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- Je tiens une nouvelle fois à présenter mes excuses, j'ai du vous paraître horrible, grimaça Phèdre, accrochée au bras de Demelza.

Les deux jeunes femmes s'étaient arrêtées prêt d'un étang pour regarder les crapauds croasser dans l'eau. La colère de Phèdre était retombée aussi rapidement qu'elle était arrivée, et c'est toute penaude qu'elle s'accrochait à Demelza.

- Vous n'avez pas à vous en vouloir pour cette réaction, assura celle-ci avec un léger rire. Ross me met souvent dans cet état.
- Vous êtes heureuse avec lui ?

Phèdre fut frappée par les yeux émeraudes de sa compagne. Jamais elle n'avait vu un regard aussi clair, aussi perçant que celui de la jeune femme. Demelza était peut-être une fille de rien, une simple servante qui s'était élevée dans la société en épousant son maître, mais il y avait quelque chose de noble dans sa façon de se comporter. Et face à ce sentiment, Phèdre ne pouvait éprouver que du respect pour la nouvelle venue de la famille.

- Épouser Ross est certainement la meilleure décision que j'ai prise dans ma vie, sourit la rousse. Je l'aime.
- Et s'il a décidé de vous épouser, il doit vous aimer encore plus.
- Vous en êtes sûre ?
- Certaine, affirma Phèdre avec un immense sourire, avant que celui-ci ne s'efface. Je voulais... vous présenter mes condoléances.

Phèdre regretta aussitôt d'avoir abordé le sujet. C'était Agatha qui lui avait annoncé que la fille unique de Ross était morte plusieurs jours auparavant, et la jeune fille se devait de lui parler. Elle qui avait tant espéré voir sa nièce. Son cœur s'était brisé, alors elle ne pouvait pas imaginer la douleur et la détresse de la jeune mère.

Le visage de Demelza se ferma aussitôt à l'entente de la dernière phrase, mais elle continua d'écouter ce que sa cousine avait à lui dire, ou du moins, ce qu'elle tentait de balbutier :

- Je regrette... je veux dire... je n'ai jamais perdu d'enfant, et je n'en ai aussi jamais eu... je ne peux pas dire que je comprends votre peine, et que c'est la vie. La perte d'un enfant est injuste, même si elle a été prise par Dieu, ou qui sait ce qu'ils peuvent bien dire dans ce genre d'occasion, mais... Je suis là pour vous. Si vous avez besoin de quoi que se soit, je ferai tout ce qui est mon pouvoir pour vous aider.
- Pourquoi aideriez-vous une fille de cuisine ? grommela Demelza, la gorge nouée.
- Pourquoi je n'aiderai pas une Poldark ?

L'ombre d'un sourire apparut sur le visage de Demelza. Elle jeta un coup d'œil à Phèdre, avant de sourire franchement et de prendre sa nouvelle amie dans ses bras.

- Maintenant, s'exclama-t-elle avec une mine décidée, j'ai besoin de votre aide : il va falloir que vous m'expliquiez tout ce que vous savez sur les Poldark depuis le retour de Ross. J'ai besoin d'avoir un coup d'avance sur mes cousins.

Alors Demelza lui raconta tout d'une traite. Sa rencontre avec Ross, l'ouverture de la mine de cuivre de son père, qui lui rapportait de maigres revenus, les problèmes d'argent et de famille des Poldark, la mort de Julia, et surtout, les manigances de George, qui avait fait de Ross son némésis.

C'est à ces derniers propos que Phèdre tiqua :

- Vous pensez que c'est de sa faute ?
- George est celui qui a ruiné Francis. Il l'a entraîné dans les jeux d'argent, et n'a rien fait pour l'en sortir. Il ne s'arrêtera pas tant que Ross lui tient tête, assura Demelza.
- Il y a toujours eu une rivalité entre George et Ross, mais Francis ? Pourquoi ruinerait-il son meilleur ami ? Ça n'a pas de sens.
- Beaucoup de choses changent avec le temps. Les gens ne font pas exception.

La mine déconfite de Phèdre poussa Demelza à la prendre dans ses bras et à lui sourire :

- Mais vous devez vous en rendre compte par vous-même. Retournons à l'intérieur, les autres doivent nous attendre.

*•*•*

Ross termina d'expliquer la situation à sa cousine, qui était maintenant perdue dans ses pensées, les sourcils froncés.

- Vous risquez gros, lâcha-t-elle en le regardant, sans se départir de sa mine boudeuse. Lancer une révolte, couplée d'un vol de marchandises, c'est déjà énorme. Si en plus la marchandise venait d'un bateau qui était en train de couler, je n'ose pas imaginer votre sentence.
- Vous oubliez qu'un homme est mort, lui souffla Demelza.

Phèdre blêmit et murmura :

- Trop de charges pèsent contre vous, vous allez vous faire tuer.
- Ils ne le feront pas, assura son cousin sans se départir de sa mine sûre.

Un peu plus loin, James les observait, intéressé. Elizabeth et Francis avaient quitté la pièce, le plus gros de la colère de leur cousine étant portée sur Ross et son procès.

Phèdre lui avait toujours dit se sentir moins proche de Ross que de ses autres cousins, pourtant, on aurait pu facilement les prendre pour des frères et sœurs. Les même cheveux de jais, la même posture droite, le menton relevé. Ce qui brillait dans les yeux de Ross à l'instant même, James les avait déjà vu avant, dans ceux de Phèdre : la défiance.

- J'espère vous revoir avant le procès ma chère cousine, fit Ross en embrassant le front de Phèdre, avant de sortir du manoir, Demelza à son bras.

Sa cousine le regarda s'en aller, et quand elle fut sûre que plus personne ne l'entendait, elle poussa un immense soupir de lassitude. Elle sentit des mains glisser sur ses épaules et la masser tout doucement.

- Dure journée, souffla James, en caressant le cou de sa maîtresse.
- Ne croyez pas vous en tirer à si bon compte, je vous en veux toujours.
- Je l'imagine bien. Votre père m'a demandé de ne rien vous dire.
- Alors vous avez décidé de garder votre amie dans l'ignorance ?

Phèdre bascula sa tête vers l'arrière pour affronter le regard de son valet.

- De toute façon, nous allons devoir nous occuper de beaucoup de choses, et déballer tous vos secrets en fait partie.

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant