iv.

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Le reste de la soirée s'était effacé dans l'esprit de Phèdre. Elle se souvenait juste être rentrée à Trenwith avec Ross, sous une pluie battante, et avoir su à la moitié du chemin qu'elle ne survivrait pas à la nuit. Ses grelottements étaient apparus après dix minutes d'averse, et elle avait dû raffermir sa prise sur la taille de son cousin après avoir manqué de glisser du cheval. Le sien était resté avec Aaron, Ross n'ayant pas trouvé utile de s'attarder davantage sur place.

De retour au manoir, elle s'était effondrée dans les bras de Ross et il avait été obligé de la porter, ahuri devant la soudaine agitation de sa cousine. Il l'avait mené jusqu'à sa chambre, où Mary l'avait déshabillée pour lui passer une chemise de nuit sèche. Elle l'avait ensuite fait allonger dans son lit, couvert d'une énorme couette, et Phèdre avait fermé les yeux pour sombrer dans un sommeil agité.

Le lendemain, Ross était retourné à Trenwith pour s'enquérir de la santé de sa cousine. Mary avait tenté sans succès de lui administrer des antidotes qu'elle gardait dans son armoire, en vain. Les frissons de la malade se s'arrêtaient pas, et ils durent tous se mettre à l'évidence : Phèdre était malade, et il ne lui suffirait pas de quelques jours de repos pour la soigner.

A contre cœur, Mary avait accepté que Francis fasse venir Dwight, et s'était mis à pester intérieurement. Un docteur était la dernière chose dont Phèdre avait besoin. La jeune femme ne comprenait pas ce que son amie avait bien pu faire pour se retrouver dans cette situation.

Ross avait avoué l'avoir retrouvé inconsciente sur le chemin qui menait à Trenwith, son cheval manquant à l'appel. Mais une simple chute n'aurait pas dû la mettre dans cet état, n'est-ce pas ?

Contrairement à ce que Ross et Francis avaient pensé, l'arrivée de Dwight n'avait pas mis un terme à leur agitation. Et pour cause, Phèdre avait tout bonnement refuser de se laisser examiner. Elle avait tempêté, hurlé, pleuré, de telle sorte que Dwight avait dû s'avérer vaincu et se retirer.

- Je pense qu'il s'agit d'un délire dû à la fièvre, avait expliqué le docteur avec un sourire réconfortant. Avec ce que je vous ai donné, elle devrait se calmer. Je reviendrai la voir demain.

Cependant, la même scène s'était déroulé le lendemain, et le jour d'après. Dwight aurait pu attendre qu'elle soit trop fatiguée pour qu'elle se débatte, mais il ne voulait pas l'effrayer. Ses crises n'avaient rien à voir avec sa fièvre, et il comptait bien l'aider autant qu'il le pouvait.

De son côté, Phèdre avait l'impression que chaque seconde la rapprochait de la mort. Son corps était brûlant, et elle avait l'impression que ses poumons étaient en feu. Mais jamais, au grand jamais elle ne laisserai un médecin s'approchait d'elle. Elle avait déjà refusé Dwight, et elle n'avait pas hésité à renvoyer le médecin que Warleggan lui avait envoyé. Les nouvelles sur son état de santé avaient dû se propager en ville, et George avait dû penser qu'il pouvait se racheter en la soignant.

Au diable George ! Au diable Ross, Dwight, et James, qui était à présent si loin d'elle. Le seul réconfort qu'elle avait été Mary et Margaret, qui avait réussi à convaincre Francis de la laisser s'occuper d'elle.

Elles étaient toujours à son chevet, et s'affairaient autour d'elle, changeant ses draps et les linges humides sur son front. Elles lui racontaient aussi quelques anecdotes de la journée, comme la fois où George avait tenté de venir la voir et s'était fait refoulé par Ross à l'entrée du manoir. Cette histoire avait fait arracher un sourire à la malade, signe que malgré tout, Phèdre tenait bon.

Au bout d'une semaine, les espoirs de voir Phèdre se rétablir s'amenuisaient, et seul l'arrivée de Aaron parvint à retourner la situation.

- J'ai besoin que vous donniez ceci à Phèdre.

Mary contempla l'homme, puis la lettre qu'il tendait, et fronça les sourcils, irritée.

- Vous savez très bien qu'elle est malade...
- Et qu'elle refuse de voir un médecin, je sais. Mais nous savons aussi qu'elle ne tiendra pas infiniment. Elle a hérité de la santé de sa mère, elle doit voir un médecin. S'il vous plaît.
- Vous pensez pouvoir la faire changer d'avis ?
- Je l'espère.

Mary hocha la tête et se précipita au chevet de Phèdre, la lettre serrée dans sa main. Elle la tendit sans un mot à la malade, et celle-ci l'attrapa, la main tremblante. Après l'avoir lu, elle lâcha un rire sans joie.

- Fais venir Dwight. Je suis fatiguée.

Mary et Margaret échangèrent un regard inquiet, mais s'exécutèrent, et Dwight arriva une heure plus tard. Phèdre congédia ses amies, et elle se retrouva seule avec le médecin, la boule au ventre.

- Vous m'avez fait venir. De votre plein gré.
- En effet.
- Je ne vous ferai pas de mal.

Phèdre ferma les yeux, refusant de voir ce que Dwight comptait faire. Il prit son pouls, lui fit tirer la langue, et finit par lui préparer une décoction qu'il plaça sur à table de chevet.

- Cela devrait faire disparaître la fièvre. Vous serez de nouveau sur pieds la semaine prochaine.
- Merci, sourit faiblement Phèdre. Et désolée pour... avoir été la pire patiente que vous ayez du rencontrer dans votre carrière.
- Oh, j'en ai vu d'autres, s'amusa Dwight en s'asseyant à côté de la jeune femme. Mais aucun d'eux n'était aussi terrifié que vous. Vous avez eu une mauvaise expérience avec un médecin ?

Phèdre haussa les épaules, la gorge nouée. Elle finit par avouer d'une voix frêle :

- On m'a diagnostiqué mélancolique en France. Plusieurs médecins ont promis de me soigner. Ma famille en attendait beaucoup d'eux, personne ne veut épouser une fille comme ça. Je me suis successivement fait noyer, brûler, ... On m'a fait avalé des remèdes, on m'a fait des saignées, un des docteurs a même réussi à utiliser des sangsues sur moi. J'ai cru mourir.

Phèdre se mit à rire nerveusement et elle s'excusa auprès de Dwight.

- Je sais que vous n'êtes pas comme eux, mais...
- Je comprends tout à fait. Est-ce pour ça que vous êtes revenue aux Cornouailles ?
- Oui. Tous ces traitements étaient épuisants, et me faisaient plus de mal que de bien. J'ai... J'ai tenté de sauter par la fenêtre du premier étage. C'est à ce moment que mon père a compris que la médecine ne me sauverait pas. Il s'est dit que ça me ferait du bien de revenir ici.
- Est-ce... Francis...
- Personne ici n'est au courant à part lui. Je lui en ai parlé à Bodwin. Et maintenant vous, et... Aaron, termina-t-elle dans un murmure.

Dwight lui prit la main et la serra contre son cœur.

- Vos secrets sont bien gardés avec moi. Vous n'avez pas à vous inquiétez. Occupez-vous seulement de votre rétablissement, nous verrons le reste plus tard.

Phèdre hocha la tête, et elle regarda le médecin sortir de sa chambre. Elle se sentit soudain plus légère, et pour la première fois depuis le début de la semaine, elle plongea dans un sommeil paisible.

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant