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L'attente était interminable.

Phèdre avait passé une bonne heure à divertir sa tante, lui narrant toutes les aventures qui lui était arrivée en France depuis qu'elle y était arrivée. Puis prise de fatigue et lasse, elle se tut, laissant tout le plaisir à sa tante de s'occuper autrement. Et comme la famille Poldark devait toujours se faire remarquer, tante Agatha tirait maintenant des cartes de tarot face à elle, impassible.

Sa nièce, habituée à ses extravagances depuis son plus jeune âge, renonça à l'idée de poursuivre une nouvelle conversation, et se plongea dans le silence, les yeux rivés sur la cheminée éteinte.

- La Lune.

Phèdre reporta son attention sur sa tante, qui mélangeait les cartes qu'il lui restait. Celle-ci n'y prêta pas attention, inquiète. Elle en tira une deuxième et son expression ne changea pas, loin de là.

- Le Pendu.

Agatha se releva d'un bond remarquable pour une femme de son âge, et se précipita sur sa nièce en lui fourrant les cartes sous son nez. La jeune fille manqua de s'assommer en reculant contre le dossier en chêne de sa chaise.

- Qu'est-ce que...
- Tire une carte !

La voix impérieuse de la vieille dame la fit réagir immédiatement, et elle en prit une au hasard. Elle la retourna et la montra à sa tante.

- La Roue de la fortune, firent-elles en chœur.

Sa tante se rassit, les yeux écarquillés. Elle contempla un instant les trois cartes posées devant elle, et murmura :

- Le destin ne sera pas clément avec vous.
- Parce qu'il l'a déjà été ? s'amusa Phèdre, peu angoissée à l'avenir qu'on lui réservait.
- Garde les.

Sa tante fit glisser les cartes vers elle, et Phèdre les récupéra avec un haussement d'épaule. Elle aimait entendre les gens lui prédire son avenir, mais elle n'y croyait pas.

- Ne vous faites pas de cheveux blancs pour moi, plaisanta Phèdre, il ne m'arrivera rien.
- Si je n'étais pas aussi inquiète pour vous, je vous aurais fait regretter votre impertinence, grogna la vieille femme en enfonçant son bonnet sur sa tête. De quelle couleur voudriez-vous que mes cheveux soient quand je suis entourée d'une bande d'idiots ?

Phèdre pouffa et reporta son attention à ses nouvelles acquisitions. Elle n'avait jamais vu des cartes aussi finement décorées. Les figures qui les ornaient étaient toutes dorées, et se détachaient du fond noir encre. Les cartes en elles-mêmes étaient résistantes et épaisses, et Phèdre les glissa dans une poche de sa jupe, au moment même où un petit garçon entra dans la pièce.

Il dévisagea Phèdre, perdu. Celle-ci lui sourit et lui tendit la main, en gage d'amitié. Le garçon la contempla un instant, peu enclin à se rapprocher.

- Je m'appelle Phèdre, fit doucement la jeune fille. J'imagine que tu es Geoffrey Charles ?
- Comment tu le sais ?
- Je suis la cousine de ton papa. Il m'a beaucoup parlé de toi dans ses lettres.
- C'est vrai ?

La brune hocha la tête. Après avoir quitté les Cornouailles, elle n'avait pas cessé d'écrire à son cousin. Elle avait beau être très proche de Verity -elles étaient les deux seules filles de la famille- Francis était son confident, et il ne s'était pas passé un mois sans qu'ils n'échangent de lettres. Francis lui parlait de Cornwall, tandis que Phèdre tentait de lui conter comment la vie était belle en France.

Bien que cela faisait presque un an que le ton de leur correspondance avait changé. La Révolution avait eu lieu, et Paris n'était plus un endroit sûr. Sa famille avait déménagé dans le sud de la France, espérant que la distance qui les séparait de la capitale leur permettrait d'éviter le pire. Mais les rapports entre l'Angleterre et la France se détérioraient tellement vite, que Phèdre ne pouvait que craindre le pire.

Elle sortit de ses pensées lorsqu'elle sentit une petite main agripper sa robe. Geoffrey Charles s'était rapproché d'elle, rassuré. Il leva ses bras pour qu'elle le soulève et elle le posa sur ses genoux. Elle ébouriffa ses cheveux blonds, sous le charme.

- Qu'est-ce que tu es grand ! s'exclama-t-elle, ravie de tenir son neveu dans ses bras. Je suis sûre que tu vas être aussi grand et courageux que ton papa !
- Cet imbécile est un incapable, gronda Agatha, toujours occupée par son tarot.

Phèdre lui lança un regard noir, avant de reprendre innocemment :

- Tu veux aller jouer dehors ?
- Oui ! s'écria l'enfant en sautant des jambes de sa tante.

La jeune fille prit sa main et sortit de la pièce avant même que sa tante ne puisse l'en empêcher. Elle vérifia que les couloirs étaient vides, et descendit les escaliers, Geoffrey Charles dans ses bras. Ils se retrouvèrent dans le jardin, et se dirigèrent aussitôt vers la forêt qui bordait le manoir.

- Regarde ! fit l'enfant en lui montrant des mûres.

Un sourire illumina le visage de Phèdre. Elle commença à en cueillir avec l'aide de son neveu, jusqu'à ce qu'il décide de retourner dans la maison. Phèdre n'y fit pas attention, trop occupée par sa tâche, lorsqu'une voix la fit sursauter.

- Je ne savais pas que Francis avait une invitée.

Elle se releva précipitamment pour faire face à son interlocuteur. Sa respiration se bloqua lorsqu'elle se rendit compte à qui elle avait à faire.

- George Warleggan.

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant