis passé au régime sans sel. Plus d'un mois en fait, et je ne l'ai toujours pas dit à Mad. Elle pense juste que je fais mon difficile au self et que c'est pour cette raison que le cuisinier me donne un plat spécial.

— Euh O.K, cool.

Et mon père quant à lui, ignore que je n'ai pas prévenu ma copine que j'avais dû changer mon alimentation.

Gérer avec tous ces non-dits, ce n'est pas facile. Je me rends compte d'ailleurs que s'ils n'étaient pas là, tout serait plus simple. Le blême, c'est que je n'arrive pas à sortir du tourbillon. Plus les jours passent et plus je coule, suffoquant. Tout avouer d'un coup est bien trop effrayant et risqué. Mais avancer à pas de fourmis, ce n'est pas beaucoup mieux.

Lorsque nous entrons tous les trois dans la maison, mon père nous annonce qu'il doit bosser encore un peu dans son studio mais que si nous avons le moindre souci, nous pouvons venir le voir. Autrement dit, le dîner se fera en amoureux.

Ça ne me dérange pas. Au contraire !

— Alors comme ça, c'est ta maman qui te prépare à manger ? me taquine Madeleine quelques minutes plus tard alors que je fais réchauffer le plat que ma mère a laissé dans le micro-onde.

Elle m'offre un sourire taquin.

— Je sais cuisiner.

Et elle le sait, puisque je lui ai déjà concocté plusieurs plats. Pour quand on se voyait les après-midi ou pour nos pique-niques de cet été. Puis dernièrement pour les vacances de la Toussaint.

D'ailleurs, elle était loin de cracher sur la nourriture. Si je me souviens bien même, elle n'arrêtait pas de dire que c'était bon.

— C'est juste que... je suis passé à un régime sans sel.

Je l'ai lâché comme ça, comme un boulet de canon. Et j'espère que je ne vais pas le regretter.

— Pourquoi ? m'interroge Madeleine, encore ta lubie d'avoir la ligne pour être mannequin Élite ?

C'est plutôt sa lubie à elle oui...

— Il n'a pas besoin de régime mon chieur préféré. Il est parfait comme il est, continue-t-elle en avançant vers moi.

Elle me sourit d'un air subitement aguicheur.

— Tu as de beaux yeux. Ils sont de la couleur du chocolat, on s'y perdrait dedans, dans un océan de chocolat... Puis t'as les cheveux bruns et souples, c'est trop sexy. T'as deux super grains de beauté sur la joue, ça te rend authentique. T'as des lèvres sublimes. Douces et gourmandes, souffle-t-elle en se mettant sur la pointe des pieds.

Près de toi 2 - Gontran Bavière (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant