Près de toi 2 - Gontran Bavière (Terminée)

54. Le protéger

— Tu vois qu'on peut jouer plus calmement et avoir un bon rendu ! sourit mon père.

Assis sur une chaise, cela fait cinq minutes qu'il m'écoute jouer de la batterie. Parce que je ne me sentais pas d'attaque à faire un tempo rapide, j'ai choisi une ballade rock. Et si au départ, j'avais l'impression d'être un vieux à aller si doucement, désormais je crois que je commence à m'y faire.

Ça me rappelle un peu mes débuts lorsque je n'arrivais pas à suivre le métronome et que même les gosses de cinq ans jouaient mieux que moi...

Honte mêlée à un peu de mélancolie. C'est étrange comme alliance de sentiments.

— Est-ce que je peux venir ? demande subitement une voix.

C'est ma mère. D'ailleurs, sa voix était si faible que j'ai failli ne pas l'entendre.

— Tout dépend si tu comptes me faire des réflexions sur la façon dont je gère ma vie, les fréquentations que j'ai et tout le bordel ! la préviens-je après avoir avoir arrêté de jouer.

Ma reum baisse la tête. Je crois qu'elle est venue pour s'excuser. En tout cas, d'après les signes que je viens de voir, c'est la conclusion à laquelle j'arrive.

— Gontran, souffle papa. Reste calme...

Je soupire puis pose mes baguettes.

— Je t'en prie, ne t'arrête pas pour moi.

À l'entente de la phrase de ma mère, j'ai l'impression que ma mâchoire va se décrocher.

— Tu veux dire que...

— Tant que tu joues doucement, très doucement, ça devrait aller, non ?

En posant la question, elle a regardé mon père et je réalise mon erreur. Elle n'est pas venue que pour s'excuser envers moi, mais envers papa aussi.

— Ben euh... Bon d'accord.

Je crois que c'est pratiquement la première fois qu'elle propose de m'écouter.

Un peu distrait et stressé, je dois l'avouer, je débute avec un simple charleston - caisse claire - grosse caisse. Basique, lent, le truc tranquille quoi.

— Il y avait un groupe que j'aimais bien quand j'étais ado, annonce ma mère au bout de trente secondes. Comment il s'appelait déjà ?

Est-ce qu'elle veut dire qu'elle voudrait que je joue un morceau du groupe de sa jeunesse ? Enfin, si elle se rappelle du nom bien sûr.

— Meta... euh...

— Metallica ? proposé-je tout en fronçant les sourcils.

— Oui ! C'est ça !

Je suis surpris. Genre, ma mère écoutait du métal quand elle était ado ? Je suppose qu'elle a dû avoir sa période de rébellion aussi. Normal... Pourtant, pour moi, elle est tellement droite et coincée que j'ai du mal à l'imaginer en train de remuer la tête pour suivre le rythme endiablé des guitares.

— Je peux jouer Nothing else matters. Elle est soft à la batterie celle-ci.

Elle ne dépasse pas les 40 bpm. C'est vraiment l'esprit ballade, pourtant, elle est plaisante à jouer.

— Ah ben oui, c'est celle-ci que je connais.

Le contraire m'aurait étonné de toute façon.

Papa lance le morceau sur ses enceintes et durant six bonnes grosses minutes, j'accompagne le groupe. Parfois, le regard de ma mère se pose sur mes baguettes, d'autres fois, sur mon visage. Et de temps en temps, elle observe mon père. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête, mais une chose est sûre, c'est qu'elle est en pleine réflexion.