Jade claqua la portière de sa Coccinelle bleu pastel et pénétra dans le gymnase Marie Curie, où les familles gitanes avaient provisoirement été installées. A sa grande surprise, il était presque vide. La majorité des familles étaient déjà parti, ayant pu se faire héberger par d'autres groupes de nomades sur des terrains alentours. Seule la famille proche de l'enfant qui avait péri dans l'incendie était encore là.Jade sourit à un groupe de femmes assises sur des chaises en plastique qui lui lançaient des regards suspicieux.
— Bonjour, fit Jade, je cherche Tino.
Les femmes se regardèrent. Une dame d'une cinquantaine d'années lança finalement à Jade.
— Qu'est ce que tu lui veux ?
Jade bafouilla quelques chose d'incompréhensible. La plus vielle femme du groupe se leva et s'approcha d'elle.
— Tu es Tzigane, n'est-ce pas ?
Jade observa la vieille femme, son teint cuivré, ses yeux d'un noir profond et ses cheveux cachés par un foulard noir.
— Pas du tout, bafouilla Jade, je suis journaliste et je voudrais parler à Tino.
La vielle femme ne répondit pas, la dévisageant toujours. Jade sursauta quand elle lui prit la main. Elle en observa attentivement la paume.
— Si tu es Tzigane, dit-elle, le sang ne ment pas.
Jade allait répondre, mais l'une des femmes pris la parole.
— Laisse la gadji, Maria.
La femme relâcha la main de Jade en murmurant quelque chose d'incompréhensible.
— Tino est là-bas, repris l'autre femme en lui indiquant les gradins.
— Merci, fit Jade.
Elle se dirigea vers l'homme en question, un grand gaillard affichant un sérieux embonpoint.
Jade se réinstalla dans sa Coccinelle, mais ne démarra pas le moteur, trop chamboulée par ce qu'elle venait d'apprendre. Tino, le chef du groupe de gitans et son fils Jason, lui avaient confirmé qu'Adam Benassya les avait menacés le jour de leur arrivée. L'information que lui avait donné ce Marvin qu'elle avait eu la veille au téléphone était donc exacte, du moins, en partie. Maintenant que c'était confirmé, Jade ne savait pas vraiment ce qu'elle allait faire de cette info, écrire un article ? En parler à Laura ? Sauf qu'elle connaissait bien l'amitié que portait Laura à Adam, elle n'accepterait certainement pas de laisser publier un article qui pourrait lui faire du tort. Jade se demandait si Adam Benassya pouvait être responsable de l'incendie. Elle le voyait mal avec ses belles chemises, sa Rolex et sa Porsche Cayenne aller mettre le feu à des caravanes au beau milieu de la nuit sur un terrain de rugby. Mais payer quelqu'un pour faire la sale boulot à sa place, songea-t-elle, c'était sûrement dans ses cordes.
Jade prit finalement la direction du journal où elle travaillait. Il fallait qu'elle fasse des recherches, et peut être qu'elle en parle à Karl. C'était lui le rédacteur en chef après tout.
***
Anthony alluma une cigarette, confiant. Du minuscule balcon de l'appartement qu'il partageait avec sa mère, il avait vue sur la dalle de béton de la cité. Marvin avait téléphoné à la journaliste, elle l'avait écouter, ce n'était plus qu'une question d'heures avant que l'arrêt de mort de Benassya ne paraisse dans le journal. Anthony ne savait pas vraiment pourquoi, mais il avait envie de revoir cette Jade Marchand. C'était visiblement une fille consciencieuse, Tino l'avait appelé quelques heures auparavant, elle avait vérifié les informations que Marvin lui avait transmises.
Evidemment Tino avait dit la vérité, c'est ce qu'Anthony lui avait recommandé. Comment veux-tu qu'on retrouve qui a fait ça si tu caches des trucs, lui avait-il dit. Dire la vérité, aux flics, aux journalistes, à tous ceux que ça pouvait intéresser. Benassya les avait menacé, lui et sa communauté. Il avait menacé des hommes, des femmes, des enfants. Ces hommes et ces femmes avaient tout perdu, et un enfant était mort. Comme par hasard.
Anthony savourait sa Che, Benassya se serait bientôt qu'un lointain souvenir. Cette histoire allait l'enterrer, définitivement. Marietti allait tomber de son trône tant il serait éclabousser par le scandale, et Anthony poserait ses fesses sur le plus confortable fauteuil de la salle du conseil municipal. Il s'y voyait déjà, Maire, dirigeant cette ville qui l'avait toujours méprisé, lui et tous les habitants de ce quartier des Cigales. Il avait compris très jeune que les mots Liberté Egalite Fraternité inscrits en gros sur le frontons des écoles et des mairies n'étaient la que pour faire joli. On ne traitait pas les gens pareil, ceux qui vivaient à la Bardane inspiraient le respect alors que ceux vivant aux Cigales inspiraient la crainte. Des animaux qu'il fallait parquer pour que les Nantis puissent vivre sans problèmes de consciences.
Oui, beaucoup de choses allaient changer, terminé les privilèges des riches, les prolétaires allaient retrouver leur droits et leur dignité. Plus personne n'aurait honte d'habiter un trois pièces aux Cigale plutôt qu'une baraque à un million de la Bardane. La lutte n'est jamais vaine, se dit Anthony en embrassant du regard les minots qui jouaient au foot et le soleil qui se couchait derrière les premières montagnes de l'arrière-pays provençal.
La dictature du prolétariat, tel qu'Anthony l'avait toujours rêvée, semblait de plus en plus proche, de plus en plus réalisable. Les petits bourgeois pouvaient trembler, planquer leurs bijoux sous le tapis, leurs jours étaient comptes. Comme Louis XVI avait été embastillé, Benassya allait passer un moment à l'ombre, et qui sait si, avec un peu de chance il ne ressortirait pas les pieds devant. L'espérance de vie d'un Juif dans un prison remplis de caïds maghrébins ne devait pas excéder un quart d'heure, se dit Anthony en terminant sa cigarette.
Oui, l'avenir s'annonçait radieux.
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La Race du Pouvoir [TERMINÉ]
General Fiction*Ceci est la suite de mon premier roman "Tu feras pleurer les plus belles filles".* Vous avez aimé Tu feras pleurer les plus belles filles ? Retrouvez Adam, Ruben, Idan et Matteo dans "La Race du Pouvoir" Le temps a passé, ils ont désormais trente a...