34. Boulevard of Broken Dreams

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Les vacances de Noël approchent à grands pas et avec elle la fermeture du café pour les vacances et le départ définitif de Samaé de Saint-Biers. C'est ce que nous avons décidé tous les quatre, ensemble, comme la famille que nous sommes. Nous avons pensé que la nouvelle année était une bonne idée pour un nouveau départ pour notre fille.

Quand Emma m'a annoncé l'envie de Samaé de quitter Saint-Biers, j'ai eu un coup au coeur. Je ne m'y attendais pas... Et j'ai eu l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, de ne pas avoir réussi à rendre ma fille heureuse. Puis je me suis raisonné, c'est justement en la laissant partir que je la rendrais heureuse. Et je me suis rassurée, Emma à mes côtés, je ne perdrais pas ni mon enfant ni la tête. Elle fera toujours le lien entre Alia et moi et m'aidera à continuer à remonter la pente.

Alors j'ai pris sur moi, j'ai mis ma tristesse de ne plus voir ma fille une semaine sur deux et j'ai joué à l'adulte responsable. Et je pense que j'ai été plutôt convaincant. Alia m'a semblé assez en confiance et j'ai ressenti un petit quelque chose de l'époque du lycée. J'ai eu l'impression d'avoir retrouvé un bout de son amitié. Il y avait dans son regard une douceur et une sorte de fierté maternelle.

Pour compenser ma tristesse de voir Samaé s'éloigner, j'ai profiter un maximum d'elle lorsqu'elle était à Saint-Biers et... je me suis rapproché de Rana quand ma fille n'était pas là. J'ai eu besoin de me confier à quelqu'un extérieur à ma situation. Et Rana était là pour moi. J'ai l'impression d'être l'ami dont elle avait besoin depuis longtemps. Mais si je me suis confié, j'ai l'impression de ne pas réellement connaître Rana. Elle reste silencieuse et mystérieuse, elle m'écoute, elle rit quand il faut rire, me soutient quand il faut me soutenir mais elle ne dit rien.

Et pourtant, j'ai vraiment l'impression d'être proche d'elle. Je passe tout mon temps en sa compagnie. Et j'ai l'impression qu'elle recherche la mienne : Hélios passe de moins en moins de temps chez eux, à cause de réunions pour sauver le café...

Je vais me changer et attends Rana devant la vitrine. Aujourd'hui je ne suis pas de fermeture, alors j'ai proposé à Rana d'aller nous balader dans le parc puis en ville si elle le souhaite. Je fume, dos au café en l'attendant, quand soudain quelqu'un me saute dessus.

« Tu m'as fait flippé ! je m'écrie quand Rana m'attrape dessus en éclatant de rire.

— J'espère bien ! C'était le but. »

Elle me tire le bras pour qu'on se mette à marcher. Alors je la suis. On parle de la pluie et du beau temps puis de ma famille, de mes amis, de mes projets. De moi. Rana est très curieuse, elle me pose beaucoup de questions m'empêchant de la questionner à mon tour.

Moi aussi je suis curieux, mais je la laisse faire. J'ai peur qu'en la brusquant, elle se ferme totalement. Alors je ne dis rien, je laisse les choses faire en me disant qu'un jour elle m'ouvrira son coeur.

Nous marchons lentement sur les chemins de terre, le long des grands érables. Le soleil commence à décliner et le froid à se faire de plus en plus mordants. Je sens Rana commencer à grelotter à mes côtés. Je remarque à ce moment qu'elle ne porte qu'une petite veste, elle ne devait certainement pas s'être préparé ce matin à sortir. Elle ne dit rien mais je sens bien que ça ne va pas.

La virée en ville ce sera donc pour un autre jour.

« Tu veux venir chez moi ? je lui propose

— ça ne te dérange pas ? »

Elle est gênée, ça se voit. Elle regarde le sol et se triture les doigts. Mais elle a froid, et je n'ai pas envie de la quitter maintenant. J'aime sa compagnie. Elle me permet de sortir de mon quotidien, de vivre dans un autre cercle. Je suis bien avec elle, en continu. Quand je suis avec elle je ne connais que des hauts, aucun bas.

Des Cendres sous les CieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant