Des Cendres sous les Cieux

47. Be prepared

« Heu, qu'est-ce que tu fais là ? » je m'étonne en me défaisant de ce baiser.

Il trésaille, déstabilisé. A quoi s'attendait-il ?

« Il me semble que c'était clair... bredouille-t-il pour une fois si peu sûr de lui. Désolé...

— Désolé ? Désolé de quoi ? De m'avoir embrassé ? Ou d'être un harceleur ? Tu es bien gentil mon petit Octave mais être gay ne te donne pas le droit d'être un connard. Est-ce que tu penses qu'être gay te pardonne tout ? Tu es méchant, mesquin, brutal, cruel, détestable, perfide, minable, lamentable, piètre...

— Oui c'est bon j'ai compris... marmonne-t-il en se détournant.

— Regarde-moi ! »

Le ton de ma voix fait qu'il s'oblige à m'obéir.

« Je pourrais continuer encore, des adjectifs qui te qualifient j'en ai plein, mais pas un seul de positif. Tu es pitoyable Octave. Tu as besoin de martyriser les autres pour te sentir fort. Tu pousses au fond ceux qui ont besoin d'une main tendue. Tu ne t'assumes pas, tu as peut-être été harcelé au collège, au lycée, dans la rue à cause de ton orientation sexuelle. Je sais que c'est dur d'être homosexuel dans notre société. Mais ce que tu subis n'est pas une excuse à ton comportement, ce n'est pas un joker. Être oppressé, Octave, ne te donne pas le droit d'être un oppresseur. ça ne te rend ni plus fort, ni plus intelligent. ça fait juste de toi une personne méprisable et pathétique. Et ça ne t'accorde pas non plus une carte de pardon immédiat. Surtout à ton âge. Parce que tu as quoi ? 21, 22 ans ? Tu n'es plus un enfant qui se sent mal dans sa peau et qui ne trouve pas d'autres solutions pour se sortir de son mal-être que la violence morale. Tu as grandi et tu es adulte. Tes mots et tes actions ont des conséquences et simplement révéler que tu es gay n'annule rien. Tes mots et tes actions ont des conséquences Octave, et tu n'as pas d'autre choix que de les assumer. »

Je tourne les talons pour aller rejoindre Will sans attendre de réponse mais Octave m'attrape le bras fermement.

« Tu... tu n'en parleras pas, hein ? bredouille-t-il. Au café personne ne doit être au courant. »

Je ne réponds pas. Il mérite de stresser un peu. Peut-être comprendra-t-il l'angoisse dans laquelle il met ses victimes et qu'il arrêtera enfin.

De toute façon, je vais devoir en parler à Will, par respect pour lui. Et certainement qu'Emma sera personne, comme d'habitude.

« ça va ? me demande Will immédiatement quand je sors.

— Pourquoi ? je me braque.

— Tu as quand même mis assez longtemps pour te changer et puis... »

Il s'approche de moi et pose délicatement ses doigts sur mon front.

« Ta face toute lisse affiche des rides d'inquiétudes. »

Surpris j'amène une main vers la zone qu'il me désigne et frotte comme si je pouvais les effacer de cette manière.

« Tu me racontes ?

— Ouais sur le chemin viens. D'ailleurs faut que je m'arrête acheter quelque chose à manger aussi, sinon je vais mourir de faim. »

Il hoche la tête et nous nous mettons en route. Will se rapproche de moi et délicatement, il glisse sa main vers la mienne puis entrelace nos doigts. Mon coeur rate un battement. Je ne m'y attendais pas mais j'applique une pression pour lui montrer que j'apprécie ce geste. Pourtant je n'arrive pas à être totalement heureux. Je me sens un peu coupable, et la situation n'est pas claire. Que sommes-nous l'un pour l'autre ? Nous ne nous sommes pas embrassés pour se saluer mais je sens qu'il faut que je lui parle d'Octave pour être totalement honnête avec lui. C'est étrange. Je n'aime pas ce genre de flou. Je hais ne pas savoir et ne pas pouvoir contrôler la situation. Et puis il y a Rana...