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Phèdre cueillait des fleurs, accordant très peu d'importance à ce qu'il se passait autour d'elle. Elle s'assurait seulement que Geoffrey Charles ne s'éloignait pas trop de sa nourrice, postée à quelques mètres d'elle, et elle retournait presque aussitôt à ses pensées. Bien sûr, elles étaient toutes tournées vers George.

La jeune femme gémit et manqua de hurler lorsqu'elle entendit dans son dos :

- Vous semblez bien préoccupée.

Elle se retourna pour faire face à Francis, qui lui tendit une ombrelle ouverte.

- Vous risquez d'attraper une insolation. Pourquoi n'avez-vous pas mis votre chapeau ?
- Je ne suis pas sûre que le soleil de l'Angleterre soit assez fort pour me faire quoi que se soit, s'amusa sa cousine.

Elle accepta cependant l'ombrelle, et tendit son bouquet pour que Francis l'attrape.

- Que pensez-vous d'une ballade ?
- Êtes-vous sûre de ne pas être trop fatiguée pour cela ? s'inquiéta aussitôt son cousin.
- Pourquoi est-ce que vous agissez comme James ? geignit Phèdre. D'ailleurs où est-il ? Encore en ville ?
- Il semblerait bien. Votre valet semble sortir souvent.
- C'est un homme actif, rester enfermé n'est pas dans ses habitudes, sourit la jeune femme. Et moi, je compte bien profiter de mon cousin préféré.

Cette dernière phrase fit sourire Francis, et il accepta le bras que lui tendait Phèdre. Ils se mirent à marcher, et l'homme lança presque aussitôt :

- Elizabeth m'a dit que vous étiez allée voir George.
- J'avais besoin d'un banquier.
- Et pourquoi pas Pascoe ? C'est un homme honnête, bien plus que George.
- Êtes-vous vraiment en froid avec lui ?
- J'ai l'impression d'être en froid avec tout le monde, soupira son cousin, dépité. J'ai rompu toutes relations avec George, et Ross a fait de même avec moi. Je ne veux pas que vous fassiez la même erreur que moi.
- C'est-à-dire ?
- Faire confiance à George. Il ne vous apportera que des ennuis.

Phèdre sourit, attendrie par les inquiétudes que son cousin avait à son égard. Mais son sourire se figea lorsqu'il ajouta :

- Je sais exactement ce qui vous a conduit à lui.
- Ah bon ? s'amusa sa cousine, mais il n'y avait aucune trace de joie dans sa voix.
- C'est un homme de bonne famille, riche,... Ce genre de détails ne doit sûrement pas échapper à une jeune femme comme vous.
- Hum... Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous insinuez...
- Je ne peux vous blâmer d'être allée le voir. George sait comment s'y prendre avec les démarches administratives, et le fait qu'il soit influent a du vous rassurer à l'idée de lui confier votre argent. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il risque de faire faillite.

Phèdre soupira de soulagement. Pour son cousin, elle ne s'intéressait à lui que pour ses affaires, rien d'autre. Pour un peu, elle en aurait ri. Mais se retint lorsque Francis lui avoua :

- Je suis ruiné. Je ne sais pas ce que je dois faire.
- Vous ne pouvez pas demander de l'aide à qui que se soit ?
- Qui voudrais m'aider Phèdre ? Je ne suis pas Ross, les gens ne m'apprécient pas. Pourquoi aider un incapable comme moi ?
- Vous n'êtes pas un incapable, le rassura sa cousine. Ce genre de choses arrivent, même aux meilleurs. Vous n'avez aucune idée de ce que le futur vous réserve.
- Ai-je seulement envie de le voir ?

Phèdre blêmit. Elle prit une grande inspiration et souffla :

- Ne dites pas ça.

Francis eut un petit sourire qui se voulait rassurant, mais la jeune femme sentait son ventre se tordre. Son cousin embrassa le dos de sa main et annonça :

- Je dois me préparer pour le procès. Je quitterai Trenwith demain matin.
- Quand reviendrez-vous ?
- Qui sait ? répondit l'homme en s'éloignant.

Phèdre resta quelques minutes sur place, le regard absent. Ce sont les crissements du gravier qui la réveillèrent, et elle s'aperçut que James s'approchait d'elle, tirant son cheval à sa suite.

- Vous allez bien ? s'inquiéta aussitôt son valet.

Il n'avait pu s'empêcher de remarquer le teint maladif de sa protégée, et les tremblements qu'elle essayait vainement de cacher. James prit ses mains et les porta à ses lèvres. Il les embrassa avec douceur et susurra :

- Voulez-vous en parler ?
- Nous devons aller à Bodwin demain. Ross n'est pas le seul en danger de mort.

James ne posa pas plus de questions, et il passa un bras protecteur autour de l'épaule de la jeune femme, conduisant son cheval aux écuries avec son autre main. Lorsqu'ils furent à l'abri des regards, Phèdre se blottit contre le torse de son valet, secouée de spasmes. James attendit patiemment que sa crise se termine, et lorsque Phèdre se sépara de lui, il murmura :

- Puis-je savoir ce qui vous tracasse ?
- Francis... Je pense que Francis est désespéré, annonça-t-elle d'une voix grave. Et nous savons tous deux que les gens désespérés ne connaissent aucune limite.
- Que comptez-vous faire ?
- Je l'ignore encore, gémit Phèdre en resserrant ses bras autour d'elle. Mais je trouverai bien quelque chose.

James caressa la joue de Phèdre et lui murmura :

- Phèdre, vous avez besoin de repos. Demain, nous en reparlerons.
- Mais je dois me préparer pour le dîner...
- Je vous trouverai une excuse, sourit l'homme. Vous allez avoir besoin de toutes vos forces pour empêcher d'autres malheurs de tomber sur vos cousins.

Phèdre hocha doucement la tête, et fila hors de l'écurie. James la regarda partir et il soupira de soulagement. Il sortit une mince feuille pliée de sa poche, la relut attentivement, et secoua la tête.

- J'espère que Phèdre apprécie son séjour et trouve du temps pour se reposer. Ma chère Evangeline, souffla-t-il en remettant sa lettre dans sa poche, tout serait beaucoup plus simple si vous étiez là.

𝑺𝒊𝒏𝒈𝒖𝒍𝒂𝒓𝒊𝒕𝒚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant