Il était à peine neuf heures ce jeudi matin quand Adam arriva dans son bureau, à la mairie. Contrairement à l'ordinaire, Marietti était déjà. Adam se dit qu'il avait dû passé la nuit chez lui, avec sa femme et non à sa garçonnière dans les bras de sa maitresse.
Adam s'était installé à son bureau depuis moins de dix minutes quand le maire l'informa que les deux officiers de police étaient arrivés. Ils annoncèrent sans préambule qu'ils avaient des images des incendiaires. Des agents avaient visionné toutes les bandes de vidéo surveillance du stade de rugby et étaient parvenus à isoler une courte séquence où les pyromanes étaient identifiables. Des recherches étaient en cours pour mettre un nom sur ces trois visages, et les policiers voulaient savoir si Marietti ou l'un de ses adjoints reconnaissaient l'un d'entre eux.
— Des suédois, s'exclama Marietti, comme par hasard.
Adam et Guillaume, qui était également présent en tant qu'adjoint au sport, sourirent, les trois hommes sur la vidéos étaient ostensiblement de type maghrébin. Les deux policiers se fendirent eux aussi d'un sourire. Le plus gradé demanda.
— Vous les reconnaissez ?
Marietti et Guillaume secouèrent la tête.
— Vous pouvez zoomer sur le premier ? fit Adam.
Le policier hocha la tête et agrandit le visage du premier homme qui franchissait la grille du stade. Il devait avoir une trentaine d'année alors que les deux autres qui l'accompagnaient avaient l'air d'adolescents.
— Tu le connais ? demanda Marietti.
Adam scruta le visage de l'homme sur l'écran d'un air concentré.
— C'est secret défense ou on peut le montrer à quelqu'un d'autre ? demanda-t-il au policier.
Marietti observa Adam avec intérêt mais ne dit rien.
— Tu l'as croisé à la mosquée ? lança Guillaume goguenard.
— J'ai une tête à aller à la mosquée, répliqua Adam.
Les deux policiers se retenaient de pouffer.
— Vous voulez le montrer à qui ?
— A la DRH, je crois qu'elle le connaît, ou qu'elle l'a connu du moins.
Le policier consentit d'un signe de tête et Adam téléphona à Charlotte. Elle arriva quelques minutes plus tard dans le bureau du maire. Elle dévisagea les deux représentants des forces de l'ordre présents mais Adam ne lui laissa pas le temps de poser de questions.
— Tu le connais ? lui demanda-t-il en lui montrant l'agrandissement.
— C'est Ibrahim, répondit Charlotte comme si c'était une évidence, elle vient d'où cette photo ?
— Si on te le demande tu diras que t'en sais rien, répondit Adam, tu peux retourner travailler.
Charlotte sorti du bureau du maire sans avoir rien compris de ce qui venait de se passer.
— Ibrahim ? fit Marietti quand Charlotte fut repartie, je me doutais qu'il ne devait pas s'appeler Charles-Henri mais ça nous avance à quoi?
Guillaume pouffa légèrement mais personne n'y preta attention.
— Vous connaissez son nom de famille ? demanda l'un des policiers.
Adam ne répondit pas, un léger sourire aux lèvres il pianotait sur son iPhone.
— Ibrahim Kacem, répondit Adam en retournant son téléphone vers les policiers.
Il affichait un portrait comme on en fait dans les écoles, le jour des photos de classe.
— T'as trouvé ça où ? s'exclama Marietti.
— Site des anciens élèves de Pagnol.
Les policiers se regardèrent, repensant a ce même qu'ils avaient un jours vu sur les réseaux sociaux : « on a tous une amie qui enquête mieux que le FBI », ça s'appliquait aussi visiblement aux hommes.
— On va vérifier ça, dit l'un d'eux a Adam, merci de votre collaboration.
Ils se serrèrent la main et les deux policiers prirent congé. Le maire se laissa aller en arrière sur son fauteuil de bureau en soupirant alors que Guillaume s'affalait sur un chaise en face de lui. Adam, resté seul debout, déclara.
— Ibrahim Kacem, grand pote d'Anthony...
Marietti se redressa subitement sur sa chaise.
— Grand pote d'Anthony Lefevre ? s'exclama-t-il.
Adam hocha la tête. Il avait compris, il avait senti l'embrouille à la seconde ou il avait vu le visage d'Ibrahim sur cette vidéo. Il avait voulu la confirmation de Charlotte avant de lancer les flics à sa poursuite.
— Pourquoi t'as rien dit aux flics ? tonna Marietti.
Adam s'assit, un sourire assuré au lèvres.
— Ils vont trouvé tous seul, faut surtout pas que sa vienne de nous, l'info ferait trop bruit et Lefevre aurait le temps de préparer sa défense.
Marietti hocha la tête, Benassya était loin d'être con. Guillaume s'était laisse aller en arrière et avait joint ses mains sous sa nuque.
— Il y a un truc qui cloche dans ton raisonnement, lança-t-il.
— Quoi ? demanda Adam.
Guillaume avala sa salive, prenant le temps de ménager son effet.
— Qui te dis que la blonde des RH ne va pas se précipiter sur son téléphone pour le prévenir si elle le connait ?
Ce fut cette fois Adam qui ménagea son effet. Il le fixa un instant, un sourire narquois aux lèvres avant de déclarer.
— Charlotte connaît Ibrahim parce qu'elle est sortie avec Anthony au lycée, mais ça m'étonnerait beaucoup qu'elle soit toujours en contact avec le pote de son ex dix ans après.
Guillaume ne put qu'approuver. Ils quittèrent tous les deux le bureau du maire et rejoignirent les leurs. A peine Adam eut-il refermer la porte du sien, qu'il tira son iPhone de la poche de son jean.
Marietti, lui, était toujours assis à son bureau. Il réfléchissait, se demandant encore quel merde cette histoire d'incendie dissimulait. Au fond qui avait intérêt à ce que le camps des MENS parte en fumée ? Les joueurs de rugby pour que les gitans ne reviennent pas squatter leur terrain l'année suivante ? Marietti ne les croyaient pas capables d'un tel déchainement de violence. Certains avaient le sang chaud, certes, pouvaient tenir des propos malheureux après trois bières à l'Estaque mais n'auraient jamais l'idée d'aller incendier des caravanes avec des familles dormant à l'intérieur.
Restait la question de l'extrême droite. Marietti connaissait quelques politiciens locaux plutôt enclin aux déclarations polémiques, mais leur parti avait été claire concernant les actes de violences, on garde les chemises brunes à la maison, pas de dérapage, respectabilité du mouvement oblige.
Il n'y avait tout d'abord pas songé, mais d'après ce qu'avait dit Adam, l'extrême gauche pourrait être impliquée. Mais pourquoi les Affranchis voudraient-ils que le camps des gens du voyage parte en fumée ? La réponse était simple au fond, se dit Marietti, faire tomber le maire et son équipe pour s'emparer de la mairie. Diviser pour mieux régner. Vieux comme le monde mais diablement efficace.
VOUS LISEZ
La Race du Pouvoir [TERMINÉ]
General Fiction*Ceci est la suite de mon premier roman "Tu feras pleurer les plus belles filles".* Vous avez aimé Tu feras pleurer les plus belles filles ? Retrouvez Adam, Ruben, Idan et Matteo dans "La Race du Pouvoir" Le temps a passé, ils ont désormais trente a...