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- Elle est en colère contre toi ?

Catesby contemplait Phèdre, qui se tenait à quelques mètres de lui, les yeux rivés sur sol et les sourcils froncés. James haussa les épaules et lança :

- Ce n'est pas la première fois, elle aura tout oublier ce soir et nous repartirons sur de bonnes bases.
- Tu sais, peut-être que tu devrais arrêter de la protéger autant. Ou alors de lui faire part de tes plans. Si elle savait...
- Elle m'en voudra, je sais, mais pour l'instant, je n'ai pas de meilleur plan. Fais-moi confiance.

Catesby grimaça devant l'air assuré qu'arborait son compagnon. Il ne le connaissait que depuis le début de la semaine, alors lui faire confiance ne faisait pas parti de ses priorités. S'il le fréquentait, c'était simplement pour en apprendre plus sur Phèdre, comme George le lui avait demandé. D'ailleurs, il se demandait s'il devait lui parler de la scène dont il avait été témoin. Bien sûr, une histoire d'amour entre un domestique et sa maîtresse n'était pas rare, mais était-ce pour cela que Phèdre avait quitté la France ?

Catesby secoua la tête, toujours dans l'incompréhension. Si elle avait fuit avec James, ses parents auraient été au courant. Mais elle logeait toujours chez sa famille, et personne ne semblait se soucier de quoi que se soit. Était-ce une manière de brouiller les pistes ? L'homme refusait de trop s'avancer avec ses hypothèses. Il se promit de rassembler plus d'indices avant de prévenir George. Il ne servait à rien de se lancer tête baissée et de colporter de fausses rumeurs.

Ils finirent enfin par entrer dans le bâtiment où se déroulait les élections. Phèdre ne savait pas quel était le but de cet événement, et elle ne s'en souciait pas. Elle remarqua cependant qu'elle semblait être la seule femme présente, jusqu'à ce que ses yeux tombent sur une jupe rose fuschia. La jeune femme qui la portait l'avait accordée à une veste taupe, et Phèdre ne put que reconnaître qu'elle avait un sens du style très élégant. Elle le fit remarquer immédiatement à James :

- Sa jupe à l'air de très bonne qualité. Je suis sûre que c'est de la popeline.
- Pardon ? fit Catesby, les sourcils froncés.
- Vous voyez la brillance du tissu ? C'est une de ses caractéristiques. Ce qui est drôle est qu'elle est surtout employée pour les corsages et les chemises...

Elle commença à expliquer au pauvre homme le fabrication du tissu et ses différents usages. Il finit par la couper :

- Comment savez-vous tout ça ?
- Mon père est couturier, répondit simplement la jeune femme.
- Phèdre ?

Elle se retourna et sourit en voyant George s'approcher d'elle. Il s'inclina devant elle en prenant sa main.

- Comment allez-vous ?
- Très bien pour quelqu'un qui attend la mise à mort de son cousin.

Sa réponse jeta un froid dans le groupe, mais elle ne se départit pas de son sourire.

- Mais je ne suis pas ici pour ça. Je voulais vous parler. En privé.
- Naturellement, répondit George avec un sourire en coin. Si vous voulez bien me suivre.

Phèdre prit le bras que lui tendait l'homme et s'éloigna avec lui. Avant qu'elle n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, une voix retentit.

- Warleggan, avez-vous vu ça ?

Un homme s'approcha d'eux, un pamphlet à la main, accompagné de la femme à la jupe rose et d'un homme plus âgé.

- Unwin, le salua George avec un mouvement de tête. Puis-je d'abord vous présenter Phèdre Poldark ?
- Poldark ? lança innocemment la femme, ses grands yeux bleus écarquillés. Comme Ross Poldark ?
- Il s'agit de mon cousin, acquiesça Phèdre avec un sourire forcé.
- Je suis désolée de savoir votre famille dans une position aussi... délicate. Je suis Caroline Penvennen, voici mon oncle, Ray Penvennen, et mon fiancé Unwin.

Phèdre leur offrit une référence avant de reporter son attention sur le pamphlet.

- Qu'est-ce que c'est ?

Caroline fit un geste pour empêcher Unwin de le lui tendre, mais l'homme fut plus rapide qu'elle. Phèdre lut le titre et sentit son cœur s'arrêter.

- La véritable et sensationnelle vie du Capitaine Ross Poldark, aventurier, séducteur, destructeur, et meurtrier.

La voix de Phèdre se brisa au dernier mot et elle dut rassembler toute sa force pour ne pas lâcher un sanglot. Caroline remarqua aussitôt son malaise et lança avec entrain :

- Ce n'est qu'un tissu de balivernes, si l'auteur est resté anonyme, c'est parce qu'il sait que ses propos sont infondés et qu'on pourrait l'attaquer pour diffamation.

Phèdre hocha doucement la tête avant de s'incliner une nouvelle fois et de lâcher :

- Ça a été un plaisir de vous rencontrer. Je vous souhaite une très bonne soirée.

Elle s'éloigna en vitesse du groupe, le souffle court. Elle chercha James et Catesby du regard, mais ils étaient introuvables. Phèdre jura, et sortit du bâtiment pur se plonger dans la foule de villageois qui attendaient les résultats de l'élection. Elle finit par se retrouver dans une ruelle sombre et vide, et elle s'arrêta enfin. Où était James quand elle avait besoin de lui ? S'il était allé boire avec Catesby, elle allait le massacrer.

A cette simple idée, elle sentit la colère monter en elle. Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Pourquoi se comportait-il comme si elle fait une statue de verre qui risquait de se briser à tout instant ?

Elle eut la réponse à sa dernière question quand elle se sentit vaciller et qu'elle tomba sur le sol. La respiration saccadée et les yeux fermés, elle se replia sur elle-même, totalement vulnérable. Elle sentit des mains toucher des mèches de ses cheveux et elle rouvrit les yeux.

George Warleggan était agenouillé à côté d'elle, et elle lui offrit un sourire amusé, qui devait très certainement ressembler à une grimace.

- Vous allez bien ?
- Ne vous inquiétez pas pour moi, tout va très bien.
- Je peux toujours aller faire chercher un médecin...
- Non ! cria Phèdre avec force.

George sursauta et la dévisagea, pris au dépourvu. Il ne s'était pas attendu à retrouver Phèdre dans une telle position et une telle détresse, et encore moins à ce qu'elle refuse la moindre d'aide.

- Je ne vois pas voir de médecin, je vais très bien, c'est juste... L'émotion.
- La pamphlet, devina George.

Phèdre hocha la tête, la gorge nouée. Sa respiration s'était calmée et elle put se relever seule, sous les yeux inquiets de son compagnon. Elle évalua ensuite les dégâts sur sa robe, qui était maintenant tachée de boue et de pailles. Elle fit la moue et soupira :

- C'est de ma faute.
- Je vous en achèterai une nouvelle.
- Ne vous inquiétez pas pour moi, je m'en ferai une autre. Vous m'avez déjà bien assez aidée ce soir, je ne veux pas abuser de votre gentillesse.

A vrai dire, George n'avait pas fait grand chose, mais Phèdre était honteuse qu'il l'ait vu aussi faible. Si un élan de politesse pouvait le faire oublier ce moment...

- Puis-je au moins vous raccompagner à Trenwith ?
- Je loge dans une auberge pas très loin d'ici, je peux rentrer seule.
- Je me sentirais plus sûr si j'y allais avec vous.
- Bien, abandonna Phèdre. Allons-y.

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant