55. Friend, Please

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J'ai la tête contre le torse de Will. J'ai le coeur en miettes et il l'a compris dès qu'il est entré chez moi et a vu ma tête. Je suis donc un véritable livre ouvert... J'ai le coeur lourd de ne pas lui en parler mais il a compris tout de suite. Alors nous sommes sur mon canapé, allongés, mais dans le silence. Il caresse doucement et tendrement mes cheveux ce qui m'apaise un peu. Voilà deux semaines que Rana ne me répond plus, et m'ignore au café. Mais comme elle continue d'y venir je la vois debout et vivante alors je suis rassuré. J'avais peur qu'Octave prévienne Hélios et que ça se passe mal, mais j'ai l'impression qu'il a tenu sa langue. Un secret pour un secret. A moins que le coup qu'il s'est pris lui est remis les idées en place et lui ai rendu une conscience.

Je soupire longuement et je tourne mon oreille contre la poitrine de mon cher et tendre. J'écoute son coeur battre au lieu de regarder le film que nous avons mis sur mon ordinateur portable. Ce son régulier me détend. Il m'ancre dans la réalité, dans un présent doux. Je me concentre sur les battements pour éloigner toutes les pensées douloureuses qui m'assaillent.

J'ai fait beaucoup de recherches pour avoir une idée de comment l'aider. Et j'ai appris des choses que je n'imaginais même pas. Les chiffres sont révoltants. Je suis en premier allé voir sur le site du gouvernement qui recense en moyenne, au cours d'une année, 219 000 femmes victimes de violences conjugales, compagnon et ex-compagnon inclus.

Selon certaines études, que j'ai lu par la suite une femme sur dix aurait déjà été victime de violences conjugales au cours de son existence, trois femmes victimes sur quatre déclarent avoir subi des faits répétés et huit femmes victimes sur dix déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales.

Chaque année, entre 1000 et 1200 viols conjugaux sont déclarés aux services de police et de gendarmerie. Dans 90% des cas des cas, l'auteur du viol est un homme. Et puisque ces viols sont seulement ceux qui sont déclarés, la réalité me fait frémir de dégoût.

Chaque année, ce sont entre 100 et 200 personnes qui décèdent des suites de violences conjugales. Autrement dit, une femme meurt tous les 2 ou 3 jours en moyenne à cause des violences conjugales. En 2019 ce sont 151 féminicides qui sont recensés.

Ces chiffres sont révoltants. Mais j'éprouve également un certaine amertume envers moi-même. Il a fallu qu'une personne qui m'est chère se retrouve dans cette situation pour que je m'y intéresse. Ce n'est pas normal.

J'ai envoyer plusieurs SMS à Rana pour lui montrer mon soutient et essayer de lui faire comprendre que ce qui lui arrive est violent et intolérable. Je sais que son portable aurait pu être surveillé et mes messages être dangereux, mais Octave m'a assuré que ce n'était pas le cas. Ce type a beau être une ordure, il faut lui reconnaître que ce n'est pas un menteur. Alors j'ai commencé à être plus clair. Bien que je n'obtenais pas de réponse je suis sûre qu'elle a lu chacun des messages.

« Je te crois et je te soutiens. »

« La loi interdit et punit ses propos et ses actes.»

« Hélios est le seul responsable. »

« Tu n'y es pour rien. »

« Tu peux être aidée. »

« Je peux t'aider. »

J'ai fini par comprendre avec mes recherches que si elle acceptait tout ça sans broncher c'est parce qu'Hélios et notre putain de société patriarcale lui avait retourné le cerveau. J'ai aussi compris qu'elle était loin d'être la seule à toujours être enfermé dans ces engrenages toxiques. Et j'ai surtout compris que malgré moi je participais à tout ça... et qu'il était temps de me déconstruire.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant