38. Not one of us

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            J'aurai du venir passer Noël ici bien avant au lieu de m'infliger son père et sa famille. Je ne le pensais pas, mais Karen et Stefan Draubier m'ont fait me sentir à ma place. J'ai toujours cru qu'ils m'en voudraient, qu'ils ne voudraient plus jamais entendre parler de moi ; même si Emma m'assurait le contraire.

J'ai eu l'impression d'avoir un père et une mère. Et des grand-mères également ! Pendant une semaine j'ai une famille. Pas une que j'ai construit j'entends. Le genre de famille que tu ne choisis pas, celle qui t'énerve, te fout la honte, mais celle qui tient à toi, te soutient envers et contre tous et que tu ne peux t'empêcher d'aimer. J'avais oublié ce que ça faisait...

J'ai aussi eu l'occasion de renouer, un peu, avec Alia. Pas une seule dispute de la semaine : un exploit pour nous. Je crois qu'elle commence à me pardonner, me faire à nouveau confiance. C'est agréable de retrouver la mère de ma fille. Même si nous ne sommes plus amoureux l'un de l'autre je lui ai toujours porté une grande affection. Je me suis rendu compte cette semaine que son amitié me manquait et que j'ai envie de la retrouver.

C'est la dernière journée au chalet et la dernière journée avec Samaé puisque demain elle partira avec Alia pour Lyon tandis que Marine nous ramènera Emma et moi à Saint-Biers. Je me sens triste mais je me rassure en me disant qu'elle, elle sera plus heureuse. Alors profitons !

J'enfile un manteau que Stefan m'a prêté pour rejoindre Samaé et son grand-père dehors. Ils sont en train de construire une famille de neige. Ma fille m'explique qu'ils roulent le corps du Papa pour le placer à côté des deux Mamans et qu'ils feront après l'enfant.

Je souris. Ce modèle de famille peu commun ouvre notre fille dès son plus jeune âge à l'ouverture d'esprit et à la bienveillance. Je suis fier de l'enfant qu'elle est et je suis sûr que je serai fier de l'adolescente et de l'adulte qu'elle deviendra. Samaé sera quelqu'un de bien, je le sais. A cet instant je me dis que peut-être, l'humanité n'est pas totalement perdue.

Le corps du Papa est de plus en plus gros et sera difficile à porter mais pour Samaé il n'est pas encore assez gros, alors nous continuons jusqu'à ce qu'elle nous arrête.

Je regarde cette grosse boule blanche me demandant comment nous allons bien pouvoir la faire tenir sur la première boule. J'examine la rondeur en fasse de moi et lance un regard désespéré à Stefan. Il me sourit tendrement. Ce sourire me réchauffe le coeur et me donne un peu d'espoir. Nous nous baissons en même temps puis dans un effort intense nous réussissons à soulever la boule pour la poser sur la première déjà présente. Nous maintenons la masse en place pendant que Samaé appose de la neige sur la jointure des deux boules pour les consolider et les faire tenir.

Nous avons devant nous un beau corps rond, grand et blanc. Ce Papa de neige ne manque que d'une tête. Quand nous avons posé cette fameuse tête, je porte Samaé pour qu'elle construise le visage du Papa. Elle pose premièrement la carotte pour former le nez. Ensuite elle dessine un grand sourire de caillou et des yeux de boutons. Pour ne qu'il ait froid, elle pose sur sa tête un bonnet et autour de son coup une écharpe. Et enfin elle plante deux bâtons pour construire les bras.

Je la pose au sol et elle contemple son oeuvre, satisfaite.

« Il manque que leur enfant ! Pour l'instant ils sont tristes.

— Tristes ? Pourquoi ? je m'étonne.

— Parce qu'ils ont pas encore l'enfant !

— Tu sais, il y a des familles, sans enfant, et qui sont heureux. Ils ne veulent pas d'enfant, ça leur va.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant