Jade s'était finalement assise sur un carton qui trainait dans le cagibis. La tête dans les mains, elle se demandait s'ils sortiraient un jour de ce réduit. Anthony, lui, tournait en rond, comme un fauve en cage. Il avait un peu de mal à digérer ce qui était en train de se passer. Autant le fait que Jade l'ait rejeté que les perspectives qui se dessinaient, s'il n'était pas tué par les hommes d'Ibrahim, il risquait fortement de se retrouver en prison pour association de malfaiteurs. Il était avocat, il savait bien ce qu'il risquait pour avoir commanditer un incendie, surtout qu'il y avait eu une victime, et Jade n'avait aucune raison de ne pas le dénoncer.
— Assieds toi tu me donnes le tournis.
Anthony se retourna vers Jade mais fit rapidement volteface en entendant la porte s'ouvrir. Les deux minots apparurent, toujours armés qui d'un Glock, qui d'une batte de baseball. Leurs visage juvéniles, encore marqué par l'acné pour l'un d'entre eux, ne laissaient espérer aucune pitié. Ils avaient sûrement déjà tabassé, tué peut-être, et n'hésiteraient pas à recommencer, pour quelques grammes de drogue ou un paquet de billets.
— Fallait pas balancer, bâtard, fit celui qui tenait l'arme, les keufs ont arrêter Ibra ce matin.
Anthony changea de couleur, toute cette histoire tournait vraiment mal. Il n'était pas au courant de l'arrestation d'Ibrahim, mais ça n'était pas bon pour lui, même depuis une cellule de prison Ibrahim pouvait ordonner son exécution. Et si, par bonheur ou malheur, il ne savait pas vraiment, les flics l'arrêtait avant, il allait se retrouver en prison, à Marseille ou à Toulon, cerné par les gamins du Milieu. Non, l'avenir ne s'annonçait pas radieux.
— On va devoir te fumer, bâtard, continua le gosse.
Anthony voulu protester, crier qu'il n'y était pour rien, que jamais il n'irait parler aux flics, balancer, mais face à ce gamin de quinze et du revolver qui s'agitait au bout de son bras, aucun son ne sorti de sa bouche, et c'est Jade qui s'interposa.
— Il ne l'a pas balancé, les flics ont trouvé tous seuls.
Les deux gamins, qui l'avait jusque-là ignorée, se tournèrent vers la jeune femme, intrigués.
— Qu'est ce qu'elle a, la kahba ?
— Je suis journaliste, fit Jade en se redressant, les flics ont une vidéo du stade ou on voit Ibrahim, c'est pour ça qu'il l'on arrêté.
— Ta gueule, fit le second gosse.
Mais la tirade de Jade semblait avoir eu un impacte sur celui qui tenait le revolver. Il se tourna vers son acolyte et dis quelque chose en Arabe que ni Anthony ni Jade ne compris. L'autre répondit. Puis ils se regardèrent, comme pour se demander ce qu'ils devaient faire.
— C'est un homme politique influent, fit Jade en désignant Anthony, s'il disparait on va le chercher.
— Ta gueule, la kahba, siffla l'un des gamins.
Jade se tue. Anthony avait envie de lui dire de ne pas en rajouter si elle n'avait pas envie de se faire violer. Que, d'une façon ou d'une autre, il était condamné, à une exécution rapide ou à une longue peine de prison.
***
Laura attendait Guillaume à l'Estaque, comme tous les lundis. Déjeuner ensemble était leur façon de commencer la semaine en douceur. Il s'installa face à elle et elle lança.
— Je m'inquiètes pour Jade, elle ne répond plus au téléphone depuis ce matin.
Guillaume fronça les sourcils, ça ne ressemblait en rien à la meilleure amie de Laura. D'ordinaire, elles s'envoyaient des textos régulièrement.
— Elle voulait retourner voir Anthony, poursuivit Laura.
Il pouffa malgré lui. Jade avait peut-être finalement cédé aux avances d'Anthony, et était donc trop occupée pour répondre.
— T'inquiètes pas, fit-il en riant, elle doit être en train de lui arracher un scoop.
Laura sourit, au fond c'était Guillaume qui avait raison, Jade devait être au Cuba Libre à écouter les thèses anarchistes d'Anthony, pour l'amadouer. Qu'est ce qui pouvait bien lui arriver ? Ils commandèrent leur déjeuner, discutèrent de tout et de rien comme à leur habitude, mais Laura ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Elle avait un mauvais pressentiment.
Après le déjeuner, Laura essaya à nouveau de joindre Jade, sans succès. Son portable sonnait, mais dans le vide. Elle finit par se demander si son amie n'avait pas oublié son téléphone chez elle ce matin-là. Mais en regardant ses messages, Laura s'aperçut que Jade lui avait envoyé un texto à neuf et demie : « Je vais voir Lefebre, on se rejoint au bureau ? ».
Elle soupira en se réinstallant à son bureau, au journal. Que pouvait bien faire Jade à cette instant ? Elle n'était quand même pas en train de se faire culbuter par Anthony dans son bureau miteux du QG des Affranchis. Jade était une journaliste engagée, investie, mais pas au point de passer sur le bureau, ou en dessous, pour obtenir un scoop.
Elle se dit finalement qu'elle allait aller au QG des Affranchis, juste pour se rassurer, et peut être surprendre sa meilleure amie et le leader de l'opposition suspecte de complicité de meurtre en pleine partie de jambes en l'air. Elle allait sortir de la salle de rédaction quand Karl apparut dans l'embrasure de la porte de son bureau.
— Laura ? Tu sais ou est Jade ?
— Au QG des Affranchis je crois, lança-t-elle, je vais la rejoindre.
Karl eut un mouvement de surprise, que pouvait faire Jade au QG des Affranchis. Laura ne lui laissa pas le temps de répondre et quitta la salle de rédaction en lui adressant un vague signe de la main.
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La Race du Pouvoir [TERMINÉ]
General Fiction*Ceci est la suite de mon premier roman "Tu feras pleurer les plus belles filles".* Vous avez aimé Tu feras pleurer les plus belles filles ? Retrouvez Adam, Ruben, Idan et Matteo dans "La Race du Pouvoir" Le temps a passé, ils ont désormais trente a...