Médium (en chantier depuis 2018)

Chapitre 21 : Chagrin et colère

Isidore commençait vraiment à s'inquiéter. Maddie n'avait plus ouvert la bouche depuis qu'ils avaient quitté l'hôpital et semblait plus éteinte encore que lors de leur rencontre.

L'adolescent décida d'aller voir son oncle. Il était persuadé qu'il était le seul assez compétant pour s'occuper de Maddie. Il aurait aimé l'aider, mais il ne savait pas comment faire. Il n'avait jamais eu beaucoup d'ami et aucun d'eux n'avait soudain et violemment perdu de membre de leur famille comme la jeune fille. Il la conduisit donc dans l'ascenseur et tous deux montèrent jusqu'à l'infirmerie. Le malaise était pesant, et même Jimmy ne savait pas quoi dire pour remonter le moral de l'adolescente. Elle resta donc recroquevillée sur elle-même dans un coin de l'ascenseur, attendant que les portes s'ouvrent. Elle n'avait même pas levé les yeux pour savoir à quel étage ils allaient arriver. Elle semblait perdue dans ses pensées, se fichant éperdument du monde qui l'entourait.

L'ascenseur sonna son ting habituel et les portes s'ouvrirent. Les jeunes médiums traversèrent le couloir et entrèrent dans l'infirmerie.

Quand il entra dans la pièce, Isidore jura tout bas.

Devant eux se trouvait bien Jefferson. Mais l'oncle de l'adolescent se trouvait en pleine conversation avec Calice. Isidore se tourna vers Maddie, il avait un mauvais pressentiment.

À ses côtés, la jeune fille sembla prendre quelques temps avant de relever les yeux. et quand son regard de glace se posa finalement sur celle qui l'avait abandonner, la tristesse et le chagrin quittèrent aussitôt son visage pour laissait place à la colère et la rancœur. Elle restait livide, mais ses yeux rougis de larmes se chargèrent de haine en se posant sur la femme qui l'avait mise au monde.

Isidore sentit tout de suite que ça allait mal se passer. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de faire quoi que ce soit, Maddie sauta sur Calice, la poussant avec tant de force qu'elle s'écroula lourdement sur le sol. Tout le monde se figea. La médium eu juste le temps de se remettre sur pieds avant que Maddie ne laisse exploser toute sa rage.

- Tout ça c'est ta faute ! hurlait la jeune fille. C'est ta faute s'il est mort !

- Maddie...

- LA FERME ! s'égosilla l'adolescente.

Le moindre mot venant d'elle ne faisait que l'énerver encore plus. Tous les regards se braquèrent sur elles. Maddie était méconnaissable. Ses yeux semblaient lancer des éclairs alors que son visage ressemblait à celui d'un démon en colère fou furieux. C'était comme si elle était possédée, si bien que tout le monde s'écarta de la jeune fille. Calice croisa son regard.

Trop tard.

La jeune femme s'immobilisa, comme tenue par une force invisible. Les gens s'écartèrent de Calice, horrifiés. Maddie avança de quelques pas, dominant la femme pourtant plus grande qu'elle.

Calice semblait étouffer, comme si l'air était resté bloqué dans ses poumons et qu'elle n'avait aucun moyen d'inspirer. Son visage vira bientôt au rouge.

- Maddie ! cria Jefferson. Arrête tu vas la tuer !

Mais elle ne l'écoutait plus.

Quelques personnes autour d'elle tentèrent de l'arrêter.

En vain.

Ils furent tous repoussés par une force étrange qui émanait de l'adolescente. Elle était devenue incontrôlable.

La jeune fille s'était plongée dans l'esprit de sa mère et était en train de tout retourner. Elle la torturait de l'intérieur, la forçait à s'étouffer. Maddie voulait qu'elle souffre, elle se fichait des regards apeurés qu'on lui lançait. Elle se fichait de la tuer. Seul comptait la douleur que Calice devait ressentir. Elle devait payer. C'était de sa faute à elle si Bill était mort. C'était elle qui avait tout déclenché en disparaissant de la vie de sa fille avant même qu'elle n'ait l'âge de marcher. C'était elle. Ça avait toujours été elle. Et elle devait payer pour tout ça.

