— C'est quoi ce délire ? fit Jade.
Anthony, appuyé contre l'une des étagères en métal ou étaient rangé les affiches de campagne, les pinceaux et les pots de colle, se mordait la lèvre. Jade, elle, était de plus en plus agitée.
— Anthony, vous m'expliquez ?
Il fit un pas vers la jolie journaliste apeurée.
— Qu'est-ce que vous faites là, Jade ?
— Je voulais vous parler, dit-elle, j'aurais dû le faire hier soir mais...
Elle ne termina pas sa phrase. Malgré la situation, le visage d'Anthony s'éclaira d'un sourire.
— Toi aussi...
— On se vouvoie plus ? fit Jade, remarque au point où on en est...
Elle jeta un regard circulaire dans la pièce poussiéreuse, leur situation était loin d'être enviable.
— J'aurais dû hier, fit Anthony, mais j'ai pas osé.
Elle hocha la tête, il fit un pas en avant, se retrouvant juste devant Jade. Il lui sourit, et posa ses lèvres sur les siennes, avant que la main de la jeune femme ne vienne heurter violemment la joue d'Anthony.
— Mais t'es malade ! hurla-t-elle en le repoussant vertement.
— Mais euh, t'avais dit que, euh... bafouilla Anthony.
Jade secoua la tête, scandalisée.
— Que j'aurait dû vous demander combien vous aviez payée Ibrahim pour incendier ce camp, pas de passer la nuit avec moi.
Anthony encaissa, ce n'était pas la première fois qu'il se prenait un râteau mais dans sa situation actuelle ça n'avait rien de plaisant. Il réalisa subitement que Jade venait de prononcer le nom d'Ibrahim.
— Ibrahim, répéta-t-il.
— Je suis au courant, fit Jade, et je ne suis pas la seule d'ailleurs, mais je voudrais ta version des faits.
Anthony soupira, inutile de nier, Jade ne goberait jamais que les deux minots étaient envoyés par Benassya.
— Donc tu as payé ton vieux pote Ibrahim pour qu'il mette le feu à ce camp juste pour pouvoir virer Adam de la mairie ?
— Ça va, fit Anthony déjà vexé, ça ne te regarde pas.
— Si, répliqua Jade, ils veulent combien les gamins ?
Il soupira à nouveau puis baragouina quelque chose d'incompréhensible.
— Hein ? demanda Jade.
— Sept milles euros, soupira Anthony.
— Et bah, siffla Jade, il est pas donné Ibrahim. On dit que les Arabes bossent pour pas cher mais t'aurais fait une meilleure affaire avec les Corses, ou les Basques.
Elle savait ce qu'elle disait, elle avait écrit un article sur le sujet, mais Anthony n'avait aucune envie de discuter des tarifs du Milieu marseillais avec une journaliste de la Gazette d'Azur, qui lui avait mis un râteau deux minutes avant.
— Tu comptes les payer ou on va rester ici toute l'année ? fit Jade en admirant le décors miteux du débarras.
Anthony avala sa salive. Si une heure auparavant Jade l'attirait, a l'heure actuelle elle l'agaçait.
— J'ai pas sept mille euros, lança-t-il.
Elle pouffa.
— T'es avocat et conseiller municipal et t'as pas sept mille balles ?
La mâchoire d'Anthony se contacta, non il n'avait pas cet argent et non amasser de l'argent ne l'avait jamais intéresser.
— Non j'ai pas ce fric, du coup tu sais ce qu'ils vont faire ?
— Te tabasser, proposa Jade en inspectant ses cuticules.
Ce fut au tour d'Anthony de pouffer.
— Ils vont se rembourser en vendant ton cul, Jade.
Elle ouvrit de grands yeux.
— T'es pas sérieux...
— Qu'est-ce que tu fous là, à ton avis ?
Jade s'agita à nouveau, elle avait eu un regain de confiance après avoir giflé Anthony mais elle recommençait à avoir peur. Elle avait également écrit un article sur les réseaux de prostitution de la région et n'avait aucune envie d'en faire partie.
— Ibrahim fait dans les putes aussi ? demanda-t-elle.
Anthony acquiesça.
— J'ai cru comprendre.
— Il a pas changé quoi, lâcha Jade.
Il l'interrogea du regard. Elle soupira.
— T'es pas au courant ? Pourtant t'étais à côté et tu ne l'as pas empêché.
— Quoi ? s'exclama Anthony, empêché ?
Jade planta ses yeux sombres dans le regard d'Anthony.
— En terminale, quand vous étiez à la plage, un soir, Ibrahim a violé Laura.
Anthony se figea, il n'avait jamais entendu parler de ça. Laura, se dit-il, ça devait être la blonde timide que Charlotte avait intégré a leur groupe quelques semaines avant le bac. Anthony avait passé tellement de samedis soir à boire des bières tièdes autour d'un feu camp sur cette plage qu'il mis plusieurs secondes à se souvenir de cette soirée. Le premier souvenir qui lui revint fut Charlotte, belle comme le jour sous les étoiles, ils s'embrassaient à pleine bouche quand Ibrahim s'était éloigné avec Laura. Puis il était revenu, seul. Laura les avaient finalement rejoint, les yeux rougis, mais personne n'y avait vraiment prêté attention.
— J'étais pas au courant, fit Anthony.
Sa voix n'était pas aussi assurée qu'il l'aurait voulu. Jade n'aurait sûrement pas inventé une chose pareille, et vu ce qu'Anthony découvrait chaque jour sur Ibrahim il y avait de fortes chances que ça soit vrai. Il se repris finalement et lança.
— Il y a plus urgent, là, non ?
Jade acquiesça. Elle se demanda ce qui lui avait pris de ramener ce sujet sur le tapis alors qu'ils étaient enfermés dans un cagibis.
— J'imagine qu'ils t'ont pris ton portable, fit Anthony avec un mouvement oculaire en direction de la porte que les deux gamins avaient verrouillée.
— Ils m'ont pris mon sac, répondit-elle en soupirant.
— Peut-être que si tu leur donnes ils nous laisseront partir, tenta Anthony.
Jade eut une grimace.
— Leur donner mon Michael Kors ?
— Ça doit bien valoir sept mille euros...
Jade pouffa. Visiblement Anthony n'y connaissait rien en sacs à main.
— Ca vaut trois cent euros !
Anthony grimaça. En temps normal il aurait crié au scandale qu'un sac à main vaille le prix d'un loyer pour un studio aux Cigales, mais là, il lança.
— Tu me déçois.
Jade lui adressa une grimace et répliqua.
— Si t'avais eu une Rolex, on serait déjà dehors !
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La Race du Pouvoir [TERMINÉ]
General Fiction*Ceci est la suite de mon premier roman "Tu feras pleurer les plus belles filles".* Vous avez aimé Tu feras pleurer les plus belles filles ? Retrouvez Adam, Ruben, Idan et Matteo dans "La Race du Pouvoir" Le temps a passé, ils ont désormais trente a...