Chapitre 1 : Une fille pas comme les autres

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Le cours de français était comme d'habitude : ennuyant. Le professeur ne savait pas comment tenir une classe, et les « rebelles » en profitaient bien. Partout dans la pièce, les avions en papiers volaient, certains se lançaient des gommes, d'autre des stylos. Quelques trousses traversèrent même la salle, sans que personne ne semble trouver cela étrange. Tout ça dans le chaos le plus total.

Seule dans son coin, Maddie s'ennuyait ferme. Elle observait d'un œil distrait les autres élèves de sa classe faire toute sorte de bêtises dans le dos du professeur. Elle évita quelques objets volant non identifiés, au grand dam de ceux qui les lui envoyait. Ce cours ne rimait plus à rien. Personne n'écoutait le professeur, et pourtant il s'évertuait toujours à réciter son cours comme si de rien n'était. Tout au fond de lui il espérait sans doute qu'au moins l'un de ces adolescents l'écouterait et prendrait des notes.

C'était peine perdue.

Pauvre homme, pensa Maddie après lui avoir jeté un bref regard.

L'adolescente se contentait de griffonner sur son cahier, suivant à moitié le cours, son esprit irrésistiblement attiré par les nuages se poursuivant dans le ciel au dehors. Le vent semblait les chasser loin de la ville, loin du monde. Pourtant aucun arbre ne bougeait. Tout semblait en suspens, figé. Calme.

Exception faite des camarades de classes de la jeune fille, bien sûr. Là il aurait fallu figer le temps lui-même pour les stopper tant ils étaient intenables.

L'adolescente ne voyait pas l'intérêt de suivre ce cours, elle apprenait plus de chose en lisant un livre ou en fouillant sur internet qu'en restant assise au milieu de ce champ de bataille de boule de gomme et de papier. Comment les autres professeurs pouvaient-ils continuer à faire leur cours alors que l'apocalypse régnait dans la classe voisine ? L'indifférence des autres membres de corps enseignant arrivait presque à impressionner la jeune fille.

L'homme est et restera un égoïste nombriliste, songea-t-elle en replongeant son nez dans son cahier.

Quand Maddie se tourna enfin vers ce qu'elle venait de dessiner, son esprit se coupa tout bonnement du monde qui l'entourait. Elle n'entendait plus le vacarme qui rebondissait sur les murs autour d'elle, seul comptait le dessin tracé à l'aveuglette sur les pages vierges de son cahier. Elle distingua, caché au milieu des traits noirs qu'avait laissés son stylo, un visage. C'était un garçon, sombre, dont les cheveux en bataille couvraient à moitié son visage. Il affichait une mine ténébreuse, comme si quelque chose l'embêtait, le perturbait ou l'ennuyait grandement.

Il avait l'air triste.

Plongée dans son monde, Maddie ne put s'empêcher de passer les doigts sur l'encre tout juste sèche du croquis. C'était vraiment étrange. Elle avait la sensation de l'avoir déjà vu quelque part. Pourtant il lui était impossible de se souvenir d'où.

Son regard plongé dans celui de son dessin, Maddie se sentit soudain tomber. Comme si le monde venait de s'écrouler sous ses pieds. Tout bascula autour d'elle alors qu'elle était soudain propulsée dans une vision. C'était toujours déroutant pour la jeune fille de se retrouver ainsi porté par son esprit. Le monde matériel disparaissait alors sans qu'elle ne puisse rien faire. Elle ne voyait définitivement plus le monde autour d'elle. Il n'y avait rien d'autre que ces yeux. Deux grands yeux brillant couleur du ciel, bordés de longs cils noir ébène.

Ce regard était envoûtant, magique. Maddie avait l'impression qu'il la transperçait, l'étudiait, pouvait voir toutes les lignes de son esprit, tous les mots, les images qui la hantaient depuis toujours. Comme s'il pouvait lire dans son esprit, voir à travers son âme. Il y avait quelque chose de fascinant dans ces iris colorés.

Puis la vision vacilla, comme prise dans un courant d'air.

Maddie fut brusquement ramenée à la réalité par la voix de son professeur. Quand elle reprit pieds, ce n'était plus le regard bleu de son dessin qu'elle voyait, mais le regard soucieux et fatigué de son professeur. Il lui fallut un moment pour comprendre ce qu'il lui disait.

Un peu perdue, l'adolescente regarda tout autour d'elle. La classe bruyante avait disparu, laissant place au vide et au silence. Le cours était enfin terminé. Elle reporta alors son attention sur le professeur de français en face d'elle. Il semblait inquiet.

- Tout va bien ? s'enquit-il une nouvelle fois.

Elle le fixa un moment, son esprit se remettant doucement à l'endroit. Puis elle hocha lentement la tête.

Rassemblant ses affaires en silence, Maddie se leva, balança son sac sur son épaule et salua son professeur d'un signe de tête avant de s'engouffrer dans les couloirs, à présent déserts, de l'établissement.

Les images du garçon au regard bleu s'estompaient déjà dans son esprit, comme un vieux souvenir impossible à revoir correctement, à la fois trop flou et aux contours incertains.

Elle s'arrêta toutefois au milieu du couloir et regarda par la fenêtre. Les nuages avaient cessé de se courir après. Le temps était calme. Pourtant quelque chose tracassait la jeune fille. Il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose qui ne présageait rien de bon.

Elle avait un mauvais pressentiment.

Maddie regarda une dernière fois le cahier sur lequel elle avait dessiné le portrait de ce garçon, puis le rangea avant de se diriger vers la sortie du lycée.

Les cours étant finis, Maddie allait enfin pouvoir retrouver son père et le calme chaleureux de sa maison. Elle se demandait toutefois qui était ce garçon et quel rôle il allait jouer dans son avenir. Il y avait quelque chose de familier dans son regard. Quelque chose qui la chiffonnait. Mais, même si cette vision l'intriguait beaucoup, elle n'était pas pressée de le rencontrer. Elle savait que tôt ou tard il apparaîtrait dans sa vie.

Et là, elle comprendrait.

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