Chapitre 28 : Une pause s'impose

52 8 1
                                    

Cela faisait quelques jours que Maddie et Isidore avaient trouvé refuge chez la tante de Gianni. Lavande était une femme formidable qui se comportait en vraie mamie gâteau avec les jeunes médiums.

Maddie l'aidait de temps en temps à l'entretien de son potager et regardait avec admiration la vieille dame s'occuper de ses fleurs. Isidore s'était révélé très habile de ses mains. Il s'amusait à réparer toute sorte de chose qu'il trouvait dans le garage. Et, depuis la veille, le jeune homme s'était pris d'affection pour une vieille radio abîmée. Il avait demandé à Lavande s'il pouvait la remonter. Évidemment elle lui avait souri en disant qu'il pouvait en faire ce qu'il voulait. Maddie avait été étonnée de voir avec quel sérieux Isidore réparait la radio, il semblait passionné de mécanique.

Ce jour-là, Maddie se trouvait tranquillement installée dans le canapé du petit salon. Son bloc à dessin sur les genoux, elle griffonnait des traits au hasard. Son esprit vagabondant. Devant elle, assit au bar séparant la cuisine du salon, Isidore s'acharnait toujours sur la radio.

Lavande s'avança dans la pièce et posa un plateau de biscuit devant la jeune fille et s'installa près d'elle. Maddie en attrapa un et le goûta. La cuisine de Lavande était divine, rien à voir avec celle de Bill ou du Centre.

La vieille dame regarda par-dessus l'épaule de l'adolescente. Un sourire étira ses lèvres fatiguées.

- Mon fils aussi dessinait bien, quel dommage qu'il ait arrêté.

Maddie se tourna vers elle.

- Que fait-il à présent ?

- Il est ingénieur. Oh bien sûr il gagne bien sa vie. Mais je pense qu'il aurait été plus heureux s'il avait fait de sa passion son métier. C'est son grand cœur qui l'a poussé à changer de voie. Il voulait absolument subvenir à nos besoins à Léandro et moi en plus de son épouse et ses enfants.

- Il est médium lui aussi ?

- Non. Sur ce point-là, il a hérité de moi. Mais je ne pense pas que ce soit plus mal.

- Que veux-tu dire ?

Lavande sembla chercher ses mots.

- Eh bien, vous, les médiums, vous avez de grandes responsabilités. Vous avez un rôle important à jouer et parfois ça peut vous peser. Il suffit de vous regarder tous les deux. Les adolescents de vos âges s'amusent, suivent des cours ennuyeux au lycée, ils vivent pleinement. Alors que vous êtes obligés de vous battre contre un groupe de médium qui a décidé de changer le monde et de faire du mal aux autres. Je ne vous envie pas du tout vos pouvoirs. Ils sont certes impressionnants, mais je préfère avoir une vie tranquille ici, loin de tous ces problèmes. Je trouve inadmissible que des enfants soient ainsi embarqués dans des histoires d'adultes, les Cormorans devraient avoir honte !

Maddie sourit. Lavande avait raison, être médium était quelque chose de pesant. Parfois elle regrettait d'avoir cette sensibilité surnaturelle. Mais quand elle repensait à tous les gens qu'elle a aidé en soutenant la police, toutes ces familles qui avaient enfin des réponses et qui pouvaient reprendre leurs vies et faire leurs deuils. C'était dur, mais libérateur. Elle n'avait pas le droit de laisser tomber. Raymond avait fait bien trop de mal autour de lui. Mais à cet instant, elle ne savait pas comment le battre, elle n'était pas encore prête. Et il le savait. Oui, il le savait. S'il n'avait pas attendu quelques années de plus, c'est qu'il craignait que les dons de la jeune fille ne deviennent trop puissants, qu'elle devienne son égale. Elle aurait été bien trop dangereuse.

Son regard se perdit un instant dans le vague. Elle fixait son dessin sans le voir.

- En tout cas, reprit Lavande, vous formez un beau couple.

Maddie manqua s'étouffer avec un biscuit et se mit à tousser violemment. Elle attrapa un verre d'eau et l'avala en deux gorgées avant de reprendre son souffle. Isidore se retourna. Elle reprit doucement son calme, faisant signe au garçon que tout allait bien. Il haussa les épaules et replongea dans sa radio. À côté de lui, Jimmy venait d'apparaître. Assit nonchalamment sur le bar où travaillait Isidore, il jeta un regard moqueur à Maddie avant de se tourner vers Isidore.

Elle secoua la tête et reporta son attention sur Lavande.

- On n'est pas...

- Oh, je suis désolée, paniqua presque la vieille dame. C'est juste que tu le dessinais avec tant d'ardeur que j'ai cru que...

Maddie plongea son regard dans le papier de son bloc à dessin. Elle n'en revenait pas. À côté d'elle, Lavande s'empourpra et se leva.

- Excuse-moi encore si j'ai dit quelque chose de mal. Je vais aller m'occuper du potager.

Puis elle disparut dans le jardin. Maddie la regarda partir. L'adolescente avait dû paraître un peu dur. Elle regretta tout de suite de la voir partir aussi vite. Lavande semblait beaucoup s'en vouloir, alors qu'au fond ce n'était rien. Maddie avait juste été un peu surprise. Beaucoup même. Mais ce n'était rien.

Elle soupira et fixa son dessin. La jeune fille grimaça. Elle n'avait même pas fait attention. En relevant les yeux, elle regarda longuement Isidore. Elle s'impressionnait elle-même. Vraiment impressionnant ou complètement flippant. Elle l'avait tellement bien reproduit que son dessin paraissait encore plus concentré que l'original.

- Dis donc, c'est qu't'es douée, siffla Jimmy étalé à côté d'elle. Fais attention, on pourrait croire que t'en pince pour lui.

Et le voilà de retour, ce fantôme énervant qui ne cessait de les taquiner.

Maddie leva les yeux au ciel avant de fusiller le fantôme du regard. Elle referma son carnet à dessin d'un coup sec et se leva du canapé. Elle n'avait même pas envie de lui répondre. Ce qu'il pouvait être lourd ! Un vrai gamin.

- Je dis ça pour toi ! lui cria Jimmy.

Elle quitta la pièce à grandes enjambées et claqua la porte en sortant dans le jardin.

Isidore se retourna, interrogeant son ami fantôme du regard. Celui-ci sourit malicieusement avant de hausser des épaules et de disparaître. Il réapparut à côté d'Isidore, perché sur le bar. L'adolescent roula des yeux et reporta son attention sur la radio.

- Arrête un peu de l'embêter.

- Quoi ? T'as peur qu'elle t'en veuille à toi ? Si c'est que ça, tu pourrais simplement avouer...

- Je dis ça pour toi, trancha Isidore en se relevant avec la machine dans les mains. Elle pourrait très bien se débarrasser de toi si elle le voulait. N'oublie pas qu'elle n'a pas de spécialité.

Si les fantômes pouvaient pâlir – ou mourir de peur – c'est ce qu'aurait sans doute fait Jimmy en imaginant Maddie le bannir du monde des vivants. Isidore se contenta de l'ignorer et de sortir de la pièce, laissant le fantôme tétanisé.

- Attend ! appela le fantôme dans son dos. Elle peut vraiment faire ça ? Isidore ?

Médium (en chantier depuis 2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant