50. Pardonne-moi de trop t'aimer et d'être con

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Jeudi se fait calme. Premièrement car je ne croise pratiquement pas Madeleine, mais aussi parce que j'ai enfin terminé avec mes heures de travaux en association. Mon emploi du temps retrouve un peu de souplesse.

Vendredi par contre, ce n'est pas la même histoire. Parce que je découvre que je me suis vraiment mais vraiment chié à mon devoir du lundi (un 2/20, ça fait mal au cul). Et aussi car lorsque je décide d'aller squatter mon coin derrière l'internat, le coin où les surveillants ne viennent pas et où j'avais amené Madeleine des semaines plus tôt, je découvre que je ne suis pas le seul à avoir eu cette idée.

Pour le coup, j'apprécie qu'elle n'ait pas amené le Jocelyn à notre repère. Sinon je l'aurais certainement pris pour de la trahison. Déjà que la voir se jeter dans ses bras quelques jours plus tôt, c'était difficile à supporter, alors si elle y avait rajouté une couche, je n'aurais peut-être pas réussi à garder mon sang froid.

— Salut.

Cette fois-ci, c'est elle qui ouvre le dialogue.

— Salut, réponds-je sans vraiment savoir dans quelle direction je peux aller, que ce soit géographiquement que dans notre peut-être conversation à venir.

Aujourd'hui, elle porte mon sweat-shirt. Il lui est toujours trop grand et avec son jean ainsi que ses rangers, elle paraît encore plus petite qu'elle ne l'est. Mais je peux pas m'empêcher de la trouver craquante ainsi.

Ah putain mais quel faible ! Je me déteste.

— Je ne t'ai pas vu au self...

Évidemment, elle comme moi, nous connaissons l'emploi du temps de l'autre. Et elle sait donc que j'aurais dû venir manger à 12 heures passées.

— Pas très faim.

Du bout de ma chaussure, je promène un caillou sur le goudron dégueulassé par tout et n'importe quoi. Le faire aller de droite à gauche me permet d'échapper un peu à mon sentiment de gêne. Car depuis que nous nous connaissons, je dois avouer que nous n'avons jamais eu de moment aussi vide et désagréable. Même à nos débuts.

Ou alors je les ai oubliés.

— Je... je tenais à m'excuser.

Surpris, je relève la tête. Les yeux de Madeleine me fuient et je la vois déglutir puis soupirer.

— Je n'aurais pas dû te parler comme je l'ai fait.

Mon mutisme semble la mettre mal à l'aise.

— J'ai un peu abusé, continue-t-elle en se grattant le coude.

— Moi aussi j'ai dit des choses pas cool, reconnais-je à mon tour. Pardonne-moi Madeleine. Je ne voulais pas manquer de respect à ton père. Je sais que le métier d'agriculteur est difficile.

— Et moi je sais qu'être musicien ou coiffeuse ne se résume pas à une mission. J'ai un peu trop caricaturé.

Mad m'offre un léger sourire. Mais il y a là tellement de tristesse que je n'ose pas le lui rendre.

— J'ai téléphoné à Émile mercredi soir.

— Je sais... Il me l'a dit, m'informe-t-elle en remarquant ma surprise. Émile et moi nous disons tout. Ou presque. Il ne pouvait pas garder votre conversation secrète. D'ailleurs, rassure-toi, il a bien défendu ton cas. Tu l'as dans la poche. Tranquille même je dirais.

Ce n'est pas pour cette raison que j'ai contacté son frère, mais je dois reconnaître que ça me fait tout de même plaisir.

— Il m'a dit que tu m'en parlerais quand tu te sentirais prête. Est-ce que c'est le cas ?

Près de toi 2 - Gontran Bavière (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant