54. Broken

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Rana. Rana. Rana.

J'ai été obsédé par elle toute la nuit. Son histoire. Ses réactions. J'ai essayé de remettre dans l'ordre et d'assembler le puzzle de ce mystère. Mais il me manque une pièce, à savoir : qui la frappe. Je repense à la soirée où je lui ai parlé d'Astéria et son discours sur la justice. Il ne colle tellement pas avec ce qu'elle vit. Depuis quand le vit-elle ? Nouvelle pièce manquante. J'aurai tendance à dire depuis au moins la rentrée scolaire dernière puisqu'elle a toujours été spéciale avec moi, mais je n'en sais rien dans le fond...

Je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai tourné et retourné cette histoire dans tous les sens dans mon cerveau. Je veux comprendre pour l'aider... Je veux comprendre mais comment? Jamais ne me donnera ce que je recherche. Elle me l'a bien fait comprendre hier.

Il faut que je trouve une solution, mais pour ça il faut que je m'aère l'esprit. Je ressasse trop.

J'attrape mon paquet de clope. Je suis complètement sur les nerfs et la fatigue n'arrange rien. Je suis en colère, je suis mal pour Rana, je veux hurler à qui veut l'entendre que j'en ai assez de ce putain de monde injuste. Mais je ne fais rien. Je me contente de marcher vite, en fumant et en ressassant tout ce qui pourrait m'aider à comprendre. J'avance tout droit sans réfléchir. Et alors que cette sortie avec pour but de me changer les idées, je suis obnubilé par ses bleus, par son attitude étrange, par tous ces signes qui étaient là et que je n'ai pas vu, par tous ces signes qui sont là mais que je n'arrive pas à analyser. Je suis persuadé que je sais mais que je n'arrive pas à le ramener dans ma conscience. Il a y ce petit quelque chose qui m'échappe...

J'arrive devant le Not Very Straight Friend. Ils ont réouvert il y a un petit mois. Ils ont eu un soutien monstre. Même eux ne s'y attendaient pas. Je me rappelle l'émotion quand les propriétaires ont eu les larmes aux yeux de tous nous voir venir les aider physiquement et financièrement. Ce petit instant m'avait redonné fois en l'humanité mais aujourd'hui... J'ai juste envie de tout fracasser. Encore. Mais cette fois ma colère me semble bien différente parce qu'elle n'est pas dirigée contre moi mais contre les autres. Contre le monde entier, sauf moi. Non... Même moi... Mais un peu moins.

J'aurai du le savoir. J'aurai du comprendre ! Comment j'ai fait pour ne pas le remarquer alors que j'avais bien compris que quelque chose n'allait pas ! Et pourquoi je suis obsédé avec ces détails absents dans l'histoire ! Je n'en peux plus tout tourne en boucle dans ma tête, c'en est presque douloureux.

Je me pose alors contre une mur et j'observe le monde aller et venir. Le bar est ouvert même le dimanche et il y a des amoureux en terrasse. Je pense alors immédiatement à Will. Il me manque et je me rends compte que je ne lui ai pas envoyé de message hier. Mais maintenant avec cette nouvelle histoire, j'appréhende. Je ne veux pas lui mentir, mais j'ai promis à Rana de n'en parler à personne. Et j'accorde beaucoup d'importance aux promesses. Dès que j'ai fini de dévisager chacune de ces personnes, mon regard est attiré par des lettres noires sur un papier blanc, collées sur le mur en face de moi : «On ne frappe pas par amour.». Un nouveau collage féminicide. Ils se multiplient de plus en plus. Ces femmes sont de plus en plus nombreuses à dénoncer ces violences qu'elles subissent uniquement parce qu'elles sont des femmes. Et à côté de ce message de douleur et de colère, les gens sont heureux, insouciants... Ce contraste me tord le ventre. Ce monde mérite de pourrir.

Soudain j'aperçois Octave sortir du bar. Il se sépare de son groupe de «potes» et prend la rue dans ma direction. Immédiatement mon cerveau fait remonté un souvenir. Lui qui maltraite verbalement Rana jusqu'à la faire pleurer le jour où Hélios était absent. Une colère noire s'abat sur moi. J'attends Octave et dès qu'il passe à ma hauteur, je l'attrape pour l'emmener dans une rue parallèle, moins bondée. J'ai besoin d'un coupable et à ce moment il parait être le coupable idéal. Je l'attrape par le col et le plaque au mur, comme à notre habitude.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant