Chapitre 7 : Normalité anormale

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Malgré la menace qui semblait planer au-dessus de sa tête, Maddie avait décidé de sortir faire du shopping. Elle ne voulait pas annuler ses sorties sous prétexte que des hommes en noirs avaient reçu l'ordre de la surveiller. De plus elle était persuadée que s'il devait lui arriver malheur, elle le prédirait avant que ça n'arrive. Elle avait confiance en cet être de lumière qui la suivait et qui veillait sur elle depuis le départ de sa mère, elle savait que si quelque chose de grave se passait, il serait là.

Alors elle ne s'inquiétait pas.

C'était donc un samedi comme les autres pour l'adolescente. Excepté le fait que l'agent Colman ne la quittait pas d'une semelle.

Ainsi elle marchait dans le centre-ville, accompagné de l'homme qui, pour une fois, avait revêtit des habits normaux : un jean, un t-shirt et une veste. Classique, mais sûrement plus discret que son costume cravate noir sur chemise blanche. Maddie se demandait comment des agents du gouvernement pouvaient porter des costumes aussi chers. Étaient-ils si bien payés que s'ils en déchiraient un lors de leur mission ils pouvaient aisément le remplacer ? C'était tout bonnement ridicule. Comment pouvaient-ils faire convenablement leur travail dans des déguisements pareil ? On les voyait venir à dix kilomètres à la ronde. Il n'y a que dans Men in Black que ça passait ce genre de costume ridicule, avait pensé l'adolescente.

Maddie avait l'habitude de marcher en silence, mais l'agent Colman semblait un peu mal à l'aise. L'absence de discussion semblait lui peser. Il se rendait compte que l'adolescente ne parlait vraiment pas en dehors de ses prédictions. Maintenant qu'il y croyait un peu plus, il trouvait triste qu'une enfant aussi jeune se retrouve mêlé à des horreurs pareilles. Il eut un pincement au cœur en pensant aux nuits horribles qu'elle devait passer après avoir vu des horreurs dans ses rêves. Le père qu'il était comprenait mieux pourquoi Bill semblait toujours inquiet pour sa fille. Lui aussi aurait du mal à dormir s'il devait élever seul une enfant comme Maddie.

L'adolescente releva les yeux vers lui.

Elle lisait dans son esprit comme dans un livre ouvert et fut presque surprise de découvrir l'empathie qu'il ressentait pour elle et son père. Elle détourna les yeux et se dit que son fils avait beaucoup de chance de les avoir lui et sa mère. Maddie aurait aimé avoir une mère. Quelle sensation cela faisait-il de se trouver serré dans les bras de sa mère ? Une mère pouvait-elle être aussi douce que Bill ? L'adolescente aurait-elle était plus féminine si elle avait eu une mère auprès d'elle pour lui donner des conseils ?

Maddie secoua la tête, chassant ces pensées qui faisait ressortir de vieux souvenir à la surface. Elle ne voulait pas revivre ces scènes. Elle n'était pas prête à affronter son passé, pas encore. Alors elle enfouit son chagrin tout au fond de son esprit, là où personne ne viendrait le déterrer.

Colman la regarda du coin de l'œil. Il se demandait à quoi elle pouvait bien penser.

Quelques heures plus tard, Maddie avait les bras chargés de sac. Colman avait été surpris de constater qu'à part des livres et du matériel de dessin, l'adolescente n'avait rien acheté d'autre. Bien sûr, elle s'arrêtait de temps à autre devant des boutiques de vêtements, observant quelques secondes les groupes de filles de son âge rire aux éclats et essayer de nouveaux habits. Mais elle finissait toujours par détourner le regard, comme si la vue de ces adolescentes joyeuse lui faisait mal. Colman était persuadé que, derrière son air détaché et indifférant, Maddie devait se sentir bien seule.

Après quelques temps, Maddie finit par s'arrêter. Colman la regarda, un sourcil en l'air. L'adolescente lui fit comprendre d'un simple regard qu'elle voulait rentrer. L'agent soupira et ils se dirigèrent dans le silence jusqu'à la voiture. Maddie s'installa à l'arrière et regarda le paysage défiler par la fenêtre, ses sacs toujours dans les bras.

Son regard s'accrocha à quelque chose que personne ne voyait. Un sentiment étrange lui étreignit la poitrine. Elle détourna les yeux de la fenêtre et plongea dans ses pensées.

Arrivée devant la maison, Maddie sortit la première de la voiture. Elle se stoppa soudain devant la porte d'entrée, les yeux grands ouverts. Quelque chose clochait. Elle avait un mauvais pressentiment.

Derrière elle, Colman arrivait avec son partenaire. Ils n'eurent pas le temps de comprendre ce qui empêchait l'adolescente d'avancer. Maddie laissa tomber les sacs devant l'entrée et se précipita à l'intérieur. Elle devait trouver son père. Elle devait voir s'il allait bien.

Une peur froide lui tordait les entrailles.

Une fois dans le salon, l'adolescente eut l'impression de suffoquer. Ses yeux s'agrandirent d'horreur alors que les agents entraient à leur tour dans la pièce. Elle était paralysée. L'air s'était bloqué dans ses poumons, ses entrailles se tordaient à l'intérieur de son ventre tant l'angoisse lui nouait l'estomac. Elle avait le cœur au bord des lèvres. Ça ne pouvait pas être réel.

Face à elle, étendu à même le sol, se trouvait le corps de son père. Du sang avait giclé dans toute la pièce. Bill avait le visage couvert d'ecchymoses et d'entaille. Ses poings étaient à vif, ses vêtements déchirés. La pièce était sans dessus-dessous. De toute évidence le père de famille s'était vivement défendu.

Il fallut quelques instants à Maddie pour comprendre ce qu'il se passait autour d'elle. Les deux agents se trouvaient déjà aux côtés de Bill, prenant son pouls. Maddie n'arrivait plus à se concentrer, elle avait bien trop peur de voir le fantôme de son père. Elle ne pouvait pas se permettre de le perdre. Il était le seul membre de sa famille, le seul qui avait pris soin d'elle sans jamais la juger. Non, elle ne pouvait définitivement pas le perdre, c'était hors de question.

Pourtant elle ne pouvait pas bouger, paralysée par la peur.

Elle entendit à peine les agents dire que Bill était encore en vie. Seule la panique régnait dans l'esprit de la jeune fille.

L'agent Grant se précipita dehors, bousculant quelque peu Maddie sur son passage et ramena deux autres agents qui entourèrent bien vite Bill. Maddie se rendit à peine compte que l'un d'eux appelait les urgences.

Colman releva les yeux et les planta sur la jeune fille. Il découvrit l'adolescente choquée et se releva pour se planter devant elle. Il la prit par les épaules et la secoua.

- Maddie ! On doit partir ! Tu m'entends ?

L'adolescente ne pouvait détacher son regard de son père. Ça ne pouvait pas être réel. Qui pouvait bien avoir fait une chose pareille ? Bill était un homme et un père merveilleux, quel monstre aurait-il pu commettre un acte aussi horrible ? Et pourquoi ? Elle était persuadée que personne ne se soucierait d'eux, alors pourquoi ? S'était-elle trompée ? Avait-elle trop confiance en ses aptitudes ?

Ou était-elle simplement naïve ?

Maddie n'arrivait plus à réfléchir. Ses pensées partaient dans toutes les directions. Il y avait tant de sang... Colman la secoua plus fort. Elle se tourna enfin vers lui. L'agent fut presque surpris de voir la lueur affolée dans les yeux de la jeune fille. Elle semblait si ordinaire, si normale à cet instant.

- Maddie, écoutes-moi, poursuivit-t-il un peu plus fort. On va s'occuper de lui. Je te promets qu'il ne mourra pas. Mais pour le moment nous devons te mettre à l'abri.

Maddie ouvrit la bouche. Elle voulait dire quelque chose mais les mots restèrent coincés au fond de sa gorge. Elle avait la bouche sèche. Un poids énorme s'était abattu sur son estomac. Elle se tourna une dernière fois vers son père puis hocha de la tête. Colman sembla rassuré. Il sourit légèrement avant de se tourner vers son partenaire. Il lança ses ordres et prit la main de Maddie.

L'adolescente regarda son père jusqu'à ce qu'elle soit dehors. Là, Colman la fit entrer dans la voiture en vitesse. Grant apparut soudain dans l'habitacle et prit le volant alors que Colman s'installait à côté de lui. Ils démarrèrent. Maddie regarda tristement sa maison s'éloigner de plus en plus. Elle put voir l'ambulance arriver juste avant que la maison ne disparaisse complètement de son champ de vision.

Elle espérait que son père allait s'en sortir.

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