Comment j'ai pu réussir à faire la tête aussi longtemps à Emma ? En partant de chez elle je me suis senti extrêmement con. Ce que je lui ais fait subir était puéril, immature et injuste... Bien qu'on ne contrôle pas ce qu'on ressent, malheureusement, on peut choisir la manière de réagir, et je sais que celle-ci n'était pas la bonne.
Lorsque j'arrive au café, Emma n'est pas encore arrivée. C'est étonnant, c'est pour elle qui arrive en avance et moi en retard d'habitude. Je ne me pose pas trop de question, il n'est qu'onze heures quinze. Il lui reste quinze minutes pour arriver.
En me dirigeant vers les vestiaires, mon regard croise celui de Rana et instantanément un souvenir m'assaille.
«Elle n'est pas seule, elle a un copain certainement de la famille, amis... »
Les paroles d'Emma raisonnent dans mon esprit. Oui, elle a probablement raison. Oui, Rana a probablement des gens sur qui s'appuyer...
Probablement... Cet adverbe me fait prendre conscience que je n'en sais rien, que je ne connais pas aussi bien Rana que je le souhaiterais. Que je ne la connaît pas même. Et pourtant quelque chose me bloque, m'empêche d'accepter la proposition d'Emma de la suivre à Lyon. J'ai réellement le sentiment que cette fois je pourrais faire quelque chose... Parce que je sens qu'elle n'est pas aussi entourée que le pense Emma. Parce que j'ai l'impression que ce qu'elle vit, je l'ai vécu. Alors peut-être qu'après je pourrais les rejoindre ? Mais pour l'instant, ma place est ici. J'ai besoin de boucler des boucles, de me libérer, d'aller mieux et peut-être qu'après je pourrais tout recommencer à zéro.
Je lui fais un petit signe de la main pour la saluer, elle me répond avec un faible sourire avant de détourner les yeux. J'ignore sa réaction, je me persuade que ce n'est rien et je vais me changer. Et la journée se passe tout, sauf normalement. Entre Rana qui m'ignore et Octave qui décide de péter un câble en plein milieu du café... Je n'ai attendu qu'une chose, rentrer chez moi pour pour préparer l'arrivée de ma fille. Pour commencer, faire les courses. Je n'ai rien à manger chez moi qui puisse convenir à une enfant de cinq ans.
Alors dès que la journée de travail se termine je fonce à l'épicerie d'Ibrahim. Avec un peu d'appréhension il faut l'avouer. La dernière fois je me suis bien fait remonté les bretelles, à raison. Avant de rentrer dans l'épicerie je prends une grande inspiration pour me donner du courage. Alors je pousse la porte. Ibrahim est à la caisse. Quand il m'aperçoit il me toise en me demandant directement :
« Tu lui as parlé ?
— Oui, je réponds un peu honteux.
— Bien alors entre, entre mon garçon. »
Son air désapprobateur se transforme immédiatement en une humeur accueillante. Il me sourit et ouvre ses bras.
« Tu n'es donc pas si têtu que ça, s'écrie-t-il en venant m'embrasser.
— Visiblement, je murmure tout de même un peu gêné.
— Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
— Je n'ai pas le droit de venir te rendre visite. »
Il tire sur la paupière basse pour me signifier un «mon oeil». Il n'a pas tort, je ne viens pas souvent juste pour lui rendre visite. Mais ça arrive !
« Ok, cette fois-ci je viens chercher de la nourriture seine pour une enfant.
— Oh ta pitchoune vient ce weekend ?
— Oui ! Dès ce soir !
— Je suis très content pour toi. »
Et moi donc Ibrahim, je pense. Aussi excité que moi, il me suit dans mes courses, m'aide et me conseil. Je me retrouve à acheter des légumes frais, la plupart du temps je prends tout en conserves ! Je n'ai pas cuisiné depuis un moment maintenant, j'espère que je ne vais pas dégoûter mon enfant de venir dormir chez moi. J'achète au cas où des cordons bleus et des coquillettes. Ce plat est toujours une valeur sûre. C'est ce que me faisais ma mère petit, puis plus tard, quand on dînait tous les deux parce que mon père était trop occupé à la tromper.
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Des Cendres sous les Cieux
Fiksi UmumGrâce à Emma, sa meilleure amie, Asher vient de trouver un travail. Sa vie peut recommencer. Enfin... Elle le pourrait si ses secrets ne planaient pas tout autour de lui. Si les secrets de ceux qui l'entourent ne venaient pas se mêler à sa souffranc...