Juste derrière Calice, Maddie remarqua le regard réprobateur de son gardien. Il secouait la tête comme pour lui dire que ça ne la mènerait à rien. Mais elle s'en fichait. Peu lui importait que ça ne la mène à rien, torturer sa mère la soulageait. Elle avait besoin de s'en prendre à quelqu'un. Elle avait besoin de trouver un coupable et Calice était la mieux placer pour jouer ce rôle.

Une main se posa sur l'épaule de la jeune fille, la faisant sursauter.

- Arrête Maddie, elle n'en vaut pas la peine, dit doucement Isidore.

- Non ! Elle doit payer ! C'est sa faute ! Tout est sa faute !

L'emprise de Maddie sur Calice se fit plus brutale et la jeune femme finit à genoux. Les yeux exorbités, son visage commençait à passer au bleu. Une grimace ignoble déformait ses traits, mêlant peur et douleur.

Les larmes coulaient le long des joues de Maddie comme de celles de Calice. Ce qu'elle lut à ce moment-là dans l'esprit de sa mère la déstabilisa presque. Des remords ? Bien, elle avait le droit de s'en vouloir de les avoir abandonnés.

La voix d'Isidore se fit encore plus douce.

- La tuer ne le ramènera pas. Lâche-la.

Elle tremblait, mais ne voulait toujours pas lâcher son emprise sur l'esprit de Calice.

- Maddie...

Il lui saisit les épaules et la tourna vers lui. Elle se retrouva alors engloutit par le bleu de ses yeux. Ses iris étaient comme deux bassins d'eau relaxante. Doucement Maddie commençait à se calmer.

- Ça ne le ramènera pas, répéta-t-il.

Les lèvres de Maddie tremblèrent. Puis elle libéra l'esprit de sa mère.

Calice s'écroula par terre, reprenant difficilement son souffle. Jefferson se précipita vers elle pour la soutenir. Tous les regards étaient braqués sur cette enfant qui aurait pu tuer. Les yeux de Maddie s'éteignirent de nouveau. Son visage ressemblait à celui d'une poupée, sans expression. Seule ses larmes continuaient de couler.

Lentement, elle se détourna et remonta dans l'ascenseur. Isidore la suivit du regard. Il se tourna vers Jimmy. Le fantôme hocha la tête et disparut aussitôt. Elle ne devait pas rester seule, pas dans ces conditions, pas maintenant.

- Isidore, appela Jefferson, que s'est-il passé ?

L'adolescent toisa Calice d'un œil mauvais.

- Bill est mort.

Calice se figea. Elle serra dans son poing un pendentif aux anciennesarmoiries, les yeux perdus dans le vide. Certains se demandaient de qui il parlait. Jefferson comprit. Il baissa la tête, réfléchit un moment, puis releva les yeux.

- Tu en es sûr ?

- Maddie a vu son fantôme et le médecin qui s'occupait de lui nous l'a annoncé en personne.

Jefferson fixa un point quelque part.

- Je vois. Va la rejoindre, elle ne doit pas être seule.

Il opina du chef et se détourna.

- Isidore !

L'adolescent se crispa et se retourna lentement vers Calice. La jeune femme semblait complètement défaite. Ses yeux étaient rouges, plein de larmes qui refusaient de couler alors qu'elle se tenait toujours la gorge, tremblante, assise à même le sol.

- Merci, souffla-t-elle d'une voix éraillée.

Le jeune homme la regarda un instant le regard sombre. À présent il pouvait voir ce que Maddie voyait en regardant Calice. Et ça le dégoûtait.

- Je ne l'ai pas arrêté pour toi, cracha-t-il en ignorant le regard outré que lui lançait son oncle. Si je l'ai fait, c'est pour elle. Il est hors de question qu'elle te ressemble.

Ses paroles claquèrent dans l'esprit de la mère de Maddie. Calice baissa les yeux. Elle était livide. L'adolescent n'avait pas besoin de lire dans les pensées pour voir la culpabilité noyer les yeux de la jeune femme. Et elle avait raison de s'en vouloir.

Lui aurait donné tout ce qu'il avait pour revoir ses parents et il savait que ses parents auraient tout fait pour rester auprès de lui. Il ne comprenait pas comment une mère, quelles qu'ait pu être ses raisons, pouvait abandonner son enfant de la sorte sans jamais chercher à le revoir.

Il finit par se détourner et quitta la pièce.