Chapitre 42

131 11 3
                                    

Charlotte avait été très surprise de recevoir un message de Laura qui l'invitait à déjeuner ce samedi midi. Elle n'avait jamais vraiment été amie ni avec Jade ni avec Laura au lycée. Elles ne sortaient pas beaucoup, ne faisaient pas parti du groupe avec qui Adam faisait la fête, Charlotte les avaient au mieux ignorées, au pire méprisées.

Contre toute attente, Charlotte avait accepté et s'était retrouvée à l'Estaque, entre Jade et Laura. Elle savait qu'elles étaient toutes les deux journalistes à la Gazette d'Azur.

— Merci d'être venue, lança Laura avec un sourire engageant.

Jade observait Charlotte à la derobée, même si elle n'avait presque pas changé physiquement depuis le lycée, elle dégageait quelque chose de radicalement différent. Son regard hautain avait disparu, laissant place à une infinie douceur.

— Je t'en prie, répondit Charlotte, je t'avoue que ca m'a un peu surprise que vous vouliez déjeuner avec moi.

Ce fut cette fois Jade qui prit la parole.

— On a besoin de toi, Charlotte.

Elle ouvrit de grands yeux, me comprenant pas pourquoi Jade et Laura pouvaient avoir besoin d'elle.

— Tu connaissais bien Anthony ? continua Jade.

Anthony, ce prénom résonna à l'oreille de Charlotte comme le claquement d'un fouet. Ce prénom la ramena dix ans en arrière, des bons moments dans les bras d'un garcon qu'elle n'aimait pas vraiment, puis son violent rejet quand il avait appris sa maladie. Anthony.

— Bien, fit Charlotte en soupirant, aussi bien que l'on peut connaitre quelqu'un en sortant avec trois mois en terminale.

Jade se demanda a quoi avait bien pu ressembler leur relation, comment Anthony l'embrassait, la calinait, la...

— Tu pourrais nous en parler ? demanda Laura.

— Vous écrivez un article sur Anthony ou quoi ? répondit Charlotte en riant.

Jade et Laura échangerent un discret regard. Leur article sur Anthony avait finalement été retiré au dernier moment de l'édition du weekend. Karl avait préféré la jouer dossier sur l'incendie et sur l'enquête qui semblait au point mort. En réalité elle ne l'était que pour les journalistes mal informés, Jade et Laura, elles, savaient que la fin de la comédie était proche, les masques allaient tomber, et les têtes avec.

— Oui, menti à demi Laura, on l'a interviewé sur ses débuts en politique et maintenant on cherche à avoir des témoignages.

Charlotte hocha la tête. Jade avait posé sur portable sur la table, mode dictaphone.

— Quel est le premier souvenir qui te viens aujourd'hui en pensant à Anthony ? demanda Jade.

Charlotte cligna des paupières, elle évitait de penser à cette période de sa vie, à Adam Benassya, à Anthony Lefevre, à cette soirée ou il l'avait mise à la porte en pleure. Toutes les années qui avait suivi avaient été tellement plus belles, pourquoi repenser aux mauvais moments ?

— Le lycée, le bac, les soirées sur la plage, menti finalement Charlotte.

Laura avait remarqué son hésitation, elle chassa de son esprit les souvenirs de soirées sur la plage qui lui revenait et demanda.

— Comment ça s'est terminé ?

Charlotte sourit.

— Comme se termine la plupart des histoires quand on à dix-huit ans, menti-t-elle.

— Mal ? lança Jade.

Charlotte se figea, quelques secondes seulement, mais suffisamment longtemps pour que Laura se fasse une opinion, non l'histoire d'Anthony et Charlotte n'avait pas été un banal béguin entre deux gamins.

— Comment il était avec toi ? enchaina Laura.

Charlotte lui adressa un regard interrogatif, elle précisa.

— Est-ce qu'il était possessif, jaloux, manipulateur ?

— C'est pas un pervers narcissique, si c'est ça la question, répliqua Charlotte, c'était un gamin normal.

— Un gamin normal qui militait pour le parti communiste, lança Jade.

Charlotte soupira, peinant à voir ou les deux journalistes voulaient en venir. Elle n'avait aucune envie de leur raconter comment ça s'était réellement terminé.

— Est-ce qu'il te parlait de ses motivations, demanda Laura, de sa vision du monde ?

Charlotte hocha la tête, l'interview semblait s'éloigner du sujet qu'elle ne voulait pas aborder, pour le reste, ça ne serait un scoop pour personne d'apprendre qu'Anthony était un gaucho.

— Oui, fit-elle, la politique l'intéressait déjà beaucoup à l'époque, il en parlait souvent.

Jade lui lança un sourire incrédule. Charlotte pouffa.

— Bon ok, se reprit-elle, tout le temps, il était complètement obsédé par vaincre le capitalisme, la révolution du prolétariat et les sionistes.

Laura se retint d'adresser un sourire de triomphe à Jade, les sionistes, on y était.

— Il disait quoi sur les sionistes ? se hasarda Jade.

Charlotte se mordit la lèvre. En se replongeant dans ses souvenirs, elle voyait clairement les monologues enflammés d'Anthony au Cuba Libre.

— Qu'ils contrôlaient le monde, les banques, ce genre de conneries.

— Ca voulait dire quoi pour lui Sioniste ? demanda Jade.

— Alors, là, répondit Charlotte en soupirant, j'ai écouté hein, mais j'ai jamais compris si c'étaient les riches, les Juifs, les patrons, Adam, les Israéliens ou tout ça à la fois.

Laura avait de plus en plus de mal a contenir son excitation. Charlotte venait de dire Adam.

— Adam ? lança Jade l'air de rien, Adam Benassya ?

Charlotte hocha la tête, avec le recul elle avait compris qu'Anthony était completement obsédé par ceux qui avaient de l'argent. Un genre de jalousie maladive à tendance violente qui le poussait à vouloir les détruire plutôt qu'à se donner les moyens d'être un jour lui aussi aisé.

— Il en parlait tout le temps, répondit Charlotte, comme si Adam et ses potes étaient responsables de tous les maux de l'humanité. Je ne me souviens plus de comment il l'appelait mais c'était pas glorieux.

— Il disait quoi ? demanda Laura en se retenant à nouveau de jeter un regard de triomphe à Jade.

— Des conneries, fit Charlotte, qu'un jour les types comme lui seraient lynchés par ceux qu'ils exploitent et que personnes ne les pleura.

Jade et Laura profitèrent que la serveuse leur apporte leurs salades pour échanger un regard de connivence. Le doute de Jade sur la théorie d'Adam s'était largement dissipés. Oui, Anthony était sûrement capable de mettre la vie de dizaines de familles en danger pour se débarrasser de son rivale. Encore plus depuis qu'Adam occupait la place qu'Anthony convoitait depuis toujours.

La Race du Pouvoir [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant