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Chapitre 30 : La naissance d'une prophétie

Quand ils ouvrirent de nouveau les yeux, Maddie et Isidore ne se trouvaient plus dans le bureau de Léandro. Tout était différent autour d'eux. 

Ils se trouvaient dans un long couloir desservant plusieurs pièces. Un tapis de velours d'un rouge magnifique couvrait le sol. Les murs étaient sombres, recouvert d'un papier peint bruns aux arabesques noires. Plus loin devant eux se trouvait un grand escalier qui descendait sur une immense salle.

Puis, en parcourant l'endroit du regard, Maddie se figea. Elle attrapa le bras de son ami et pointa du doigt deux jeunes gens devant eux. Ils n'en revenaient pas.

Juste en haut des escaliers, devant la porte entrouverte d'un bureau, se trouvait Nathaniel et Galatée.

Galatée était encore plus belle que sur les documents des archives du Centre. Ses longs cheveux blond vénitien étaient relevés en un chignon élaboré parsemé de perles, quelques mèches rebelles dévalaient ses joues et sa nuque, sans pour autant enlever de sa superbe au chef-d'œuvre qui trônait sur sa tête. Elle portait une longue robe vert pâle simple dont le bustier était décoré de fines fleurs brodées au fil d'argent. Un châle rose pastel reposait sur ses épaules. Son teint était clair, ses lèvres fines, ses traits angéliques et ses yeux d'un vert pétillant de vie.

Devant elle, Nathaniel était coiffé d'un catogan, ses cheveux noirs impeccablement entouré d'un ruban couleur océan. Il portait un costume trois pièces très élégant aux couleurs de la nuit, faisant ressortir son teint pâle et ses yeux bleu brillant. Ce qui frappa Maddie fut l'incroyable ressemblance de Nathaniel avec Isidore, ils avaient quasiment le même visage, si bien qu'on aurait pu croire que Nathaniel était une version plus âgée d'Isidore.

Les adolescents n'en croyaient pas leurs yeux, c'était comme regarder un film, mais dont les acteurs avaient vraiment vécu cette scène dans une autre époque. En fait, ils la vivaient avec eux !

Maddie remarqua l'inquiétude dans le regard de Galatée. Elle se tenait droite, mais, en y regardant de plus près on pouvait voir qu'elle était légèrement recroquevillée sur elle-même, les épaules à peine voûtées.

- Tu ne comprends pas, disait-elle, j'ai vu ce qui allait se passer. Maddie ne sera pas prête et il le saura. Je ne pourrai pas l'aider, je ne pourrai pas lui enseigner, la conseiller. Elle va apprendre seule à maîtriser ses dons, mais elle n'aura aucune idée de la portée de ses pouvoirs. Il lui faudra de l'aide.

C'était étrange d'entendre Galatée parler d'elle ainsi, Maddie était presque mal à l'aise en l'écoutant. Un sentiment de honte l'assaillit alors. Elle n'était pas prête, c'était vrai, mais l'entendre de la bouche de son ancêtre, c'était comme recevoir la pire des gifles de l'univers.

- On parle de ton héritière Galatée, répondit Nathaniel d'un ton calme, presque rassurant. Je suis sûr que cette jeune fille saura forcément comment faire. Eh puis tu sais que le futur n'est pas encore écrit, il peut être changé.

- Oui, mais je crains que cela se produise. Je l'ai vu Nathaniel, j'ai vu Raymond, son regard... Ses parents ont vu cette étincelle qu'il a au fond des yeux, ils ont su que cet enfant serait dangereux. Ils ont eu peur... Et il leur en veut tellement... Je crains que ce soit lui qui ait provoqué la mort de ses parents quand il a découvert qu'il avait une sœur.

- Tu parles comme s'ils étaient là maintenant, souligna Nathaniel. Tu as l'air d'oublier que cette vision se passe dans plus de deux siècles.

Nathaniel s'approcha d'un pas et prit Galatée dans ses bras. La jeune femme sembla se calmer.

- Ne t'inquiète pas, la rassura-t-il, je suis sûr qu'elle s'en sortira très bien. Et tu m'as dit que mon héritier serait avec elle, non ? Alors tout ira bien.

Maddie remarqua Isidore sursautant devant les paroles de son ancêtre. Il devait ressentir le même trouble qu'elle. C'était étrange de voir deux inconnus qui leurs ressemblaient tellement parler d'eux alors qu'ils n'étaient même pas encore nés à leur époque.

Galatée s'écarta de son ami d'enfance et renifla avant d'afficher un sourire magnifique.

- Oui, tu as raison. Et ils veilleront l'un sur l'autre.

- Comme nous ?

- Comme nous.

Nathaniel tenait la main de la jeune femme dans la sienne. Ils enlacèrent leurs doigts et se regardèrent dans les yeux un long moment. Maddie sentait peser sur elle et Isidore un profond malaise. Il y avait tellement de tristesse dans leurs regards. Et autre chose aussi, un sentiment qui semblait les lier bien au-delà de l'amitié. Leurs yeux brillaient d'un éclat que la jeune fille ne comprenait pas. Maddie comprenait à présent se qu'avait voulu dire Isidore aux archives du Centre. Il l'aimait, c'était évident. Mais si c'était réciproque comme ils pouvaient tous les deux le voir, pourquoi ne s'étaient-ils jamais mariés ?

Un bruit retentit soudain dans les escaliers. Nathaniel et Galatée sursautèrent et s'écartèrent vivement. Un jeune homme apparut alors en haut des escaliers. Des cheveux bruns coupés court, de grands yeux couleur acier, une peau halée, une lueur d'innocence brillait dans ses prunelles. Il afficha un sourire radieux en posant les yeux sur la jeune femme.

- Galatée, je te cherchais, ta mère nous attend dans le jardin. Tous les invités se demandent où tu as disparu.

- Je viens tout de suite, affirma-t-elle.

La jeune femme prit le bras que lui tendait le jeune homme, un sourire crispé aux lèvres et descendit les escaliers en sa compagnie, laissant Nathaniel seul en haut de ceux-ci. Maddie cru qu'on lui arrachait le cœur. Le regard si lumineux de Nathaniel venait de se voiler d'une tristesse si grande qu'elle aurait pu noyer un continent tout entier. Il tourna les talons et entra dans le bureau avant de refermer la porte derrière lui.

Le décor se mit alors à onduler autour des adolescents, puis tout devint flou.

Un battement de paupière plus tard et Maddie et Isidore se retrouvèrent au milieu du bureau secret de Léandro. Les deux fantômes les regardaient avec curiosité, impatients de savoir ce qu'ils avaient pu voir. Maddie se tourna vers Isidore, leurs regards se croisèrent.

- Elle n'était pas heureuse... souffla-t-elle en regardant le pendentif.

Sur la face opposée du pendentif où se trouvait le haïku apparut une image. Une photo plus précisément. Une photo de Galatée souriante de bonheur tenant dans ses bras un poupon aux joues rosies qui souriait devant l'objectif. Pourtant, ce n'était pas l'homme de la vision qui se tenait debout juste à côté d'elles, mais Nathaniel. Affichant un sourire franc et emplit de joie, il couvait du regard la jeune femme et sa fille. Maddie ne doutait pas un seul instant que Galatée avait dû faire de Nathaniel le parrain de son enfant.

- Un mariage arrangé, soupira Isidore en s'écroulant sur son siège, c'était courant à l'époque. Pas étonnant qu'elle n'ait pas épousé Nathaniel.

- De quoi vous parlez ? interrogea Jimmy alors que Maddie refermait le pendentif. Qu'est-ce que vous avez vu ?

Maddie inspira un grand coup. Elle se laissa choir sur le fauteuil dans un coin de la pièce et expliqua avec Isidore ce qu'ils venaient de voir. Maintenant il n'y avait plus aucun doute possible, les héritiers destinés à se battre étaient bien Raymond et Maddie. L'adolescente en avait la tête qui tournait.

Un rapide coup d'œil à l'heure et elle décida de partir, Lavande allait s'inquiéter de ne plus les voir.

- On se voit au dîner, annonça Isidore.

Maddie hocha la tête, évitant son regard. Après ce qu'elle venait de voir, elle était à présent complètement déprimée.