The void

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« Eh mon bébé, comment tu vas ? »

J'ai seize ans. Je vois mon moi d'il y a cinq ans, tenant mon bébé dans les bras. Je suis dans une chambre d'hôpital. Une chambre double. Pourtant il n'y a qu'une seule mère ici. La mère de mon enfant.

Je souris. En regardant à leur tour mon bébé et sa mère. Je suis heureux. Pourquoi est-ce que je n'ai plus le droit d'être heureux comme ça ? J'oublie que je suis dans une chambre d'hôpital, de maternité pour être plus exacte, glauque et sale. Je suis heureux. Et rien, rien ne pourra perturber se bonheur.

La scène s'assombrit d'un coup. Tout autour de moi disparaît. Je suis avec... d'Astéria ? Comment c'est possible ? Elle est morte, elle ne peut pas... être là. Je secoue la tête, c'est impossible c'est un cauchemar.

Pourtant tout me semble si réel. Elle est là, morte dans mes bras. Ce n'est pas un cauchemar c'est un souvenir ? Non, mon amour, mon bébé, réveille-toi ! Ce n'est pas l'heure de dormir. RÉVEILLE-TOI !

Je hurle dans le vide. Mon cri ne résonne pas. Il n'y a aucun son qui sort de ma bouche. Mes cordes vocales sont bloqués. A moins que ce soit parce que tout autour de moi soit vide et que dans le vide, le son ne peux pas se propager ?

Rien de mes appels de détresse ou de mes pleurs ne la réveille. Alors je la secoue. Je secoue son tout petit corps entre mes bras qui se met à grandir, grandir et grandir encore. Son corps devient liquide entre mes doigts et je commence à ne plus pouvoir le tenir alors il m'échappe et je hurle de plus bel. Je hurle son nom. Je hurle que je suis désolé. Mais rien n'y fait son corps m'échappe et sa vie également. Je suis en train de la tuer !

Non elle était déjà morte...

Je n'ai plus rien dans les bras, elle a disparu. Je suis anéanti. Je me recroqueville par terre. Je pleure. Et je n'arrive pas à m'arrêter. J'essaie, je veux mais les larmes ne cessent de couler. J'ai mal. J'ai mal partout. Mon coeur, il est littéralement en train de se briser. De se déchirer. Je le sens, je le sais.

Soudain, dans toute cette pénombre j'entends des bruits de marécage venant de juste droit devant moi. Je relève la tête et j'aperçois devant moi une masse. Quelque chose en train de se former... Et une voix. Caverneuse, un écho.

« Pourquoi tu m'as laissée mourir ? »

Un corps. Devant moi. Quelque chose que je ne connais pas, que je ne reconnais pas. Des lambeaux de peaux, un aspect zombifié. Je ne vois rien dans cette pénombre. Mon coeur commence à battre, à s'accélérer. Cette chose se mue, se rapproche de moi.

J'ai peur.

« Pourquoi tu m'as laissée mourir ? »

La voix se déforme, me terrifie.

Je tente de me reculer mais je trébuche.

« A-Astéria ? Non... Ce n'est pas... Les médecins... Ils disent que ce n'est pas ma faute...

— Pourquoi tu m'as laissée mourir ? »

Ce zombie, ce monstre continue à se rapprocher de moi. J'aimerais qu'il stoppe, je veux qu'il cesse !

« Je suis désolé ! je hurle. Je suis terriblement désolé ! » je pleure.

Mon visage est déformé par la douleur. J'ai le corps crispé par la terreur.

« Pourquoi tu m'as laissée mourir ?

— Non je n'ai pas...

— Pourquoi tu m'as laissée mourir Papa ?

— Samaé ? Non ! Ce n'est pas vrai, tu es toujours en vie toi ! SAMAÉ ! »

Je me relève et je tente de me jeter sur elle pour la sauver. Mais lorsque je referme mes bras sur elle, elle m'échappe, son corps s'envole en fumée.

Alors je me retrouve au sol. Je pleure de plus bel. J'ai tellement mal. Je voudrais que tout ça cesse. Je ne veux plus ressentir de la douleur. J'ai trop donné. Je veux que ça s'arrête.

« Aide-moi...»

Cette fois c'est un murmure qui s'élève derrière moi. Je me retourne vivement effrayé par ce que je vais bien pouvoir voir. Rien.

« Aide-moi...»

Le murmure, fantomatique, ricoche sur les parois de ce que je ne vois pas. Je tourne la tête dans tous les sens pour essayé d'en trouver l'origine. Mais je ne peux pas, parce qu'il n'a pas d'origine, il arrive de partout !

J'ai peur, je suis épuisé, je ne peux aider personne. Je ruine, je tue mais je n'aide pas.

« Aide-moi Asher...

— QUI ES-TU ? » je hurle alors.

Et la réponse se fait assez évidente. D'autant plus que je vois devant moi le corps de Rana dégoulinant de sang.

« Aide-moi...» murmure-t-elle.

Mais sa voix ne vient pas d'elle. Elle a les mains sur sa gorge. Elle souffre, elle ne peut pas parler mais j'entends son appel à l'aide. COMMENT TOUT ÇA PEUT JUSTE POSSIBLE ?

Je deviens fou. J'attrape ma tête et je serre mes cheveux extrêmement fort. Je ne comprends pas, je ne comprends plus rien. C'est moi qui ait besoin d'aide.

Emma où es-tu ? J'ai besoin de toi... Tu es la seule... La seule qui ait toujours été là du début à la fin. La seule qui m'ait aidée. Tu es la seule...

Je me lève tant bien que mal. Je souffre. Je pleure. Je titube.

J'avance petit à petit, je boite, je fais du mieux que je peux. Soudain je tombe. Je me sens tomber. Dans le vide. Ma tête tourne, encore et encore. J'ai mal. Ma tête me fait mal. Mes bras me font mal. Mon ventre me fait mal. Mes jambes me font mal. Mon coeur...me fait mal.

Et je tombe dans le noir.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant