xxvii.

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Elizabeth s'arrêta un instant sur le pas de la porte, un faible sourire aux lèvres devant le portrait qui se dressait devant elle.

Phèdre se chamaillait avec Mary au sujet d'une invitation qu'elle avait reçu, et James discutait tranquillement avec Camille des livres que Madame Bronte lui avait donné. Ils était tous attablés devant un goûter, tandis que tante Agatha les regardait depuis son fauteuil, tirant toujours ses cartes de tarot.

Emportée dans l'élan des soirées et des visites, Elizabeth n'avait pas vu le mois passer. Avec Phèdre qui passait ses journées hors du manoir, à être présentée aux diverses familles de la ville, il était rare qu'elle reste au manoir.

A force de l'accompagner, Elizabeth avait remarqué que Phèdre était devenue beaucoup plus spontanée, et s'était attirée les bonnes grâces des familles. Peut-être était-ce le fait qu'elle était devenue une jeune femme extravertie depuis son départ, ou que tout le monde lui cherchait un mari, mais les invitations pleuvaient et Elizabeth était incapable de garder la cadence.

Elizabeth tentait tant bien que mal de l'accompagner, mais elle avait perdu ce rythme de vie depuis son mariage avec Francis, et la naissance de Geoffrey Charles. Pas que cela ne la déplaise, bien au contraire.

La jeune femme reporta son attention sur l'homme qui se tenait un peu en retrait.

- Je vous laisse, j'ai encore beaucoup à faire. Et puis, je pense qu'elle sera contente de recevoir des nouvelles de George.

Catesby hocha la tête, la gorge nouée. Elizabeth s'éloigna et le laissa seul, sa main froissant la lettre qu'elle tenait fermement. Le majordome avait l'habitude de délivrer des nouvelles, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, et cela ne l'importait plus. Mais pour la première fois, il était incapable de savoir ce que sa destinataire pourrait ressentir.

George avait passé ces dernières semaines avec Phèdre, l'invitant plusieurs fois à des bals et des soirées, et il n'était pas rare qu'il s'arrête à Trenwith, quand il savait que Francis n'était pas là. Il l'avait courtisé avec délicatesse et candeur, et Catesby ne savait que penser. L'homme avait-il abandonné son projet de la marier à Osborne ?

- Oh Catesby ! s'écria Mary quand elle se rendit compte de sa présence. Entre !

Il obtempéra, et s'inclina respectueusement devant Agatha. Celle-ci fronça les sourcils mais ne dit rien.

- Quel bon vent t'amène ? demanda Camille d'une voix douce.
- J'ai une lettre pour Phèdre. De la part de George Warleggan.

La concernée se leva d'un bond et attrapa la lettre dans les mains du majordome. Elle se mit à la lire, ignorant les regards scrutateurs qui pesaient sur elle. Au bout de quelques minutes, elle posa la lettre sur la table et lâcha d'une voix blanche :

- Osborne m'a demandé en mariage. Je dois régler ça tout de suite.

La jeune femme sortit de la pièce, très vite accompagnée par James. Le reste du groupe les regarda faire, sonné.

- Pardon ? s'écria Camille en se précipitant vers la lettre. Il semblerait que George ait demandé l'autorisation à son père, et qu'il a dit de laisser Phèdre décider.
- That poor excuse of a man, cracha Agatha en faisant sursauter Catesby. J'espère que Phèdre s'en sortira face à lui.
- Croyez-moi madame, il n'est pas prêt de s'en remettre, jura Camille, priant pour que James atténue la colère de son amie.

Jamais George n'aurait cru qu'il aurait eu peur de Phèdre. Elle était plus petite que lui, plus fragile et très calme. Pourtant, il manqua de s'étouffer avec son verre de gin lorsque la porte de son bureau s'ouvrît à la volée. Phèdre entra, suivit de James qui la retenait pas le poignet.

- Vous ! cria-t-elle en s'arrêtant devant son bureau. Vous !
- Phèdre du calme...
- Me calmer ? Je vous faisais confiance ! Et maintenant vous voulez que je l'épouse lui ? Dites-moi que c'est une plaisanterie de mauvais goût, je vous en prie.
- Phèdre, Osborne a une fortune qui s'élève à des centaines de...
- Je me moque de sa fortune ! C'est vous que j'aime.

Le silence s'abattit sur la pièce, et George sentit son cœur s'arrêter.

- Vous m'aimez ?
- Bien sûr que je vous aime ! Pourquoi pensez-vous que j'ai accepté toutes vos invitations ? Toutes vos dances ? Que j'ai passé toutes mes soirées en votre compagnie.
- Phèdre...
- Et vous m'avez manipulé, vous avez gagné ma confiance et mon amitié pour m'engager à un homme que je déteste.
- Phèdre...
- Non ! Je ne suis pas naïve. Vous ne l'aimez pas non plus. La seule chose qui vous importe est sa richesse. Je comprends. Mais que vous vous serviez de moi pour servir vos intérêts, c'est non. Dites à Osborne que je refuse. Je ne l'épouserai pas. Et quant à vous, allez au diable !

La jeune fille sortit, et James la suivit, un sourire mesquin aux lèvres.

- Congratulations.

George se laissa tomber contre son dossier, les yeux écarquillés. Qu'avait-il fait ?

- Je pense que vous lui avez forte impression, sourit James sur le chemin du retour.
- Je l'espère bien, maugréa Phèdre, les yeux rouges.

La jeune femme avait quitté Truro en pleurs, et s'était finalement calmée au bout d'une dizaine de minutes.

- Je hais les hommes.
- Je me sens visé.
- Vous n'avez pas à l'être. Vous êtes bon avec moi.

Ils se regardèrent et Phèdre sourit.

- Tu es le seul homme à qui je peux faire confiance.
- Tu mets beaucoup de foi en moi.
- Ai-je tort ?
- Mmh, peut-être.
- Tu avais raison sur Georges, j'aurai du t'écouter.
- Tu ne pouvais pas le savoir. Maintenant, tu dois rester sur tes gardes avec lui. Rappelle-toi qu'il place ses intérêts avant tout le reste. Tu mérites mieux.
- J'avais une idée.

James fronça les sourcils, soucieux.

- Quel genre d'idée ?
- Si je ne trouve pas de mari... Penses-tu que je pourrai t'épouser ?
- Phèdre...
- Tu n'es pas obligé d'accepter, mais je veux connaître ta réponse.
- Non.
- Bien.

Phèdre regarda par la fenêtre du coche, songeuse.

- Je t'ai froissée ?
- Non, je suis contente que tu m'aies répondu honnêtement. Maintenant que je sais quel genre d'homme est George, je refuse de le considérer comme un mari potentiel. Je vais devoir trouver quelqu'un d'autre.
- Commençons dès demain ! Les Bronte font un nouveau bal, j'ai entendu dire que leur cousine cherchait un mari elle aussi. Il y aura assez d'hommes pour que tu fasses un choix.

La jeune femme sourit, et James se mit à espérer qu'elle trouverait enfin un peu de calme.

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Hello everyone !

J'espère que vous allez bien, et désolée pour le format de ce chapitre, je vais prendre l'avion dans 1h30, so je n'ai pas eu le temps de trouver un gif ou de faire une plus jolie mise en page (ce n'est pas comme si j'en faisais une d'habitude)
Je posterai dans quelques jours un chapitre de transition assez court entre l'arc de la Lune et le prochain arc.

Je me suis aussi rendue compte que j'ai fait un anachronisme.
J'ai parlé de l'île de la Reunion, mais ce n'est pas historiquement vraie : durant le 18ème siècle, elle s'appelle l'île Bourbon. Mais comme je l'ai déjà écrit dans plusieurs chapitres, je ne le changerai pas.

Love u all 💖

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant