Chapitre 61

182 11 1
                                    

Idan avait finalement quitté Ruben et la plage de Netanya pour regagner Jérusalem où habitait Golda. Pendant tout le trajet les paroles de Ruben avaient résonné dans son esprit, et si Golda n'était pas enceinte de lui mais de Matteo ? Quand il pénétra dans l'appartement de Golda, elle venait de rentrer de son travail à la Knesset.

— Ca va ? demanda-t-elle en voyant qu'Idan avait l'air préoccupé.

Idan tenta un pauvre sourire mais il ne savait pas faire semblant.

— Il est con Ruben...

Golda fronça les sourcils. Idan n'affichait pas la joie qu'il aurait dû après une journée à Netanya avec son meilleur ami.

— Vous vous êtes pris la tête ? demanda-t-elle.

Idan secoua la tête, hésitant à lui répéter ce qu'avait dit Ruben au sujet de sa grossesse.

— Il va bien ? demanda Golda en s'installant à côté de lui dans le canapé.

Idan répondit « oui » du bout des lèvres, ce qui renforça l'inquiétude de Golda.

— Il y a un problème ? tenta-t-elle.

— Non, répondit Idan.

Il la dévisagea un instant avant de poursuivre.

— T'as couché avec Matteo en juin ?

— Avec Matteo, pas avec Ruben !

Golda se demandait ce que venait faire cette phrase dans la conversation. Idan sourit malgré lui en imaginant la tête de Gabrielle si sa sœur commençait à lui piquer son mari.

— C'est quoi le problème ? demanda Golda.

— T'es enceinte de moi ou de Matteo ? lâcha finalement Idan.

Golda le fixa un instant. Forcément, quand elle avait découvert qu'elle était enceinte elle s'était posé la question mais cela ne l'avait pas inquiétée au point d'en parler à Idan. Elle planta son regard dans le sien avant de répondre.

— Je suis enceinte de toi Idan. Matteo, il sait mettre une capote.

Idan la dévisagea avant d'éclater de rire. Ce soir-là, sur la terrasse d'Adam, ni elle ni lui n'avait pensé à ce genre de détail.

— Ca, c'est bas, Golda.

Elle rit et se lova un peu plus contre lui. Idan soupira en la prenant dans ses bras.

— On fera un test de paternité quand le petit sera né si tu veux, proposa-t-elle.

Il secoua la tête, au fond, même si l'ovule de Golda avait été fécondé par un spermatozoïde de Matteo, ce n'était pas lui qui passerait sa vie avec elle et qui élèverait cet enfant.

— Seulement s'il préfère la pizza plutôt que les falafels, répondit Idan avant de l'embrasser.

Golda sourit, heureuse qu'Idan lui fasse confiance malgré tout.

— Je suis désolée, dit-elle.

— Pourquoi ?

— Cette nuit avec Matteo... C'était idiot...

Idan haussa les épaules. Il se retînt de lui dire que ce qui était idiot, c'était la nuit qu'il avait passé avec une soldate de sa base des années plus tôt.

— On était plus ensemble...

— C'est ton pote... objecta Golda.

Idan sourit, se souvenant de Matteo, au mariage de Lola prétendant haut et fort devant un groupe de jolies jeunes filles qu'Idan était prof de Kamasutra.

— Il était bien torché aussi, dit-il.

***

— Golda est enceinte ? hurla Gabrielle après que Ruben lui eut appris la nouvelle.

Il hocha la tête, se disant que vu la réaction de Gabrielle il aurait peut-être mieux fait de se taire.

— Enceinte hors mariage, continua-t-elle en hochant la tête, elle en rate pas une...

Ruben soupira.

— Ils vont se marier.

Gabrielle ignora la remarque et se rallongea sur son transat, sur le balcon de leur appartement de Netanya. Elle réajusta son maillot de bain et rouvrit son magazine.

— J'aurais peut-être dû épouser Idan, finalement, lança-t-elle.

— Quoi ? s'exclama Ruben.

Gabrielle remonta sa paire de lunettes de soleil griffée sur son front et considéra un instant Ruben.

— Il t'as fallu quatre ans de mariage pour me mettre enceinte, lui il baise Golda depuis quoi ? Deux mois ? Et elle est déjà enceinte. Entre toi et lui niveau fertilité il y a pas photo.

La mâchoire de Ruben se crispa, il rentra sans répondre dans l'appartement. Gabrielle haussa les épaules, remis ses lunettes de soleil et se replongea dans la lecture du Monde Diplomatique.

Affalé sur le canapé, devant un rediffusion d'un match de foot opposant deux clubs israéliens, Ruben tripotait nerveusement son iPhone. Depuis leur déménagement en Israël il se sentait chaque jour un peu plus mal mais il refusait de l'admettre. Sa relation avec sa femme se détériorait, il travaillait jusqu'à douze heures par jour, souvent sans réels résultats et en étant dépendant du salaire que lui versait Adam. L'entreprise en Israël ne réalisait pas de bénéfice. Pas encore, se forçait à croire Ruben. Il ne parlait jamais de tout ça à Gabrielle et elle continuait de faire du shopping comme quand elle avait un confortable salaire d'avocate fiscaliste en France.

Ruben savait que si ça continuait comme ça, ils allaient finir ruiner, mais pour lui, demander à sa femme d'arrêter d'acheter tout ce qui lui plaisait ou de trouver un travail qui serait forcément en deçà de ses qualification était équivalent à se faire émasculer. De toute façon, se disait-il, elle ne comprendrait pas, ça fait quinze ans que je la traite comme une princesse, si j'arrête... Il n'osait même pas terminer mentalement cette phrase...

Après avoir pesé le pour et le contre pendant près de dix minutes, il finit par composer le numéro d'Adam.

— Allo ? fit-il en décrochant.

Ruben avala sa salive.

— Salut, frérot.

— Ca va ? demanda machinalement Adam.

Ruben éluda la question et se lança, il lui rapporta sa conversation avec Idan, son idée d'exporter au lieu d'importer, de vendre le vin israélien en France et de se faire des couilles en or.

— Il veut bosser avec nous ? demanda Adam quand Ruben eut terminé.

— Nan, il dit que business c'est pas son truc.

Adam, confortablement installé sur un transat au bord de la piscine de sa maison de vacances à Porto Santo Stefano, leva les yeux au ciel.

— Tant pis pour lui, il a eut l'idée du siècle et il préfère rester entre ses champs d'oliviers et ses checks points, répondit Adam.

Ruben sourit.

— On fait ça ?

— Sur la Torah on fait ça ! répondit Adam.

— Papa, on jure pas sur la Torah, le réprimanda Salomon sans lever les yeux de son livre des vacances, « l'Italien pour les Nuls ».

La Race du Pouvoir [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant