Chapitre 46 : Je suis plus forte que toi

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Maddie se tenait droite, les yeux fermés dans l'espace gris. Elle était calme, sereine, elle savait ce qu'elle devait faire. Elle ouvrit doucement les yeux. Devant elle apparut Raymond. Il semblait perdu, regardant autour de lui sans y croire. Puis son regard se posa sur l'adolescente et il se calma. Ses yeux se chargèrent de haine, il fulminait. La rage déformait ses traits.

Il se rua sur elle en hurlant. On aurait dit une bête enragée. Maddie leva simplement la main vers lui, comme il l'avait déjà fait avec elle. Il se retrouva violemment projeté en arrière. Désarçonné, il secoua la tête et la regarda, surprit. Elle n'exprimait aucune émotion, son visage, impassible, troublait le vieux médium.

- Je ne veux pas te tuer, affirma-t-elle d'une voix posée.

Les sourcils de Raymond se froncèrent tellement que la jeune fille cru un instant qu'ils allaient totalement engloutir ses yeux. Il se releva d'un bond, fou de rage. Il écumait. Il fonça une nouvelle fois sur elle. Et se retrouva bloqué par un mur invisible. Incrédule, il posa une main à plat sur le mur inexistant, puis une autre. Il ne comprenait pas. La surprise passée, il se mit à frapper le vide avec véhémence.

- NON ! NON ! TU N'AS PAS LE DROIT !

Maddie ne bougea pas. Elle le regardait s'acharner en vain sur quelque chose qui n'existait que dans son esprit détraqué.

Derrière elle, son gardien apparut. Il plaça une main sur l'épaule de la jeune fille. Puis, très vite, une autre silhouette apparut elle aussi. Elle posa une main sur l'autre épaule de Maddie. Bientôt, des centaines de silhouettes lumineuses apparurent derrière l'adolescente pour la soutenir, formant une immense toile d'âmes dans son dos.

Raymond se figea. Ses yeux, pareil à des soucoupes, scrutaient sans y croire les milliers d'êtres de lumière derrière son adversaire. Tant de gardiens avaient répondu à son appel. C'était prodigieux, presque divin. Raymond n'avait jamais eu la chance de voir son gardien, il comprenait à présent que Maddie était bien plus puissante que lui. La colère laissa place à la peur. Il recula de quelques pas avant de trébucher et de tomber. Assit au sol, il regardait incrédule la scène qui se jouait devant lui. Le visage indifférent de Maddie lui glaçait presque autant le sang que les sourires chaleureux des nombreux êtres derrière elle.

Sa voix résonna alors, claire, presque violente.

- À partir de maintenant et pour le restant de tes jours, clamèrent des centaines de voix à travers les lèvres de Maddie, nous te privons de tes dons, afin que plus jamais tu ne fasses de mal à autrui.

Raymond hurla, tenta de reculer, de fuir loin. Mais déjà la lumière des gardiens fondit sur lui, l'attrapa et le retint. Une vague de chuchotement traversa son esprit, pareil à une incantation d'un autre temps scellant à jamais son destin. Le monde gris laissa soudain place à une vive lueur. Maddie se protégea les yeux alors que Raymond hurlait.

Doucement, les gardiens disparurent un à un. Elle croisa une dernière fois le regard de son gardien qui lui souriait avant de fermer les yeux. Elle les remercia silencieusement pour leur aide et sentit leurs présences s'éloigner les unes après les autres.

Puis elle se concentra pour revenir.

En rouvrant les yeux, Maddie entendit des cris venant de l'escalier plus loin. Elle serra les dents en retrouvant la douleur de ses bras soutenant le poids de son cousin. Elle avait de la peine à tenir, tout son corps la faisait souffrir et du sang coulait déjà de ses oreilles et de son nez. Elle vit la panique dans le regard de Matthew quand il aperçut le liquide rouge dégoulinant sur le visage de la jeune fille. Elle n'en fit pas cas. Elle devait juste tenir encore un peu, juste un peu.

L'adolescente se retourna juste à temps pour voir des dizaines de personnes faire irruption sur le toit. Elle poussa un soupir de soulagement en découvrant des visages familiers parmi la foule. Les Défenseurs de l'Aube étaient enfin là.

Elle aperçut alors Isidore. Leurs regards se croisèrent et il se précipita vers elle. Il vit le garçon suspendu dans le vide et s'agenouilla près de son amie. Il ne chercha pas à comprendre et aida Maddie à le remonter. Ensemble, ils remontèrent le jeune homme qui s'écroula presque sur le bitume. Matthew et Maddie reprirent leur souffle. L'adolescent se tourna vers Isidore.

- Merci, souffla-t-il.

Il se tourna vers sa cousine. Les larmes de la jeune fille avaient recommencé à couler. Elle se jeta sur lui et l'enlaça, soulagée qu'il n'ait rien. Matthew, d'abord surprit par cette soudaine démonstration d'affection, finit par la serrer dans ses bras à son tour. Il s'écarta et baissa les yeux.

- Finalement c'est toi qui m'as protégé, sourit-il maladroitement.

- Exact, pouffa-t-elle.

Maddie se tourna alors vers Isidore et se jeta dans ses bras avant de pleurer de plus belle. Il la serra fort contre lui, soulagé qu'elle n'ait rien. Il lui caressa le dos et elle finit doucement par se calmer.

- C'est fini Maddie, souffla-t-il, tout va bien maintenant.

Matthew se releva et regarda son père. Raymond était entouré par des agents du Centre. Assit au milieu de la piste d'atterrissage, il se tenait la tête, les yeux grands ouvert et déblatérait des paroles incompréhensibles. Il avait complètement perdu la raison. Le voir ainsi brisa le cœur de l'adolescent.

À côté de lui, Maddie et Isidore se relevèrent. L'adolescente, toujours dans les bras du médium, s'essuya le sang qui coulait de son nez et prit la main de son cousin. Il la regarda un instant. Un sourire triste étirait les lèvres de la jeune fille.

- Et maintenant ? questionna-t-il. Qu'est-ce qui va nous arriver ?

Maddie réfléchit un moment. Isidore regarda ses amis du Centre relever Raymond et l'emporter.

- Raymond sera jugé, expliqua l'adolescent. Mais je ne pense pas qu'on l'enverra en prison. Vu son état, il risque surtout de se faire interner. Quant à toi...

Isidore se tourna vers Matthew. Le jeune homme se crispa. Allait-il être emprisonné lui aussi ? Après tout, il avait assommé Maddie et suivit son père dans ses folies. La honte lui serra l'estomac.

- Je pense que tu pourrais avoir ta place au Centre.

- Pardon ? s'étrangla-t-il.

- Hormis le fait que tu ais aidé au kidnapping de Maddie dans l'entrepôt, tu n'as pas commis de crime. Et puis, tu l'as bien aidée à fuir puisqu'on t'a retrouvé suspendu dans le vide, je me trompe ?

- Je...je ne sais pas... avoua-t-il en baissant les yeux.

Maddie serra sa main dans la sienne. Il releva la tête et croisa son regard.

- Si tu ne veux pas intégrer le Centre, tu peux au moins venir avec moi. Tu es mon cousin après tout, et je serais heureuse si tu venais vivre avec nous.

- Mais... et ton père ?

- Il n'a jamais refusé d'accorder une deuxième chance à quelqu'un. Et puis tu fais partie de la famille. Tu ne peux pas pardonner à ta mère son départ, mais tu peux peut-être m'aider à le faire avec la mienne ? Je pense... qu'elle mérite une seconde chance.

Matthew regarda une dernière fois son père qui disparaissait déjà dans la cage d'escalier. Il hésitait. Pouvait-il vraiment accepter ? Mais, en voyant le regard déterminé de sa cousine, le jeune homme accepta. Maddie sauta de joie et serra les garçons dans ses bras. Tout était enfin terminé.

- Et moi alors, j'ai pas droit à un câlin ? se plaignit Jimmy.

Maddie releva les yeux et aperçu le fantôme en train de flotter juste au-dessus d'eux. Elle leva les yeux au ciel.

- Jimmy, tu es un fantôme, un spectre, tu n'as pas de corps, comment tu veux avoir un câlin ?

Jimmy bouda, et les adolescents explosèrent de rire. Oui, tout était finit, et la vie allait enfin pouvoir reprendre son cours. 

Médium (en chantier depuis 2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant