Fille du Ciel [FDS tome 3]

II - Chapitre 2

Jeremy

J'atterris à Londres trois jours avant le premier anniversaire de James. Je n'avais pas eu la moindre occasion de me changer, alors j'arrivai dans la rue où vivait ma sœur encore en uniforme. L'apercevant à la fenêtre de l'appartement, je m'arrêtai de l'autre côté de la rue pour prendre le temps de la regarder et de me préparer mentalement. Le retour à la réalité était là, juste devant moi.

Contrairement à ce que je pensais, les foules et les inconnus ne m'avaient pas mis mal à l'aise. Ils ne me connaissaient et ne s’intéressaient pas à moi. Ils étaient indifférents face à tout ce qui me concernait. Mais ma famille, elle, me connaissait mieux que quiconque, ou du moins, avait connu deux versions deux moi-même jusqu'à présent : celle avant la mort de Tom et celle d'après. J'étais aujourd'hui encore un autre Jeremy et j'appréhendais les émotions que je ressentirais en la présence de mes proches. Me sentirais-je serein et à la maison ou serais-je distant et triste parce qu'eux savaient ? Eux savaient à quoi je pensais en permanence et ils ne pouvaient s'empêcher d'avoir pitié de moi.

Marina berçait dans ses bras le petit James, un air complètement béat sur le visage, avant de s'éloigner là où je ne pouvais plus la voir. Je décidai de mettre mes doutes de côtés et de ne penser qu'au plaisir qu'elle ressentirait en me voyant. Je traversai donc la rue et sonnai à sa porte. J'entendis bientôt des pas peu pressés descendre l'escalier jusqu'à ce que la porte s'ouvrit pour laisser apparaître ma sœur. Sa mâchoire se décrocha en me voyant.

– Jeremy ! cria-t-elle me sautant dans les bras.

Je la serrai contre moi et laissai son odeur familière me réconforter. Lorsque je la reposai au sol, elle encercla mon visage de ses mains avec un air émerveillé.

– Je suis si contente de te voir, tu as bonne mine, petit frère. Entre.

J'avais sûrement l'air mieux que je ne l'étais réellement à l'intérieur, mais une cure de soleil faisait toujours du bien.

La pièce à vivre de ma grande sœur me paraissait étonnamment bien rangée comparée à ce que j'avais connu chez Jonathan Allen, le mari de Lucy. Néanmoins, Marina avait eu 9 mois pour se préparer à devenir mère et tout ce que cela impliquait, tandis que Jonathan s'était retrouvé père de jumelles du jour au lendemain. Par association, mes pensées ne purent s'empêcher d'aller d'Alex et Anna à ma Savannah, officieusement leur marraine. Jonathan savait-il que Savannah était morte il y avait un an ? Probablement pas. Je n'avais pu me résoudre à annoncer la nouvelle à qui que ce fût. Par ailleurs, je n'avais pas la moindre idée d'où se trouvait Elizabeth, Jason et Alexander. Ils méritaient tous de savoir. Mais comment pourrais-je leur dire qu'elle s'était vidée de son sang sous mes yeux et que je n'avais rien pu faire ?

Je m'empressai de chasser ses pensées sombres lorsque Marina revint avec une tasse de café.

– Ton timing est parfait, me fit-elle avec un grand sourire, je viens de coucher James, on a une bonne heure devant nous pour parler.

– Il ne devrait pas plutôt être réveillé à cette heure-ci ?

Je n'y connaissais rien en bébé, soyons honnête, mais j'étais surpris qu'il eût un rythme si différent.

– Tu parles, soupira ma sœur, il ne fait pas ses nuits alors il dort pas mal en journée. Ça a ses avantages et ses inconvénients. Mais parlons de toi ! Comment vas-tu ?

J'inspirai profondément, voulant être honnête avec elle sans pour autant l'inquiéter.

– Pas si mal. Chaque jour fait un tout petit peu moins mal. Et savoir que vous allez tous bien aide.