Chapitre 17

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— Adam, réponds bordel, faut que tu ramènes tes fesses !

Marietti lui avait laissé quatre messages, tous entre trois heures et demie et cinq heures du matin. Après, il avait dû laisser tomber. Adam s'était couché à deux heures du matin, après deux cigares et trois verres de Chivas. Il avait oublié son iPhone dans le salon quand il était monté se coucher. Son portable avait dû sonner dans le vide.

Quand il se leva, à sept heures et demie, il rappela immédiatement le maire.

— Adam, hurla-t-il, tu foutais quoi ? T'es au courant de ce qui s'est passé ?

Adam écarta son iPhone de son oreille, il n'avait aucune envie de devenir sourd. Il se dit que ça ne ressemblait pas à Marrietti de hurler comme ça, il avait dû se passer quelque chose de grave.

— Je dormais, répondit-il, il s'est passé quoi ?

— Le camps des gitans a cramé, lui annonça le maire, j'ai besoin de toi.

Il raccrocha sans laisser à son adjoint le temps de répondre. Adam se laissa tomber sur une chaise de la salle à manger. Elisheva courait déjà dans tous les sens pour préparer Salomon et Seth pour l'école. Leurs amis dormaient encore, à l'étage.

— Adam, il y a un problème ?

Il avala sa salive et se releva, tripotant nerveusement le bracelet de sa Rolex.

— Faut que j'y aille, fit-il, le camps des gitans a brulé.

Adam avait rappelé Marietti qui lui avait dit de le rejoindre au terrain de rugby. Si les structures du stade n'avaient pas été endommagées, la plupart des caravanes n'étaient plus que des amas de plastique fondu et de tôle carbonisée. Des camions de pompiers et des voitures de police étaient stationnés à l'entrée du stade. La police municipale semblait monter la garde mais les agents s'écartèrent pour laisser passer Adam. Il retrouva le maire, en grande conversation avec le chef des pompiers.

— Adam, fit Marietti en l'apercevant.

Il s'attendit à des remontrances qui n'arrivèrent pas. José Marrietti avait l'air à bout de nerfs.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Adam.

— Les caravanes ont pris feu vers trois heures du matin, répondit le maire, je te le dis tout de suite, c'est criminel et...

La voix de Marietti dérailla, il semblait complètement abattu. Adam compris soudain.

— Il y a un mort ? lanca-t-il.

— Un bébé, répondit le maire, six mois.

Adam étouffa un « putain », malgré lui ses pensées s'envolèrent vers Seth et Salomon. Il allait demander des précisions quand deux policiers nationaux s'approchèrent.

— Monsieur Benassya ? fit celui qui semblait être le plus gradé.

Adam hocha la tête, encore sous le choc de ce qu'il venait d'apprendre. L'autre continua.

— On voudrait vous posez quelques questions.

Adam les suivit alors qu'ils s'éloignaient de quelques mètres. Il essayait d'imaginer ce que les parents du bébé décédé dans l'incendie pouvaient ressentir, l'horreur, se dit-il, l'horreur absolue.

— Monsieur Benassya, repris le policier, vous êtes adjoint au Maire, c'est bien ça.

Adam hocha la tête, se demandant subitement pourquoi la police voulait l'interroger.

— Vous étiez d'astreinte hier et c'est vous qui avez, euh, parlementé avec les MENS ?

— Avec les quoi ? demanda Adam.

— Les gens du voyage, fit l'autre flic.

Adam hocha la tête. Il ne voyait pas bien ou le policier voulait en venir.

— Il nous a été rapporté que vous les auriez menacé, déclara le plus gradé.

— Hein ? s'exclama Adam, menacé ? J'ai une tête à menacer les monesses ?

L'un des flics sourit malgré lui. Le maire s'était repris et se rapprocha d'Adam et des deux policiers.

— MENS, corrigea l'autre, vous leur auriez dit 'ne vous étonnez pas s'il vous arrive des bricoles'.

— Hein ? s'exclama le maire, t'as dit ça toi ?

Adam avala difficilement sa salive.

— Bien sur que non, et puis vous croyez quoi ? s'énerva Adam, que je me lève la nuit pour aller mettre le feu à des caravanes !

— Donc vous démentez les avoir menacé ? demanda le policier.

Marietti allait répondre mais Adam déclara.

— J'ai peut-être eu une parole malheureuse en leur disant qu'ils n'allaient pas se faire que des potes en squattant le terrain de rugby alors qu'on avait un tournois de prévu.

Les deux policiers échangèrent un regard, Adam Benassya, avec sa belle chemise et sa Rolex n'avait pas vraiment le look d'un pyromane.

— Qu'est-ce que vous faisiez hier soir ? questionna le grade.

— J'étais chez moi, répondit Adam, avec ma femme, mes fils et des amis.

— Vous vous êtes couché à quelle heure ?

Adam réfléchit un instant, ils avaient dû abandonner le Chivas et les cigares vers deux heures du matin.

— Je vais faire tout ce que je peux pour vous aider, ajouta Adam, un petit gamin est mort, il faut trouver qui a fait ça.

Il eut envie d'ajouter 'parce que c'est pas moi' mais il s'en abstint, il n'avait pas besoin de clamer son innocence. Les policiers hochèrent la tête, lui posèrent encore quelques questions puis le laissèrent après avoir pris son numéro de téléphone.

— Tu crois que j'ai merdé ? demanda Adam à Marietti.

Il secoua silencieusement la tête, il avait voulu empêcher Adam d'avouer qu'il avait eut des mots un peu durs avec les gitans, mais finalement, il se disait qu'il avait bien fait de jouer la carte de la sincérité, les policiers allaient sûrement passer à autre choses, et pourquoi pas, trouver le vrai coupable.

Adam s'excusa auprès du maire. Il venait de reconnaitre le chef du groupe de Gitans, assis sur une chaise en plastique, le visage dans les mains.

— Bonjour, tenta Adam.

L'homme releva la tête, il avait pleuré. Sa belle assurance de la veille n'était qu'un lointain souvenir, l'homme face à Adam semblait totalement brisé.

— Je voulais, euh, m'excuser pour hier, j'ai dit des choses que je n'aurais peut-être pas dû et...

Il s'aperçut que le visage de l'homme s'était durci. La dignité qui tentait de prendre le dessus sur la tristesse.

— C'est tellement dérisoire un tournois de rugby à côté de ce qui s'est passé, poursuivit Adam, je voulais présenter mes condoléances à votre communauté.

L'homme hocha la tête, il ne s'attendais visiblement pas à ça. Adam lui tendit sa carte de visite.

— Est-ce que vous voulez une aide psychologique ? demanda-t-il.

L'homme secoua la tête.

— C'est bon pour les gadjo ça, nous on veut juste être ensemble.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez-moi, lança Adam.

Il lui tendit la main, et, à sa grande surprise, l'homme la serra.

— Merci, fit-il.

La Race du Pouvoir [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant